Eté

Littérature : Automne Stevenson

Rédaction : Sébastien VAISSIÈRE,
le 5 septembre 2018 Temps de lecture : 5 min.
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En cette rentrée 2018, l’Occitanie brûle d’une stupéfiante fièvre stevensonienne. De projets éditoriaux en célébrations des 140 ans de son périple pédestre automnal dans les Cévennes, l’auteur écossais de L’île au trésor et de L’Étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde semble passionner tout ce que notre région compte d’amateurs de littérature, d’aventure et de marche à pied. Voici ce qu’il faut savoir, lire et retenir pour ne rien rater de cet automne Stevenson.

Île à relire

Qui n’a pas frissonné à 10 ans, sous sa couette, en lisant l’irruption du vieux Billy Bones à l’auberge de l’Amiral Bembow dans l’Île au trésor, a raté sa vie. Par bonheur pour eux, l’éditeur auscitain Tristram leur donne une seconde chance en sortant ce mois-ci une nouvelle traduction de Jean-Jacques Greif, directe, rythmée, franche du collier, et si musicale qu’elle semble faite pour être dite davantage que pour être lue. Il suffit pour s’en convaincre de se livrer à une comparaison entre une traduction typique de celles que lisaient les enfants de jadis : « Je le vois encore, arrivant d’un pas lourd à la porte de chez nous, suivi de son coffre de matelot qu’un homme trainait dans une brouette. Il était grand, d’apparence athlétique, avec une face au teint couleur de brique, une queue goudronnée qui battait le col graisseux de son vieil habit bleu, des mains énormes, calleuses, toutes couturées de cicatrices, et ce coup de sabre qui avait laissé sur sa face, du front au bas de la joue gauche, un sillon blanchâtre et livide », et celle de Jean-Jacques Greif : « Je me souviens de lui comme si c’était hier, avançant à pas lourds vers la porte de l’auberge, suivi par une charrette à bras sur laquelle sa malle de marin était arrimée ; un homme grand, puissant, massif, au teint cuivré ; sa queue de cheval poisseuse tombant sur les épaules de son manteau bleu pas très propre ; ses mains rugueuses et crevassées, aux ongles noirs ébréchés ; et le coup de sabre zébrant sa joue d’une balafre livide ».

L’Île au trésor de R-L. Stevenson. Traduction J-J. Greif. Éditions Tristram. Sortie le 13 septembre 2018

 

Voyage immobile

Pour ceux qui ne disposeraient pas de suffisamment de RTT pour prendre 12 jours de congés d’automne sur les traces cévenoles de Stevenson, il reste encore le voyage immobile permis par le texte et l’image. Le Voyage avec un âne dans les Cévennes paru chez les Ruthénois des Éditions du Rouergue en mai 2018 sera pour eux un compagnon idéal. Un ouvrage en manière d’album, où le texte de 1878, adroitement traduit par Fanny W. Lappara, s’habille des images de 2018 du photographe Nils Warolin. L’ensemble permet de reconsidérer ce texte, récit de voyage et de jeunesse regorgeant d’aphorismes et de petites leçons de vie ; et de constater avec stupeur que le paysage d’aujourd’hui n’est pas loin de celui du xixe siècle parcouru et décrit par l’auteur.

Voyage avec un âne dans les Cévennes de R-L. Stevenson. Traduction Lappara. Photographies Warolin. Editions du Rouergue, mai 2018

 

Épitaphes et bios

On peut tirer encore le fil de Stevenson en Occitanie avec deux ouvrages supplémentaires. Le premier, Stevenson, voyage au bout de l’étrange, est la biographie écrite en 2015 par l’auteure toulousaine Béatrice Balti. Sans valoir la bio du Breton Michel Le Bris, son travail est extrêmement documenté et le propos à ce point passionné qu’il donne envie de dévorer toute l’œuvre de Stevenson. Le second, Les joyeux compères, est une nouvelle de Stevenson lui-même. Comme un préambule à la lecture de L’Île au trésor. Les motifs y sont identiques, les ressorts similaires, et le plaisir du lecteur comparable. Les éditions Vagabonde, sises à Sénouillac, dans le Tarn, en ont sorti une nouvelle traduction très réussie voilà six mois, agrémentée de poèmes initialement parus dans la prestigieuse revue littéraire annuelle Conférence. Parmi ces textes en vers, cette épitaphe qui dit tout de la vie de son auteur : « J’ai monté et descendu la pente, enduré et agi tout au long des jours, rêvé de tout, dit adieu à l’espoir, vécu, aimé et fermé la porte ».

Stevenson, voyage au pays de l’étrange de Béatrice Balti. Éditions Yoran Embanner, 2015 / Les joyeux Compères de R-L. Stevenson. Éditions Vagabonde, 2017

 

Chemin à parcourir

Le 22 septembre, cela fera exactement 140 ans que Stevenson, âgé de 18 ans, entreprit son périple à travers Massif central et Cévennes, du Puy-en-Velay jusqu’à Alès. Il n’avait alors rien écrit de majeur, et cherchait à soigner son vague à l’âme dû à la séparation d’avec sa bien-aimée, rentrée en Californie câliner son époux légitime et leurs deux enfants. 12 jours de traversée et 272 kilomètres immortalisés dans un livre culte pour les randonneurs et les amateurs de récit de voyage : Voyage avec un âne dans les Cévennes. Devenu GR 70, le parcours possède aujourd’hui l’enviable statut de chemin de grande randonnée littéraire, et voit de plus en plus de marcheurs s’y presser (près de 7 000 l’an passé), accompagnés ou pas d’ânes bâtés. Ce mois de septembre 2018 est la période rêvée pour mettre ses pas dans ceux de Stevenson ou dans les sabots de son ânesse Modestine. D’une part pour le climat, moins brûlant qu’en été, d’autre part pour les festivités du 140e anniversaire qui égaieront l’ensemble du parcours jusqu’en octobre. Préférence régionale oblige, on privilégiera la partie Sud de l’itinéraire, située en Occitanie, qui comprend les deux étapes du Mont Lozère, réputées les plus belles : Le Bleymard / Le pont-de-Montvert et Le pont-de-Lontvert / Florac.

Renseignements auprès de l’association Sur le chemin de Robert-Louis Stevenson

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