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BOUDU

Franck Biasotto : « Si on arrêtait de construire, les loyers flamberaient »

Vous contestez les chiffres du DAL qui estime, en s’appuyant sur des chiffres de l’Insee, qu’il y a 23 000 logements vacants mobilisables à Toulouse. Pourquoi ?

J’aimerais qu’il y ait autant de logements vacants à Toulouse. Parce qu’on a 40 000 demandes de logements sociaux et qu’on en manque. Vous comprenez bien que si j’avais autant de logements vacants, évidemment que je les mobiliserais volontiers. Mais ce n’est pas le cas. La preuve, quand il a fallu reloger des victimes en urgence après la catastrophe d’AZF, la mairie avait recensé 1500 logements vacants. Et elle s’est rendue compte que seuls 200 répondaient aux conditions d’habitabilité et étaient mobilisables immédiatement.

Nous sommes bien conscients qu’il ne faut pas reproduire les erreurs du passé et concentrer les bas loyers dans un seul quartier.

Le DAL s’appuie pourtant sur des chiffres de l’Insee…

Je ne dis pas que les chiffres sont faux. Mais il ne faut pas confondre la vacance voulue, et la vacance dont on peut disposer. La vacance voulue, ce sont très souvent des logements qui ne sont pas aux normes et dont les propriétaires n’ont pas nécessairement les moyens de les mettre au niveau d’habitabilité.

Ne peut-on pas les aider à rénover ces logements pour les remettre sur le marché ?

Si. Pour inciter les propriétaires bailleurs à remettre des logements vacants sur le marché, je suis en train de réfléchir avec la mairie de Toulouse à une refonte du dispositif « louer sans souci » (un dispositif qui permet aux propriétaires d’un bien vacant depuis un an à Toulouse, et qui s’engagent à le louer à des ménages aux revenus modestes, d’avoir accès à des avances financières sur travaux, ndlr.), qui ne fonctionne pas aujourd’hui. Je soumettrai ma copie au maire d’ici l’été.

Le DAL évoque aussi un potentiel de 240 000 m2 de locaux vides. Le contestez-vous également ?

En tant que maire de quartier, j’ai regardé le sujet de près. Il y a en effet des bureaux vacants, ne serait-ce qu’à Langlade. Mais ils sont en très grande majorité soumis au Plan d’exposition au bruit, en raison du passage proche des avions. Et sur ce point, la législation est très claire. Même si je voulais transformer ces plateaux ne serait-ce qu’en logements d’urgence, je ne pourrais pas le faire. Sans compter que de nombreux locaux vides se situent aussi dans des zones concernées par les plans de prévention du risque inondation – PPRI – et des risques technologiques – PPRT. Certains vieux bureaux pourraient éventuellement être démolis ou transformés en habitations à Labège. Mais c’est sur le territoire du Sicoval. Si j’arrive à trouver des plateaux mobilisables à Toulouse, ce sera dans de petites poches au sein d’immeubles en partie occupés.

Le DAL vous interpelle aussi sur le nouveau plan local d’urbanisme qui prévoit qu’on ne peut pas imposer de logements sociaux dans des immeubles de moins de 2000m2. Ce qui écarte les ménages les plus modestes du centre-ville. Que leur répondez-vous ?

Il est incontestable qu’il y a des quartiers avec moins de logements sociaux, notamment dans le centre-ville. Mais quand du foncier s’y libère, ce sont de petites dents creuses dans lesquelles on construit des immeubles d’une dizaine de logements. Pour respecter les 30 %, il faudrait y intégrer trois logements sociaux. Mais le bailleur social est moins performant en termes de coûts de gestion et de suivi du locataire quand les logements sont si épars.

C’est-à-dire ?

Il est plus facile de travailler à l’échelle d’une cage d’escalier ou d’un immeuble entier. Nous avons donc décidé de ne pas imposer de logement social en dessous de 2000m2 de surface de plancher. Par contre, on favorise sur ces lots l’accession sociale pour permettre aux classes moyennes de s’ancrer sur le territoire. Et notamment de maintenir dans le centre-ville des couples avec enfants qui, sinon, iraient s’installer plus loin dans la métropole.

Donc il faut se résoudre à ce qu’il n’y ait jamais de logements sociaux dans ces quartiers ?

Bien sûr que non. Nous sommes bien conscients qu’il ne faut pas reproduire les erreurs du passé et concentrer les bas loyers dans un seul quartier comme au Mirail, qui concentre parfois jusqu’à 87 % de logements sociaux. Pour que ça fonctionne, il faut mener une véritable politique de peuplement et créer un nouveau parc à bas loyer équilibré sur l’ensemble de la métropole. Quand on a dans un quartier des logements sociaux, des logements privés, des crèches et des clubs pour seniors ça crée une dynamique et une mixité représentative de la société, et ça marche.

Comment faire alors pour recréer cette mixité en centre-ville ?

Dès qu’une poche de plus de 2000m2 se libère, on applique la règle des 30 % de logements sociaux. Et quand on n’a pas pu mettre de logements sociaux dans une parcelle trop petite, et qu’on maîtrise du foncier dans le même secteur, on corrige la situation en y augmentant la proportion. Les promoteurs jouent le jeu parce qu’ils savent que s’ils ne se plient pas à l’exercice, ils n’auront pas droit de cité, ce qui n’est pas dans leur intérêt vu le dynamisme démographique toulousain.

Sur quels autres leviers la mairie peut-elle agir pour favoriser l’accès au logement des foyers les moins aisés dans un contexte d’augmentation constante des loyers ?

Depuis 2013, on arrive à contenir l’augmentation des loyers à 0,1 % en moyenne chaque année. Pour y arriver, il n’y a pas d’autre solution que de construire massivement à Toulouse et dans l’ensemble de la métropole. Il faut construire plus, plus vite et mieux. La rareté fait le prix, notamment sur les plus petites surfaces. En construisant des logements, on en baisse mécaniquement les prix. Si on arrêtait de construire, les loyers flamberaient. Il faut quand même préciser que Toulouse n’est pas une zone tendue et qu’il n’est pas si difficile de s’y loger. La preuve, les annonces qui proposent des biens au-dessus des prix du marché ne trouvent pas preneurs.

La municipalité ne peut-elle pas aller plus loin pour répondre aux besoins des mal-logés et des sans-abris ?

Les situations sont multiples, et il faut pouvoir y apporter à chaque fois des réponses adéquates. Par exemple, nous voulons proposer aux SDF qui ont des chiens à la fois un habitat et un chenil proche. Je travaille aussi avec des sociologues, par exemple sur le cas des gens du voyage sédentarisés. On observe qu’ils paient les loyers des maisons qu’on leur attribue, mais qu’ils continuent de vivre dans le mobile home ou la caravane qu’ils ont installé dans le jardin. Et l’explication est simple : les gens du voyage, même sédentarisés, ont besoin de voir à 360°. Quand on leur donne une maison avec des fenêtres sur seulement deux faces ils préfèrent vivre dans leur caravane. Je l’ignorais. Alors on travaille avec eux pour essayer de leur proposer un habitat adapté. Cette démarche est indispensable parce qu’il ne faut pas tomber dans le travers qui consiste à rejeter quand on ne comprend pas un mode de vie différent. C’est un travail de fourmi, mais c’est nécessaire pour être inclusif.

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