Vous êtes probablement déjà passés devant les réalisations de l’atelier 3.14 Conception sans vous en rendre compte. La scénographie de l’exposition Giacometti aux Abattoirs en 2024 ou le moulin à Nef du jardin Raymond VI, entres autres. Leur point commun : elles sont conçues à partir de matériaux issus du réemploi.
Hellen Belou et Quentin Deloire se rencontrent en école d’architecture il y a 11 ans. Pour leur projet de fin d’études, ils choisissent un sujet riche et complexe (l’analyse des habitats vernaculaires entre le Vietnam et la France), qui les conduit à voyager six mois durant pour explorer le lien entre l’habitat et l’environnement. Les techniques de construction s’articulant autour des matériaux, du climat, des croyances et des us et coutumes, cette étude ethnographique leur permet d’assimiler ce qu’ils appellent de « l’ingénierie populaire ». Plus tard, alors qu’ils entament la rénovation d’un château dans le Gers, ils se rendent compte que tous les matériaux nécessaires sont déjà dans les ruines. Ce sera le point de départ de l’atelier 3.14. « Le secteur du bâtiment est le premier consommateur d’énergie, deuxième émetteur de gaz à effet de serre, troisième producteur de déchets, énumèrent-ils en chœur. L’économie circulaire répond à ces trois problématiques. » Ils décident de développer une vision de la construction portée par un engagement écologique. Pour cela, il faut revaloriser matériaux et déchets. Avec comme avantage d’être présent de la conception jusqu’à la réalisation, ce qui confère une plus grande marge de manœuvre. Complémentaires, l’un ingénieur, l’autre technicien, ils se lancent il y a trois ans et montent 3.14 Conception. « 3.14 c’est pi et pi permet de calculer la circonférence du cercle. Le cercle, l’économie circulaire… C’est un peu capillotracté, mais bon... » Aujourd’hui ils emploient six salariés.
Pour les matériaux impossibles à réemployer, 3.14 fait un effort kilométrique : les matériaux neufs sont acquis à moins de 30 km du chantier. Le bilan environnemental est calculé tout au long du projet : carbone, énergie, eau douce, tonnes/kilomètre… Cela permet aussi de réindustrialiser, d’aider les ouvriers locaux, puisqu’ils font le choix de travailler avec une multitude d’acteurs qu’on ne peut pas délocaliser. Sensibilité qu’ils n’ont pas puisée dans leurs cours d’architecture : « Il n’y avait aucun cours sur l’économie circulaire » regrettent-ils. Hellen a mué sa curiosité scientifique en conscience écolo : « Il connaît tous les chiffres et les grammes de CO2 » plaisante Quentin, qui pour sa part justifie son goût pour la débrouillardise avec cette anecdote : « Quand j’étais petit, mon grand-père, cantonnier du village, gérait une déchetterie. Les bennes étaient mon terrain de jeux. Je construisais des cabanes avec les déchets. Tous les ans j’en démolissais une et j’en construisais une nouvelle. »
Parmi les créations notoires de l’atelier : un moulin à nef commandé par le festival d’art contemporain toulousain Nouveau Printemps. Il trône désormais sur la pelouse du jardin Raymond VI. Une tonne de bois réemployé, et une mezzanine bâtie avec 90% de matériaux issus du réemploi, 9000 kg de CO2 épargnés à l’atmosphère. Au-delà de la réussite, c’est le bilan écologique qui impressionne : en termes de CO2, c’est l’équivalent de 110 allers-retours Paris-New York en avion économisés pour 12 tonnes de matériaux réemployés