Quand Étienne Billières est élu en 1925, la ville sort de 6 ans de mandat semi léthargique. Son prédécesseur, le radical Paul Feuga, s’est employé à gérer l’urgence en accompagnant le douloureux retour à la vie d’une population meurtrie par la Première Guerre. Une fois Billières au Capitole, tout s’accélère. En dix ans (il meurt au cours de son deuxième mandat), ce fils d’artisan de Saint-Cyprien et d’ouvrière de la manufacture des tabacs modernise la ville et la fait entrer dans le XXe siècle. SFIO de tradition jauressienne et de tempérament méridional, ce bon vivant au physique de colosse évalue la moindre de ses décisions à l’aune de ses idéaux humanistes. Il bâtit plus de mille Habitations Bon Marché (HBM), favorise l’accession à la propriété, inaugure les bains-douches à Saint-Cyp, installe des urinoirs place du Capitole, ouvre des « fourneaux économiques » où les ouvriers déjeunent pour trois fois rien, et fait pousser des installations sportives ouvertes à tous sur l’ile du Ramier. C’est à lui qu’on doit les bassins dans lesquels on se baigne encore aujourd’hui, et la salle Mermoz attenante où Moudenc, Pellefigue, Cohen et d’autres organisent leurs meetings politiques, et où s’est tenu récemment le procès AZF. Prof de calligraphie et de sténodactylo, Billières était attaché à l’excellence scolaire et à ce qu’on appellera plus tard l’ascenseur social. Il améliore le confort des écoles, alors rudimentaire, bâtit la Bibliothèque municipale de la rue du Périgord dans le silence de laquelle s’absorbent encore les étudiants toulousains, et crée un prix couronnant les bons élèves de la ville. Une récompense qui a la particularité de ne pas être remise par les instituteurs mais par les camarades de l’élève récompensé. Enfin, c’est à Étienne Billières qu’on doit la nomination de Jean Montariol comme architecte en chef de la ville. D’abord employé au service des HBM, ce Toulousain diplômé des Beaux-Arts et ami de Picasso et de Le Corbusier occupera ce poste jusqu’en 1949. En 20 ans, il concevra dans un style Art déco bien de saisissants bâtiments art déco qui comptent encore de nos jours dans l’identité architecturale toulousaine (Bourse du travail à Saint-Sernin, bibliothèque du Périgord, piscine Nakache, Stadium municipal, kiosque de la place Pinel etc.) À la mort brutale de Billières en 1935, les Toulousains sont abasourdis. Le personnage, resté proche du peuple et connu pour son talent de raconteur de blagues, laisse un grand vide dans la ville, et même au-delà : Blum lui-même s’émeut dans une nécrologie parue dans le journal national Le Populaire : « Comment ? Billières est mort ? Billières, ce bon géant dont toute la personne exprimait une puissance calme, joyeuse et sûre d’elle-même ? (…) Il était le plus sûr et le plus tendre ami. Nous nous représentons le chagrin des Toulousains d’après le nôtre. Nous ne pensons pas à les consoler de leur peine. Nous la partageons avec eux. »
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