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Seniors des amphis

Dernière mise à jour : 25 mars

Pour collectionner les diplômes ou tuer le temps, les seniors sont de plus en plus nombreux à fréquenter les facs. À Toulouse, on en compte environ 3 000, partagés entre cursus traditionnels et universités dédiées. Rencontre du troisième âge avec ces étudiants presque comme les autres.



Une petite centaine de retraités se presse dans les couloirs de l’université Toulouse 1 Capitole. Devant les portes closes de l’amphithéâtre, le chahut est entrecoupé de « chut » signalant l’examen en cours dans la pièce d’à côté. On bavarde, on se bouscule, on s’impatiente. Deux fois par semaine, l’Université du troisième âge (U3A) accueille ces étudiants âgés pour l’essentiel de 62 à 75 ans. « Quand on vieillit, il faut faire fonctionner le cerveau autant que les jambes ! », plaisante Bernard Marquès. L’ancien directeur d’école s’assoit au fond de l’amphi avec son camarade Jean-Louis Nattes, ingénieur retraité. Tandis qu’au premier rang quelques-uns sortent carnets et stylos, les deux compères écoutent, menton dans la main, la première partie d’un cours intitulé « Le patronage des libérés, complément indispensable de la politique pénale de la IIIe République (Toulouse 1894-1910) ». Née en 1973 sous l’impulsion du professeur Pierre Vellas, l’U3A permet aux retraités de rester actifs intellectuellement et physiquement. « Nous proposons deux conférences par semaine, des cours de langue, d’informatique ou de droit notarial, des activités sportives et, une fois par mois, une promenade d’oxygénation », explique son fils, Jean-François Vellas, aujourd’hui responsable de l’université. Un programme complet mais moins dense que celui de sa voisine, l’Université du temps libre (UTL).


Des effectifs multipliés par 5 en 7 ans Implantée rue du Taur et gérée par l’université Toulouse Jean-Jaurès, elle propose 106 cycles de 4 à 8 conférences, dans des disciplines aussi variées que l’histoire de l’art, la géopolitique, le cinéma ou la philosophie. De quoi étancher la « soif de savoir » de certains seniors, assure Danny Rochefort, la responsable de la diffusion culturelle de l’UTL : « Certains de nos adhérents auraient aimé faire des études mais ont commencé à travailler très jeunes. Ceux-là assistent à toutes les conférences. » Toutefois, la plupart des retraités-étudiants sont issus des catégories socio-professionnelles supérieures. Pour l’ancien directeur d’imprimerie Jacques Espic, 84 ans, l’UTL est « un pur plaisir. Quand j’ai pris ma retraite, j’ai passé un DEUG de philo pour m’amuser. Aujourd’hui je ne viens que pour écouter. » Grande voyageuse, Joëlle Montagne profite quant à elle de ses cours pour préparer ses périples, comme ce voyage en Iran sur les traces de la Mésopotamie. Ces seniors en mal d’instruction ou en quête de passe-temps sont de plus en plus nombreux. Entre 2009 et 2016, les effectifs de l’UTL ont été multipliés par 5, passant de 340 à 1 800 étudiants, quand l’U3A accueille chaque année environ 650 adhérents. Depuis quelques temps, on les retrouve aussi à l’université, dans les traditionnels cursus LMD – licence, master, doctorat. Marie-Christine Jaillet, vice-présidente de la commission recherche à l’UT2, estime que « la nouvelle génération de retraités qui souhaite continuer à se cultiver ne va pas qu’à l’UTL. Certains reviennent à l’université avec une logique de diplomation. » C’est le cas de José Roman, ancien ingénieur des Ponts et Chaussées, revenu à la retraite à ses premières amours : le latin et le grec. « Enfant je ne m’imaginais pas faire autre chose. Je voulais être enseignant, mais comme j’étais bon dans toutes les matières, on m’a fait faire des mathématiques. » En 2011, pour occuper son temps et son esprit, José Roman s’inscrit en deuxième année de licence. Un an plus tard, le sexagénaire s’offre même un classique du parcours étudiant : un semestre Erasmus, direction Bologne. « J’ai passé les examens aussi longtemps que ça me paraissait stimulant pour bien travailler. Arrivé en master, je n’ai pas eu envie de faire un mémoire. S’attarder deux ans sur un sujet précis quand il en reste peut-être autant à vivre, ça me paraissait superflu. » Il s’inscrit alors en grec moderne et suit quelques cours de philosophie et d’histoire en auditeur libre. « Je reste à l’université aussi parce que c’est un plaisir de côtoyer tous ces jeunes. » Les camarades de José Roman n’ont pourtant pas tous vingt ans. Parmi les retraités qui, comme lui, ont repris leurs études, il évoque une présidente des amitiés franco-grecques, deux institutrices en fin de carrière, un ancien magistrat ou encore un ouvrier d’origine espagnole… Quelques exemples parmi les 729 seniors inscrits cette année dans les universités de Toulouse. Un chiffre qui a presque doublé en cinq ans et appuie la conclusion de Marie-Christine Jaillet : « Dans un contexte d’augmentation du niveau de formation et de vieillissement de la population, ce phénomène, qui n’est déjà pas anecdotique, va probablement s’accentuer ». Surtout si l’expérience menée par un laboratoire de l’université Paul-Sabatier fait des émules. En 2016, durant six semaines, des membres de l’UTL ont été soumis à des exercices de lecture. Résultat ? Leur capacité de mémorisation a augmenté, donnant ainsi raison à Danny Rochefort lorsqu’elle affirme qu’« ici, s’instruire rime avec bien vieillir. »

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