Quel est votre état d’esprit lorsque vous créez la Mêlée ?
On est au début des années 2000, au démarrage des activités internet. Nous sommes deux jeunes entrepreneurs, Stéphane Contrepois et moi-même, qui travaillons sur le développement de sites web. C’est évidemment très nouveau pour la grande majorité des entreprises de la région. Il y a bien une vague de start-up, mais elle est encore nébuleuse pour le commun des mortels. On décide alors d’organiser une rencontre pour réunir les acteurs et créer un réseau autour d’internet.
Pourquoi la Mêlée numérique ?
Pour donner une connotation locale. La première édition a lieu le 21 septembre 2000, deux mois après la création de l’association. Autant dire qu’on fait ça avec des bouts de ficelle. On ouvre nous-mêmes les bouteilles ! À notre grande surprise, c’est alors le 1er évènement régional autour du numérique qui réunit des acteurs, en dehors des spécialistes. Du coup, alors qu’on attend 100 personnes, on se retrouve 500 !
Quel est alors l’objectif de cet évènement ?
Au tout début, comme pour le concept parisien, First Tuesday, il s’agit de mettre en relation des investisseurs et des start-up. Sauf qu’ici, on n’avait pas d’investisseurs ! On l’a donc pensé comme un évènement d’information, d’émulation. Avec l’idée de sensibiliser le maximum d’entreprises au business du web.
Quelles ont été les grandes évolutions au cours de ces deux décennies ?
Il y a d’abord eu la chute, l’explosion de la bulle internet. Vers 2002, les gens ont commencé à dire que ce n’était qu’un rêve. La fin des fonds d’investissements, le 11 septembre et AZF à Toulouse ont eu comme conséquence qu’une grande partie des start-up s’est cassée la figure entre 2002 et 2004, comme 123 immo ou Rouge et blanc. D’autres, en revanche, existent encore comme Jacques Soumeillan avec Access Commerce qui est devenu depuis Caméléon, ou Ludovic Le Moan qui bossait alors chez Silogic.
Pourquoi avoir continué à y croire ?
C’était un sujet important pour la Région, qui nous a encouragé à persévérer. On s’est accroché, et à partir de 2007, on a structuré l’association en fusionnant avec d’autres organismes comme le Cercle numérique et la FREMP. On a également constaté que des entreprises adhéraient en lieu et place de personnes physiques. Plus globalement, le sujet internet et les TIC ont commencé à devenir un sujet important, aussi bien pour les politiques que les entreprises. Avec l’émergence de Google, Facebook et autres, cela devenait un sujet mondial.
Et aujourd’hui, quelle est la raison d’être de la Mêlée ?
Aujourd’hui, on s’adresse au monde digital ou à celui qui est en train de se digitaliser. Donc globalement on s’adresse presque à tout le monde là où on ne s’adressait qu’à une petite niche il y a 20 ans. On dit souvent, à raison, que c’est la révolution industrielle qui a été la plus rapide : en 10 ans, les manières de vivre, de travailler, d’échanger, de faire de la politique, ont été transformées. On a, par exemple, assisté à une vague d’entrepreneuriat inédite. Créer une entreprise il y a 15 ans, c’était une galère. Aujourd’hui, ça prend 3 minutes. Du coup, tout le monde crée des start-up. Ce qui donne un peu tout et n’importe quoi.
Quel rôle la Mêlée joue-t-elle dans cette mutation ?
Depuis le début des années 2010 et notamment la mise en place du 1er tiers-lieu à Toulouse, la Cantine numérique à Matabiau, on s’est rendu compte que tout le monde basculait vers le numérique. On a vu arriver un boucher qui voulait se digitaliser… On a compris qu’on avait changé d’échelle. Notre mission demeure donc plus que jamais de développer les usages et d’accompagner la transformation numérique.
Plutôt que de faire émerger de nouvelles start-up ?
Depuis 2014 et l’apparition des French Tech, l’innovation, les start-up, c’est devenu la grande mode. Mais si l’on regarde le nombre d’emplois créés par rapport à l’économie classique, c’est dérisoire. Les vraies licornes françaises, il y en a trois ou quatre maximum. Donc le véritable enjeu pour moi, c’est la transformation numérique de l’économie classique, des PME, TPE, des grands groupes. Car le numérique est partout. Aujourd’hui, Airbus, La Poste, sont des entreprises numériques. Mais tout le monde n’est pas égal devant cette transformation. Les grands groupes ont les moyens d’y parvenir, alors que c’est plus compliqué pour les TPE ou PME dans les secteurs classiques, surtout si elles n’ont pas à leur tête un dirigeant qui est né avec ça. Idem pour les territoires.
Que voulez-vous dire ?
Le numérique doit être une chance pour les territoires de se relancer, de se réindustrialiser. Or ce n’est pas le cas. Donc il faut y travailler. On a l’habitude d’aller partout, dans les départements, sensibiliser, expliquer le numérique, la cybersécurité. On va renforcer cette mission puisque la Mêlée est désormais labellisée par la Région pour déployer tout cela de manière plus structurée. Dans les trois prochaines années, on va pouvoir aller sur tous les territoires d’Occitanie pour aider ceux qui le souhaitent.
Cette année, la Mêlée va durer… une semaine ! Pourquoi ?
Pour répondre au besoin de réunir l’ensemble des acteurs sur des sujets très différents. On ne va pas parler de la même chose avec un commerçant de Victor-Hugo, un spécialiste de l’intelligence artificielle, une association qui aide les seniors ou un département qui veut développer la citoyenneté numérique. Et l’ambition est de rester un des évènements majeurs en France autour du numérique. Parce que la région reste très dynamique dans ce domaine, et parce qu’un évènement majeur comme celui-là, c’est important pour rayonner, aussi bien vers notre territoire que vers l’extérieur.
Bio express • 1972 : naissance d’Édouard Forzy • 2000 : création de la Mêlée numérique • 2010 : 1ère cantine de province à Toulouse • 2018 : labellisation de la Mêlée par la Région pour accompagner la transformation numérique • 2019 : 19e édition de la Mêlée numérique. Programme à retrouver ICI
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