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DanyCaligula : Le nouveau visage de la colère

« Cette loi est dégueulasse ! ». Sans aucun doute, DanyCaligula est en colère. Contre la loi El Khomri, il en est sûr, il faut agir. Pourtant lorsqu’il s’agit du collectif #OnVautMieuxQueÇa, son discours est bien rodé. Prudent, il prévient dès le départ : « Je ne suis pas un porte-parole. »

Le jeune Youtubeur toulousain – le premier à apparaître sur la vidéo – raconte ce que n’importe quel autre membre aurait pu dire : « On voulait que les gens se réapproprient la parole, s’expriment comme on le fait quotidiennement sur Youtube. » Depuis, le hashtag s’est répandu sur les réseaux sociaux. « Ça nous a rapidement dépassé, et c’est tant mieux », confirme Dany.

Mais la réforme du Code du travail, au fond, ne le passionne pas. Pour voir son visage s’animer, il faut lui parler de philosophie. Il s’enthousiasme, cite ses auteurs préférés : Albert Camus, Benjamin Bayard… et Spinoza. « Je suis un grand spinoziste. »

Autre grande source d’inspiration : l’économiste Frédéric Lordon. Avec lui, Dany affirme être un « imbécile heureux » : « Je ne suis pas optimiste, je suis pragmatique. Nous ne pouvons pas vivre sans l’aide des autres. Travaillons donc plutôt en collaboration ! ». Pour autant, il ne se prend pas vraiment au sérieux : « Je n’ai pas de légitimité, mais personne n’en a ».

Ni légitimité, ni responsabilité. Dany espère d’abord toucher les autres avec ce qui le touche lui. Et peut-être les amener à se révolter. Malgré l’inertie actuelle, il croit au changement, à l’avènement prochain d’une démocratie directe. « Toutes ces choses à vomir que les gens acceptent vont devenir insupportables. Alors la colère va éclater, avec d’autant plus d’énergie qu’elle aura longtemps été contenue. » La bataille lancée contre la loi travail n’est, pour lui, qu’une première étape. « Le projet de loi El Khomri est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce serait cool d’en profiter pour vider tout le vase et l’exploser pour de bon. » Courtisé par les syndicats étudiants

Bien décidé à ne pas laisser passer cette réforme, il multiplie depuis quelques semaines les interventions dans les facs et dans les lycées. À tel point qu’une organisation étudiante lui aurait proposé de les représenter… avances aussitôt balayées : « Je ne crois pas au système ».

Depuis trois ans, sur sa chaîne Youtube, DanyCaligula n’hésite jamais à prendre position, surtout lorsqu’il s’agit de critiquer le « système ».

En marge des institutions traditionnelles, sans se revendiquer anarchiste, il préfère « créer l’alternative ». « On ne peut pas échapper aux structures. Mais on peut en proposer de nouvelles, qui finiront par s’imposer ». Il ne vote pas, l’assume et le défend. « L’abstentionnisme, quel qu’il soit, partage un même dégoût du système actuel. Refuser de participer à cette farce doit être la première étape pour changer les choses, à notre échelle. »

Pour le prix d’un sandwich, j’avais changé ma vie alors que j’avais juste acheté un bouquin.

Sorte de philosophie pour les nuls avec des airs de C’est pas sorcier, sa chronique Doxa lui a amené plus de 90 000 abonnés en trois ans. Avec son pull rouge et sa chemise blanche, le visage encadré par des lunettes noires et un bouc bien taillé, casqué d’une tignasse faussement décoiffée, DanyCaligula a tout du premier de la classe. Et son ton docte ne gâche rien. « C’est un personnage que j’ai créé pour palier ma gueule de jeunot et faire sérieux. »

Un cancre surdoué

Si le look n’est pas très différent – la chemise en moins et un épi en plus – Dany, le vrai, n’a rien du premier de la classe. Issu d’un milieu populaire, il a grandi dans le Val-de-Marne. Un père plombier pour la mairie, une mère qui travaille à la DASS, et comme assistante maternelle, jusqu’à ses six ans. Puis la galère : « Elle est tombée gravement malade. On n’avait déjà pas beaucoup d’argent, on n’en a plus eu du tout. »

Très introverti, Dany est diagnostiqué surdoué. « Ça n’a rien de positif. J’étais un cancre, je détestais l’école ». Une phobie dont il n’a jamais vraiment réussi à se débarrasser : « Il m’arrive encore d’en faire des cauchemars ». Mais il a pris du recul et envisage même de faire une série de vidéos sur le bac : « Je voudrais expliquer aux lycéens comment se servir du système pour réussir l’examen. Faire des fiches, connaître son cours, ça ne sert à rien. Il faut rentrer dans le moule, écrire ce que le correcteur s’attend à lire. »

Cette capacité d’analyse, pourtant, Dany ne l’a pas toujours eu. À 13 ans, l’adolescent s’enferme dans sa chambre, lit, joue à des jeux vidéo, et traîne sur internet. «  J’étais un vrai kikoolol (jeune abusant du langage SMS, ndlr). Je me suis rapidement fait rembarrer, alors j’ai fait des efforts. » De forums en blogs, il trouve peu à peu sa place sur le web. « Je suis un pur produit d’internet. J’y ai appris beaucoup de choses, d’abord en lisant Wikipédia, puis en regardant les sources pour aller plus loin. »

Sauvé par Sisyphe

Cette soif d’apprendre, Dany l’explique par « l’urgence émotionnelle » dans laquelle il se trouvait alors. « Tous les adolescents sont un peu dépressifs. Moi j’étais suicidaire. À 15 ans j’avais déjà tenté plusieurs fois de mettre fin à mes jours. J’avais besoin de donner un sens à ma vie. » C’est à cette époque, par hasard, qu’il tombe sur Le mythe de Sisyphe de Camus et découvre la philosophie. « La première phrase du livre m’a bouleversé : “ Il n’y a qu’un seul problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide”. J’ai dévoré la suite. Après ça, j’ai eu la sensation d’être un égoïste… ou un chanceux : pour le prix d’un sandwich, j’avais changé ma vie alors que j’avais juste acheté un bouquin. »

Après Le mythe de Sisyphe, Dany cesse peu à peu de chercher des réponses à tout. « Camus dit aussi : “Le sens de la vie supprimé, il reste encore la vie”. Quand j’ai compris ça, j’ai commencé à être un peu plus heureux. » Il paraît effectivement apaisé. Certes, il réfléchit beaucoup – peut-être un peu trop – et ne sait toujours pas où il va. Même le fait de ne pas avoir de projet ne semble plus vraiment l’angoisser.

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