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C'est extra !

Au collège Léo-Ferré de Saint-Lys, on mange bien. Et on mange local, grâce à Jean Ledesma, chef de la cantine depuis 25 ans.




Drinngggggg, il est 11h30. Les premiers ados affamés se précipitent hors des salles de classe. Une fois les sacs à dos lâchés sous le préau, le groupe patiente devant le réfectoire. En cuisine, le chef Jean Ledesma a préparé un menu spécial pour cette dernière journée sous le signe d’Agrilocal, une plateforme qui met en relation les producteurs locaux et les acheteurs publics comme les établissements scolaires. Toute la semaine, les 600 élèves du collège Léo-Ferré de Saint-Lys ont été sensibilisés à l’agriculture locale et à la qualité des repas. « Mangez malin les bons produits du coin ! », rappellent les affiches.


Les portes s’ouvrent et les mains se glissent dans le dispositif biométrique qui distribue les plateaux. En entrée, au choix, charcuterie, velouté de légumes aux châtaignes, choux rouge aux noix du Gers ou les derniers œufs mayo pour les plus chanceux. « Tu es grand toi, tu en veux un peu plus ? », propose le cuistot, une assiette de sauté de bœuf bio à la poire avec sa fricassée de patates douces bio et pommes de terre grenailles bio au miel de Haute-Garonne en main. 


Jean Ledesma cuisine depuis l’âge de 14 ans et dirige la cantine de Saint-Lys depuis 25 ans. Il conçoit ses repas avec un maximum d’ingrédients locaux : « Ça m’a toujours tenu à cœur. Même si ce n’est pas évident parce qu’on a besoin de gros volumes. Il faut que la production locale suive. Et quand elle ne suit pas, on essaie de s’adapter. » 


Au bout de la rampe, quelques vaillants tentent de négocier un morceau de pain en rab : « Prends donc un bol de velouté à la place ! », semonce la cantinière. Le lait vient de la ferme La Buscaillère en Ariège, la viande de Saint-Gaudens, au total le chef travaille avec une dizaine de producteurs locaux : « Le premier contact se fait via Agrilocal, mais ensuite je préfère échanger directement avec eux. Je trouve ça plus simple, je suis de la vieille école ! »  Le 100 % local à la cantine « c’est jouable ! », lance Jean. Jouable, si les échanges avec les producteurs se simplifient encore, même si « Agrilocal est un premier pas. Peut-être qu’il faudrait une liste de produits disponibles 40 km autour du collège avec leur quantité, dans laquelle on pourrait piocher. On pourrait aussi envisager de mutualiser les demandes avec les établissements du même secteur. » 


Avant que la prochaine vague de collégiens ne sorte de cours, le cuisinier part se promener dans le réfectoire. « Jean, c’est le Cr7 de la cuisine ! On est triste qu’il parte à la retraite. », confie une tablée de garçons de troisième. « Ici, c’est 1 000 fois mieux qu’à l’école primaire ! », commentent Anne-Sophie, Maya, Louise en sixième et Camille qui « trouve bien que ce soit local car ça permet de moins polluer. » La cantine est un espace d’apprentissage au même titre que les salles de classe : « C’est très bon, on découvre de nouvelles saveurs et puis on adore se faire goûter les uns aux autres ! ». Sa recette magique, pour faire l’unanimité, c’est d’être à l’écoute et dans l’échange. Un petit garçon qui s’est laissé tenter par le velouté attend devant la cuisine « Monsieur Jean, je voulais vous dire que c’était très bon ! », marmonne-t-il timidement. 


Le principal du collège, Cédric Lhoussene, en poste depuis un peu plus d’un an, ne tarit pas d’éloges sur son chef : « J’ai pour habitude de dire que le meilleur restaurant du coin, c’est chez Jean ! » 


Il faut dire que le chef ne se contente pas de rester derrière ses fourneaux, il participe pleinement à la vie du collège : « J’essaie, par exemple, d’accorder le menu avec les journées thématiques. Pour la journée contre les LGBTphobies, j’ai concocté un repas arc-en-ciel. » Les élèves eux aussi, s’impliquent à la cantine avec notamment le Conseil de vie collégienne dont Eva Réal, élève de troisième, est vice-présidente : « On a mis en place des poubelles de tri à la cantine ou encore la possibilité de choisir la quantité dans son assiette pour lutter contre le gaspil-lage. Je trouve ça bien de faire les repas avec des produits locaux, ça aide les éleveurs et les producteurs, et nous on mange mieux ! » Entre les tables, il se raconte que « la cuisine de Jean, on en rêve dès le primaire et on la regrette en arrivant au lycée. »


Mise en place en 2016 par le Conseil départemental 31 pour faciliter la mise en relation entre les services de restauration des collèges et les producteurs locaux en vente directe, la plateforme d’achat Agrilocal31 a été élargie en 2017 à l’ensemble des acheteurs de la restauration collective publique (communes, EHPAD, hôpitaux…) et en 2019 aux associations et fondations reconnues d’utilité publique. Le CA annuel sur la plateforme Agrilocal31 a été en 2022 de 235 000 € TTC. Si les 100 collèges en cuisine autonome sont inscrits sur Agrilocal31, une trentaine seulement l’utilisent régulièrement. Pour atteindre l’objectif du 100 % local, 12 collèges ont été choisis pour commencer en septembre dernier.


3 questions à Sébastien Vincini, président du CD31

 

Pourquoi avoir annoncé cet objectif de 100 % local en 2027 dans les cantines de Haute-Garonne ?  Une commande massive comme la nôtre (50 000 repas par jour), donne de la visibilité au monde agricole. À 6 mois, on connaît les menus. Donc on sait ce dont on aura besoin. Et cela ne dépend pas de la fluctuation du marché. Cela sécurise leur production, garantit du revenu pour le producteur, pour nous de qualité, et une moindre empreinte environnementale. 

Comment cela va-t-il être mis en place ? L’objectif est que nos 100 cuisiniers, autonomes dans la composition de leurs menus, achètent 100% de leurs produits sur la plateforme Agrilocal31. C’est tout un cheminement qu’il faut construire. S’ils veulent tous faire de la carotte râpée le même jour, on va avoir un problème de tonnage et de fournisseurs. Donc il y a une articulation à trouver et la nécessité de faire le lien entre les différents producteurs. Je veux que les cuisiniers connaissent leurs producteurs, et que ces derniers connaissent leurs consommateurs. C’est de cela dont on a besoin.

Pourquoi est-ce si important ? Parce que la vente à la propriété, les marchés, les épiceries locales ou les plateformes sont des systèmes très chronophages. Cela demande à l’agriculteur de gérer de la logistique, du stockage, etc., tant et si bien qu’il se retrouve avec toutes les contraintes imaginées par les centrales de regroupement et de distribution. Si l’agriculture ne se transforme pas, on va dans le mur. Tout le monde a conscience qu’il faut changer de modèle. Maintenant, il faut passer à l’action. J.C.


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