Il faut slalomer entre le resto vietnamien Nha-Trang, la Boucherie et les 3 Brasseurs pour que l’oeil soit finalement distrait par le scintillement lointain de l’inox immaculé du Tommy’s Diner. Ce samedi, son parking est rempli d’autos américaines. Christian et Marie, veste en cuir sans manches et bagouses aux doigts, arrivent de Beaumont-de-Lomagne pour les reluquer : « Entre une Mégane et une Mustang, rouler en Mustang, ça a quand même une autre gueule ». Ils y retrouvent Jean-Marc, la caricature du biker au grand coeur, qui déboutonne volontiers son habit de lumière pour dévoiler un Taz chevauchant une Harley tatoué dans son dos. Devant son pick-up américain, il évoque son testament : « Désolé Christian, il est déjà écrit. Et ma Harley, elle est léguée à mon fils ». « Alors j’peux avoir un porte-clef ?! » Leur conversation ne s’interrompt que quand les autos made in USA les frôlent en vrombissant.
Sur les places de stationnement, quelques stands sous barnums se tirent la bourre. Relookings pin-up proposés par Miss Pin-Up France, baptêmes de Harley Davidson, ou vente de t-shirts à l’effigie du Tommy’s, le tout au son du groupe de blues qui joue de l’autre côté du diner, sur la scène installée à l’extérieur : « Du bruit, Labège ! ». À l’intérieur, des serveuses en jupes patineuses à pois circulent entre les banquettes turquoises et foulent le carrelage damier avec des milkshakes, onion rings et autres réjouissances sur leur plateau. L’ancien talonneur du Stade Toulousain et fondateur du lieu, Patrick Soula (bermuda beige, polo noir et lunettes sur le crâne) et son fils Tommy, profitent de l’entre-deux concerts pour monter sur scène et tirer au sort les gagnants des cadeaux mis en jeu. Devant quelques personnes assises sur des chaises en plastique, Soula père commence par plonger sa main dans une urne en carton à l’effigie de « THE GAME, ROUTE 66 » où « les enveloppes des joueurs des 11 Tommy’s de France ont été rassemblées ». Tommy, au micro, tease : « Et le gagnant de 2 allers-retours à San Francisco est… ».
Fausses rouflaquettes, vrais musiciens Le patron fait glisser ses lunettes au bout de son nez pour énoncer le nom du gagnant. Applaudissements timides des chaises en plastique. Les heureux élus ne sont pas dans l’assemblée. Au troisième lot, Patrick Soula s’impatiente : « C’est chiant là non ? Y’a pas des gamins qui veulent lire les noms, y’avait des mini pin-ups par là… ». Quelques enfants montent sur scène, un jeune garçon essaie de déchiffrer : « Mélanie… Trénouille… ». « Trémouille ! Mélanie Trémouille tu as gagné une belle pompe à essence ! »
Vers 19h30, le groupe des Blues Brothers Tribute se fait attendre. Dans l’audience clairsemée installée sur une vingtaine de tables en plastique, Agathe, robe longue imprimée, tatouages colorés sur les bras, frange courte brushée au millimètre et eye liner prononcé. Ce qui lui plaît dans les années 60 ? « Tout. Les femmes savaient s’habiller, elles avaient confiance en elles… Elles étaient un peu hors-normes. Aujourd’hui, tout le monde se ressemble ».
Rouflaquettes dessinées, chapeaux noirs et lunettes de soleil, les deux chanteurs grimés en Blues Brothers investissent enfin la scène. Agathe et ses amis, le seul public debout, tapent du pied en reprenant un Gimme some lovin’ endiablé. Isabelle, une cliente attablée, désigne son hamburger : « J’adore ce qu’on mange ici. Regardez, là, je me suis évadée, je ne suis plus ici ! ». Malgré les palmiers et les drapeaux qui flottent dans l’air, le Gaumont derrière elle la trahit. Vers 21h, la luminosité commence à baisser et il n’y a plus rien pour se refléter dans l’inox du désormais « TOM DINER » : les néons roses des « MY’S » resteront éteints.