Comment fait-on pour se faire élire au Conseil municipal des enfants ? J’ai fait campagne en créant une affiche avec ma photo et les quatre thématiques que je voulais défendre : la solidarité, le sport, la technologie, et le street art. Je suis aussi allé dans la cour demander aux élèves ce qu’ils aimeraient que je fasse. J’ai noté toutes leurs demandes réalisables pour essayer de les contenter tous un peu.
Même ceux avec lesquels tu ne t’entendais pas ? Oui, tous. Parce que tout le monde allait voter.
J’avais en tête des projets concrets, comme les trottoirs mal aménagés. Mais on nous a fait comprendre que ça coûtait cher.
Qu’as-tu ressenti au moment de ta victoire ? J’étais très content, et fier d’avoir été élu parmi 7 candidats. Mais aussi triste d’avoir battu mon meilleur ami 25 voix à 24.
Et en entrant dans la salle du Conseil ? La séance d’investiture est celle que j’ai le moins aimé, parce qu’on n’a pas parlé de projets.
Tu n’as même pas été impressionné ? Si, un peu, par le maire. On voit que c’est quelqu’un d’important, tout en haut, sur son siège au milieu de l’assemblée. Mais il a été très sympa. Par contre, j’ai été presque ému en recevant l’écharpe tricolore. Je me suis rendu compte que c’était une responsabilité.
As-tu ressenti cette pression pendant ton mandat ? C’est compliqué de représenter les autres. On doit être exemplaire. Au Clae, au moindre petit truc, ils me le rappelaient. Ils ont été bien plus exigeants avec moi.
Tu as compris ce devoir d’exemplarité ? Avec le recul, je trouve que c’est normal. J’ai été élu, et je devais représenter les électeurs.
As-tu dû leur rendre des comptes ? Oui, on leur expliquait nos actions à l’école. Mais il fallait trouver des moyens de les intéresser au projet de manière ludique. J’ai par exemple fait des questionnaires, écrit une pièce de théâtre…
Pour intéresser à la politique, il faut être ludique ? Beaucoup ne s’intéressaient pas au projet. Si on avait organisé une réunion normale, assis, ça n’aurait pas marché. Ils auraient préféré aller jouer.
Pendant ton mandat, as-tu gardé les souhaits de tes électeurs en tête ? Oui. Mais il fallait déjà trouver un projet commun avec les 23 élus de mon secteur. C’était compliqué de prendre en plus en compte les demandes de tous les élèves.
Y a-t-il eu des moments de frustration, de colère ? Pas vraiment, parce que ce sont souvent mes idées qui ont été retenues. Et puis je savais que le but, c’était d’échanger, pas de gagner.
Pour intéresser les électeurs à notre projet, il faut que ce soit ludique.
Concrètement, de quoi es-tu le plus fier ? De notre travail sur la solidarité et l’accessibilité pour les personnes handicapées. À Toulouse, beaucoup de lieux sont inaccessibles, alors on a décidé d’organiser une journée dans la rue pour sensibiliser les Toulousains sur leur comportement, les voitures mal garées qui encombrent les trottoirs, etc. Pas pour les embêter, juste pour faire de la prévention.
T’es-tu senti utile ? Les gens ont été plus attentifs que si ça avait été un adulte avec des prospectus. Mais j’avais en tête des projets plus concrets, comme les trottoirs mal aménagés. Mais on nous a fait comprendre que ça coûtait cher et que c’était compliqué à réaliser en 2 ans. J’aurais aussi voulu qu’on aille plus à la rencontre des citoyens, sur le terrain.
On prend le melon quand on est élu ? Oui, un peu. Mais souvent, ce sont les autres élèves qui ont eu l’impression qu’on se sentait au-dessus d’eux. L’école nous mettait en avant, ou nous faisait passer devant à la cantine pour être à l’heure aux réunions. Mais on n’y était pour rien.
Si tu étais élu maire, que ferais-tu en premier ? Beaucoup de gens aiment le sport. Alors pour contenter tout le monde, je créerais des terrains de sport accessibles à tous à la prairie des Filtres. J’améliorerais l’aménagement urbain et j’enlèverais les poteaux qui gênent sur les trottoirs.
Y a-t-il dans le comportement des enfants des choses dont les élus devraient s’inspirer ? Parfois, les adultes réfléchissent trop et ne sont pas dans la concrétisation rapide. Alors que les enfants réfléchissent moins, et ont des idées nouvelles et plus concrètes.
Que leur avez-vous apporté ? Ils ont aimé parler avec nous parce qu’on n’est pas de vrais politiques. On est des citoyens qui vivent la vie comme elle est, la vie de tous les jours. Et on voit ce qu’ils ne voient plus.
Parce que les élus sont moins en prise avec le réel ? Oui, je l’ai senti. Ils sont toujours dans le travail et ne prennent pas assez le temps d’aller à la rencontre des gens. En même temps, ils sont bloqués parce que dès qu’ils vont dans la rue, on les interpelle, et ils sont obligés de rester tout le temps dans leur rôle d’élu. Et ils se renferment un peu sur eux-mêmes.
Est-ce que toi aussi, tu t’es senti un peu déconnecté de la réalité ? Même si ce n’était pas la même échelle, je l’ai ressenti. On travaillait sur nos projets pendant notre temps libre. J’ai écrit la pièce de théâtre pendant les vacances. Parfois c’était lourd à porter. Mais je ne regrette rien. J’ai beaucoup appris et rencontré des gens très intéressants.
Qu’as-tu ressenti à la fin de ton mandat ? Un grand vide. Le moment le plus marquant de mon mandat a été la dernière séance, quand j’ai réalisé qu’on ne travaillerait plus ensemble. Si j’avais pu faire un mandat plus long, je l’aurais fait. Mais c’est normal de changer.
T’intéresses-tu davantage à la politique ? Ça m’intéressait déjà. Mais pendant la présidentielle, j’ai mieux compris certaines choses. C’est aussi parce que j’ai grandi…
Est-ce que tu comprends mieux les élus ? Oui. Tout le monde les critique, mais il faut qu’ils s’ouvrent aux idées des autres, et qu’ils concilient les demandes de chacun. J’ai compris que c’était compliqué.
Te vois-tu continuer en politique ? Être élu tant que je suis enfant, ça m’intéresse. Mais adulte ? Non, ça ne me plairait pas.
Pourquoi ? Je préférerais être pilote.
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