C’est par une route sinueuse de la campagne lotoise qu’on arrive à Catus. Une étendue vallonnée et herbeuse borde les maisons à l’entrée du village. Traversée par le ruisseau le Vert, Catus sent bon la nature et fait entendre la douce mélodie des cigales. Situé à 20 kilomètres au nord de Cahors, le village n’est pas perdu pour autant. On y trouve toutes les commodités : poste, restaurants, pharmacie, médecins, maison de retraite, écoles maternelle et élémentaire, boulangerie, boucherie ou encore fleuriste. En ce mardi matin, tout le monde semble s’être donné rendez-vous boulevard Larroumet, au centre du village. C’est jour de marché. Catusiens et touristes se pressent au milieu des étals. Annie est retraitée et habite Toulouse, mais c’est à Catus, le village de son enfance, qu’elle passe tous ses week-ends et son été : « On y trouve tout. Le Spar a ouvert la semaine dernière, maintenant on a une station service », s’extasie cette citadine, en pointant du doigt le supermarché, perché sur une colline. Habitants et marchands sont unanimes : Catus est un joli petit village où des gens sympas vivent dans une bonne ambiance. Cette atmosphère, c’est exactement ce qui avait manqué à Pascal, parti il y a 20 ans. Après des années à Monaco, ce chef étoilé est revenu avec sa famille et a ouvert un restaurant dans le village voisin. « J’aime cette région, j’aime son état d’esprit. Les gens sont simples, un peu réservés. Tout le monde s’inquiète pour le voisin. Avant je ne partais jamais en vacances, je revenais ici, chez moi », confie-t-il.
Les citadins pensent que chez nous, il n’y a que des vieux Si l’environnement contribue sans aucun doute à la quiétude qui règne à Catus, au marché on avance une autre explication, résumée sarcastiquement par Christian, marchand de fruits et légumes : « Il n’y a que des vieux. » Un agent communal passe. « Regardez, même les agents de la municipalité, ils croulent sous la vieillesse », se moque gentiment Karina, derrière son stand de pastis quercinois. Quelques étals plus loin, Ghislaine, éleveuse de canards, regrette la vision que certains citadins ont des communes rurales : « Quand on parle de la campagne, y’a un côté péjoratif, ils doivent penser qu’il y a que des vieux. » Effectivement, dans l’allée, rares sont les visages juvéniles. Pourtant, on rencontre Dany, 16 ans. Ses parents ont ouvert un restaurant dans le village il y a deux ans. Mais pour l’adolescent, « il y a rien à faire ici, on a vite fait le tour. Il y a pas de jeunes, on est obligé de s’appeler pour se voir, on va pas se croiser dans la rue par hasard comme dans une grande ville. Il manque quelque chose qui pourrait faire sortir les gens, des endroits pour se poser ». Difficile de lui donner tort, une fois le marché terminé, il n’y a plus un chat dans les rues, ni sur les terrains de sport, ni même sur le parking du nouveau supermarché. Si bien que les guirlandes fanions suspendues un peu partout dans le village auraient presque un côté inquiétant.
Pas un trou À quelques rues du marché, à côté de l’église Saint-Astier, la maison médicale du Vert regroupe deux médecins généralistes, cinq infirmiers et pas moins de sept spécialistes parmi lesquels des kinésithérapeutes, des podologues ou encore une psychologue. Ce jour-là, il n’y a pas foule dans la salle d’attente : un père et ses deux enfants venus soigner une angine et un retraité en vacances à Catus qui patiente avant une prise de sang. Pourtant, entre les 912 Catusiens et les habitants des communes voisines, la structure prend en charge environ 5 000 patients. Si pour le moment les recherches pour attirer un nouveau médecin n’aboutissent pas, les raisons de venir exercer dans le bourg sont nombreuses selon la docteure Elise Favre-Bonvin : « C’est une campagne relativement vivante, pleine de commerces. Par vivante j’entends qu’on peut vivre ici sans avoir besoin d’aller à Cahors tous les jours ou de faire 20 kilomètres pour aller chercher son pain, aller à la poste ou scolariser ses enfants. » Le cinébus s’installe même une fois par mois dans la salle municipale. Dans un cabinet dont un pan de mur est recouvert de dessins d’enfants, comme pour infirmer les propos tenus sur le marché, Odile Angot, qui exerce à la maison médicale depuis sept ans, fait le même constat : « Je voulais être à la campagne mais ici c’est pas un trou perdu. Certains disent que Catus, c’est mort de septembre à mai. Oui mais comme tous les autres villages. »
Le Spar a ouvert la semaine dernière, maintenant on a une station service À la mairie, on a bien compris que l’attractivité du village passe nécessairement par le maintien de l’activité et des services comme l’explique Laurent Notzon, élu référent à la maison médicale et chargé de la communication pour la commune : « C’est un cercle vertueux. Les services attirent les familles et il faut des familles pour garder les services qui font le dynamisme d’un village. » Finalement, on se demande si l’enjeu ne serait pas, plus que de trouver un médecin, d’attirer de nouveaux habitants. Laurent Notzon s’offusque presque de la question : « On ne cherche pas des habitants, la base de la vidéo est 100 % axée sur la recherche d’un médecin, mais on est bien obligé de parler du secteur. » Pourtant, Élise Favre-Bonvin ne cache pas qu’ « au début, le maire voulait faire une vidéo promotionnelle du village ». Au-delà d’un appel à candidatures adressé à un potentiel médecin, c’est un hommage à leur village et à la vie rurale qu’ont réalisé habitants et commerçants. Une manière de déconstruire les préjugés et le côté péjoratif qu’on accole parfois à la campagne. Si aucun médecin ne vient s’installer, les Catusiens auront au moins eu le mérite de montrer que chez eux, on sait faire de la vidéo… et de l’autopromo.
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