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Vanessa Morales : Dure au mal

La montagne dans la peau. Vanessa Morales arbore sur son avant-bras gauche les Pyrénées qu’elle chérie tant, dessinées à l’encre noire. Dès qu’elle le peut, elle s’échappe du tumulte de Toulouse pour retrouver le calme de l’altitude. Cet après-midi encore, elle avalera les dénivelés sur les hauteurs d’Aspet, au sud de la Haute-Garonne.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, le sport et la montagne ont toujours fait partie de son quotidien. Née à Perpignan, la jeune femme a grandi à Font-Romeu, au pied des pistes. « Là-bas, dès que tu sais marcher, on te colle sur des skis et on te demande ce que tu veux faire comme sport avant même de savoir ce que tu veux faire dans la vie », sourit-elle. Et avec une mère très sportive qui travaille sur les pistes, autant dire que le sport, c’est dans ses gènes. « Ma mère était quelqu’un de très pur, très proche de la nature. C’est ma première source d’inspiration. »

Petite, Vanessa choisit le patinage artistique. Elle se passionne pour cette discipline et intègre en CM2 une section sport-études. À 16 ans, atteinte du syndrome des Loges, une affection des muscles des jambes, elle est contrainte de mettre un terme à son cursus.

Arrachée à son sport de prédilection, la Romeufontaine veut se prouver qu’elle est encore capable d’avancer. Elle se lance dans la course à pieds en montagne, son milieu favori. Un exutoire : « J’éprouvais le besoin de m’échapper et c’était le seul endroit où je pouvais le faire. Je travaillais dans un restaurant et je skiais avant et après le service. Même pendant mon service, je ne pouvais pas m’en passer. Alors j’allais chercher des champignons et j’en profitais pour courir ».

La maladie lui laisse alors un temps de répit. Jusqu’à ses 22 ans où elle doit subir une lourde opération et une longue rééducation. Remise sur pieds en quelques mois, elle reprend la course avec encore plus de passion. La disparition de sa mère quelques années plus tard, à seulement 50 ans, est un déclic supplémentaire : « J’ai vraiment pris une claque en la perdant. Je vivais déjà à fond mais en la voyant partir si jeune, ça m’a donné envie de tout faire encore plus vite. Atteindre les sommets c’est une façon de me rapprocher d’elle ».


La Laponie en courant

La jeune femme aux cheveux de jais avale les kilomètres. 10 à 20 bornes. Chaque jour. Régulièrement, elle court avec les sapeurs-pompiers, corps où elle exerce en tant que volontaire. S’engager auprès des soldats du feu a été une sortie de secours : « J’avais besoin de donner aux autres, explique-t-elle. Pour ne pas me centrer sur moi-même. Pour oublier mes soucis ». Impressionnés par ses performances, ses collègues l’incitent à participer à des cross. Elle qui n’avait jamais pensé à la compétition termine 5e de sa catégorie au trail national des pompiers, en 2016.

Ces résultats ne lui donnent pas pour autant le goût des podiums. « La compétition, c’est très anxiogène. C’est se mesurer aux autres alors qu’on est tous différents. Je préfère me confronter à moi-même et pousser mes limites »

Elle poursuit ses escapades pour le plaisir. Cette grande fan d’Anton Krupicka, coureur d’ultra-trail américain, prend l’habitude de gravir à petites foulées les 3000, ces pics pyrénéens de plus de 3000 mètres d’altitude. Là encore, c’est un de ses collègues qui lui fait prendre conscience du caractère exceptionnel de ses performances. Il lui propose de courir au profit de son association de lutte contre la sclérose en plaques, maladie dont il est atteint.

À partir de 2015, elle met toutes ses prouesses sportives au service de cette cause. Cette année-là, elle vient à bout, en cinq jours, de trois géants : l’Aneto, le Mont-perdu et le Grand Vignemale. Plus de 10.000 mètres de dénivelé cumulé. L’année d’après, elle relève à nouveau le défi en quatre jours. Puis en trois jours, en 2017.

Le réalisateur toulousain Patrick Foch se passionne pour ses performances. Accompagné de son caméraman Benjamin Ziegler, ils se rencontrent pour le tournage d’un premier film dans les Pyrénées ariégeoises. « À la fin de la course, je me suis cassé le bras, se remémore-t-elle. On était seuls, coincés en haute montagne et on a dû se débrouiller. Ça a créé des liens très forts entre nous. »

Plus tard, ils tournent Sous le plus beau ciel du monde, primé en Angleterre. Un film-portrait éprouvant où Vanessa Morales traverse la Laponie en courant, par des températures allant jusqu’à -40°C. « J’ai expérimenté quelque chose de complètement nouveau, j’ai vécu des choses que je n’avais jamais ressenties auparavant. J’ai aussi fait des erreurs de débutant, comme la fois où mes doigts sont restés collés sur un objet métallique. »

L’équipe de tournage s’envolera en Tanzanie du 9 au 19 septembre pour réaliser un film de 52 minutes sur la nouvelle aventure sportive de Vanessa : l’ascension du Kilimandjaro.


Le rêve d’une autre

Gravir le Kilimandjaro, ce n’était pas son rêve. Les 22 kilomètres de parcours et les 4 595 mètres de dénivelé positif, ce n’était pas son défi. C’était celui d’une femme atteinte de la sclérose en plaques, rencontrée à la suite d’une interview à la radio et devenue son amie. « Lors d’un voyage en Tanzanie, elle a découvert cette montagne et rêvait de la gravir, raconte Vanessa. Avec sa maladie, elle s’était fait une raison. Mais en m’entendant, elle s’est dit : “ Pourquoi pas ! ”. »

Quand sa partenaire renonce finalement à son projet à cause de sa santé, Vanessa décide de se lancer un défi encore plus grand : faire l’aller-retour jusqu’au sommet en moins de douze heures. En moyenne, cette ascension s’effectue en une semaine, le temps de s’adapter à l’altitude et ainsi éviter le mal des montagnes. En grimpant au pas de course, la jeune femme espère limiter les effets des changements de températures et de pression atmosphérique sur son organisme. « J’avais envie que ce soit vraiment dur. Je ne voulais pas que ça ressemble à des vacances. Je veux pousser mon corps au maximum de ce qu’il peut encaisser. »

Je vais aller chercher le dépassement de moi-même, comme mes patients le font au quotidien pour survivre, ce qui m’aidera à les comprendre.

Pour prévenir les risques sur sa santé, son ascension sera obligatoirement médicalisée. Patrick Lagorgue et Hervé Escourrou, réanimateur et kinésithérapeute, la suivront sur les sommets tanzaniens. Laurent Arbo, préparateur physique à l’Institut toulousain d’expertise de la performance sport et santé (Iteps), où elle s’entraine depuis un an, l’accompagnera sur les cinq derniers kilomètres.

À travers la souffrance qu’elle veut infliger à son corps, elle voit le moyen de mieux comprendre son métier. À 36 ans, titulaire d’un diplôme d’État d’aide médico-psychologique, cette maman d’un adolescent de 15 ans vient de terminer des études d’infirmières à l’IFSI du Gers. Quand elle ne court pas, elle travaille aux urgences de la Clinique d’Occitanie à Muret. « Tous les jours, je vois des patients désaturer, en hypoxie… Pendant mon ascension, ces pathologies, je vais les subir. Je vais aller chercher le dépassement de moi-même, comme mes patients le font au quotidien pour survivre, ce qui m’aidera à les comprendre. J’ai beaucoup de chances de pouvoir me servir de mon corps pour ça. »

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