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Archipel Citoyen : en ordre de marche

À 16 heures ce samedi après-midi, il fait chaud dans la salle Barcelone. Une centaine de personnes est déjà là, à l’heure, pour participer à ce que les organisateurs de l’évènement attendent/espèrent comme une preuve de l’attente que le mouvement a fait naître dans la population.

La porte-parole Caroline Honvaut regarde en souriant l’affluence de visiteurs. « Pour nous, c’est la grande réunion de début de campagne. Ça m’émeut de voir plein de visages que je ne connais pas. » Elle l’admet, le nom d’Archipel Citoyen n’est pas encore arrivé aux oreilles de beaucoup de Toulousains. Mais elle compte sur cette journée pour obtenir l’adhésion de nouveaux venus. Et se plait à noter que le lieu de la réunion est « un joli hasard » puisque la ville espagnole a élu en 2015 une liste de citoyens hors parti avec un programme élaboré par ses habitants. Pour l’instant, environ 600 personnes ont signé leur appel « Toulouse en commun » qui affiche pour mot d’ordre l’urgence économique, sociale et démocratique.

Les visiteurs semblent enthousiastes, ils s’informent du programme et vont s’asseoir à une table. A écouter les discussions, on distingue le maître mot du mouvement : le renouveau. La démocratie « participative » ? Un terme galvaudé pour les adhérents, qui préfèrent parler de démocratie collaborative ou mieux, de démocratie permanente avec des citoyens qui pourront participer aux décisions tout au long du mandat. À gauche de l’entrée, Véronique Chauveau accueille les citoyens qui voudraient signer l’appel. Engagée auprès de Génération.s depuis la présidentielle, la commerciale a rejoint Archipel Citoyen, jusqu’à proposer sa candidature à la liste. « Ce mouvement est un moyen de fédérer toutes les sensibilités, tous les partis. » De fait, plusieurs visages connus émergent de la foule, comme Manuel Bompard (France Insoumise), Antoine Maurice (EELV), Romain Cujives (ex-PS), François Piquemal (DAL) ou Geneviève Azam (Attac). Parmi les tables, on aperçoit même le jaune vif de deux gilets.

Post-it et critiques

Il est temps pour les porte-paroles du mouvement de présenter le programme. La lecture de l’appel déclenche des applaudissements nourris. Sur la petite scène érigée au centre de la salle, Maxime Le Texier, porte-parole et candidat, fustige le bilan de la mairie sous les rires approbateurs de l’assemblée. « La mairie peint des plots en vert pour faire croire qu’elle verdit la ville ! Le maire inaugure avec Vinci un projet à 5 000 euros le m2 et veut verbaliser la misère de ceux qui vivent dans des tentes. » Il enchaîne sur une pique à propos du projet controversé de la Tour Occitanie. Une dame habillée de vert approuve de la tête avec énergie. « Il faut que tout le monde soit conscient que ce n’est pas seulement le bilan du maire, mais aussi son projet pour la suite », poursuit-il. Pas un mot sur les partis politiques : ni rejet, ni invitation ciblée. Archipel Citoyen veut réunir tous les citoyens sans distinction pour faire front à un seul adversaire : la mairie. « Aujourd’hui, nous allons gagner Toulouse », conclue-t-il sous les applaudissements enthousiastes.

Chacun est alors invité à rejoindre une table en fonction de son thème de prédilection : se loger, se déplacer, se nourrir, s’émanciper par la culture, accéder aux services publics… À chaque table, un « facilitateur » ou une « facilitatrice » se charge d’animer le débat. « Est-ce que c’est bien clair pour tout le monde ? » Les participants se prêtent à l’exercice avec sérieux. Les idées serviront à faire émerger les problématiques relatives au sujet afin que les « cercles » qui composent le mouvement puissent s’en inspirer et établir des propositions pour le programme. Sur toutes les tables, chacun exprime ses griefs et ses idées, preuve que ceux qui sont venus ce samedi après-midi fondent leurs espoirs dans le changement démocratique qu’Archipel Citoyen leur promet. Michel, retraité, peste par exemple contre les moyens « ridicules » mis en œuvre par la mairie pour améliorer la qualité de l’air tandis que Christian évoque le sujet des nano-particules.

De nouvelles têtes

Si la plupart des présents n’en sont pas à leur première réunion publique, pour d’autres c’est une première. Alex a pris part à la discussion autour du thème « s’éduquer et avoir des enfants ». Celui qui entame sa première année de professeur en école élémentaire est depuis toujours militant de gauche, « plutôt anti-capitaliste ». « J’avais un peu de temps et je voulais voir quelle dynamique ça allait créer. C’est intéressant ! »

Au dessus de la sono, une affichette proclame : « Vous écoutez de la musique produite localement. » En attendant la suite du programme, le bar sert eau, thé ou café dans des gobelets réutilisables. Si la tendance politique des visiteurs tend manifestement vers la gauche, les générations se mélangent en un brouhaha animé. France, adhérente convaincue et ancienne avocate, milite depuis 1969. La septuagénaire est ravie de compter le nombre de participants aux discussions. « On est crevés par des catégories socio-professionnelles qui nous enferment dans des idéologies complètement dépassées. Voir autant de mélange d’âges, ça me redonne du courage. » Est-il partagé par la jeunesse ? C’est en tout cas ce qui anime Inès et Benjamin, respectivement 16 et 17 ans, qui rêvent d’un programme de sensibilisation à l’égalité homme-femme et d’un « cursus écologique » de la maternelle au lycée.

Des cercles de quartier pour propager les idées

Archipel Citoyen veut un projet novateur, ce qui ne lui épargne pas les critiques. Est-ce vraiment réalisable ? Pour montrer que donner le pouvoir aux citoyens est loin d’être utopiste, les organisateurs ont invité Joseph Spiegel, le maire de Kingersheim, ville du haut-Rhin qui soumet toutes les grandes décisions à l’avis de sa population. La salle écoute religieusement le brillant orateur parler d’« agoracteurs » et aligner les métaphores enflammées. Puis interviennent Rhany Slimane, de la liste citoyenne « Nous sommes » à Montpellier, et Françoise Fize, membre de La Belle démocratie à Saint-Médard-en-Jalles, des exemples de démocratie collaborative qui ont connu le succès ou qui entament un processus similaire à celui d’Archipel Citoyen. À chacune de leurs interventions, les mains de quelques adhérents s’agitent pour signifier l’approbation : c’est pour eux une raison de plus de croire en ce projet.

Avant de se quitter, un dernier atelier attend les participants, celui des cercles de quartier. L’objectif ? Fixer un rendez-vous pour réunir les habitants d’un même lieu pour débattre des problématiques spécifiques au quartier. Un moyen pour que le mouvement se répande à l’échelle locale. Pas évident de se mettre d’accord quand on est une vingtaine, venus de tous horizons (médecin, enseignant, ingénieur, éducateur, étudiant…) comme à la table du quartier Saint-Cyprien. D’autant plus que certains préfèrent s’attaquer tout de suite aux questions qui les préoccupent : « Il faut qu’on parle du sujet de la Grave ! Vous avez reçu la lettre du maire dans vos boîtes aux lettres ? » Digressions et désaccords, c’est aussi ça la démocratie collaborative. Finalement, on tombe d’accord pour se retrouver au Jardin Raymond VI. C’est déjà ça… 

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