Sa carrière de photographe devait démarrer en 2020. La crise du Covid en a décidé autrement. Plutôt que de se morfondre, Eric La s’est mis en tête d’utiliser son appareil photo pour venir en aide aux étudiants toulousains. Conscient de l’importance de l’apparence et de la qualité des portraits qui accompagnent les CV, il a mené bénévolement une quinzaine de séances photos dans les résidences étudiantes Arsenal, Chapou et Colonel Roche. Baptisé Ouistiti, le projet a vu le jour dans l’esprit de l’apprenti photographe brusquement confronté à la précarité étudiante : « Pendant le confinement j’avais ma voisine pour seule compagnie. Accablée par les difficultés financières, elle est retournée en Moldavie, son pays d’origine. Avec le recul, je me suis dit que si j’avais fait le nécessaire pour l’aider, au moins en lui offrant de belles photos pour son CV, ça aurait peut-être contribué à la faire rester… ».
Ce matin-là, Éric arrive sur les lieux du shooting au guidon de sa trottinette électrique. Avant qu’il ne débarque au campus, les six étudiants réunis pour la séance du jour n’imaginaient pas se retrouver face à un photographe professionnel : « Ce genre de prestations, ça coûte cher. Eric nous donne accès à un service difficilement abordable pour un étudiant » sourit Elyès, étudiant en biologie. Près de lui, Tony, adossé à un mur de brique, prend la pose. Il a sorti sa plus belle chemise pour cette première : « Avoir de belles photos pour les demandes de stage, c’est important. C’est un plus pour démarrer. L’initiative est bonne, surtout avec la précarité étudiante ». Tony confie vouloir limiter l’usage de ces portraits à ses CV, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Certains les emploient pour améliorer leurs profils Facebook, Instagram, LinkedIn… ou Tinder. Éric La en est parfaitement conscient. D’où l’importance de la dernière photo du shooting qu’il propose : un portrait libre et décontracté dont l’usage est laissé à la discrétion du modèle !
©Rémi BENOIT
Devant l’objectif les sourires se dessinent, les rires fusent et les contacts se nouent. Éric La n’avait pas prémédité cette chaleur humaine générée par Ouistiti. Pensé pour donner un simple coup de pouce aux étudiants, son projet a finalement créé du lien entre la centaine de modèles rencontrés, et offert des occasions d’échange dont ils étaient jusqu’alors privés par la pandémie. Ambiance de partage sans pression aucune, devenue denrée rare au cours des confinements. Il y a quelques heures encore, Elyès ne connaissait aucun de ses compagnons de shooting. Au fil de la session, les complicités sont arrivées spontanément, ce qui ravit le photographe : « Des groupes d’amis soudés se sont formés grâce au projet. Certains se parlent enfin, après un an passé sur le même palier ! Dans ma résidence, il régnait une ambiance apocalyptique ces derniers mois. Personne n’osait sortir par peur du covid. Les conversations et les échanges étaient rares » grimace-t-il.
En défilant chacun leur tour devant l’œil d’Éric, les modèles du jour affinent peu à peu leurs plus belles poses et parviennent à afficher des mines naturelles… loin du sourire crispés des premiers coups de flash : « Au début, ils sont timides, puis ils se trouvent beaux quand ils voient les photos. Ça leur donne confiance en eux ! » Un regain de confiance auquel Éric La lui-même ne s’attendait pas, et qui valorise encore davantage son projet Ouistiti. Le CROUS ne s’y est d’ailleurs pas trompé, qui vient de proposer au jeune photographe un poste d’étudiant référent créé pour « venir en aide aux étudiants souffrant d’isolement et de mal-être ». Le photographe compte bien poursuivre dans cette veine solidaire en œuvrant pour d’autres causes. « Messire Ouistiti apporte des prestations à zéro euro pour des causes nobles qu’il aime défendre », conclut-il, dans le dernier « clic » qui immortalise le groupe de jeunes rencontrés aujourd’hui.
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