Au terme d’une saison de Ligue 2 maîtrisée de bout en bout, le TFC a retrouvé sa place dans l’élite du football français. Pour y parvenir, le club s’est notamment appuyé sur l’un de ses points forts : son centre de formation et ses jeunes qui, bien avant cette saison, avaient commencé à écrire leur propre histoire en Coupe Gambardella, trois ans plus tôt. Récit.
Un nuage de fumée s’empare de la place du Capitole, à en déclencher l’alarme incendie de la salle des Illustres. Sur le balcon, les joueurs profitent de l’instant. Le Toulouse Football Club est champion de Ligue 2. Le trophée passe de mains en mains, sous les acclamations des supporters. « J’ai vécu la descente, et faire remonter le club en étant un acteur majeur de cette aventure c’est quelque chose de très beau. Je suis fier de pouvoir le dire et le crier sur tous les toits : je suis champion de Ligue 2 », sourit Nathan Ngoumou quelques jours après la célébration. L’attaquant savoure ce titre acquis avec son club formateur. Il n’est pas le seul. Ces deux dernières saisons, dans sa course à la montée, le TFC s’est largement appuyé sur ses minots. Le nouveau président Damien Comolli ne s’est pas trompé : lorsque le club est racheté par le fonds d’investissement américain RedBird à l’été 2020, il rencontre les joueurs un à un. « Il nous a clairement fait comprendre que le centre de formation était une valeur sûre pour lui et qu’il comptait s’appuyer dessus », poursuit l’attaquant. Le club est connu pour son travail en la matière, et de nombreux Pitchouns ont porté la tunique violette au plus haut niveau. La génération qui s’est illustrée dans l’antichambre de l’élite, elle, a d’abord connu sa propre histoire, il y a tout juste trois ans, dans une aventure qui l’a menée tout droit au Stade de France.
La connexion entre Manu Koné et Amine Adli était bien visible lors de l’épopée en Gambardella. Si les deux ont quitté Toulouse à l’été 2021, ils continuent de se voir régulièrement en Allemagne où ils évoluent désormais. © TéFéCé
Réservée à l’époque aux jeunes de moins de 19 ans, la Gambardella regroupe les meilleurs espoirs des clubs français, « la Coupe de France pour les jeunes, pour Manu Kouadio Koné. C’est un bon challenge : les centres de formation veulent tous se rencontrer et voir qui est le meilleur. » Cette saison-là, l’entraîneur Jean-Christophe Debu, qui a vu grandir plusieurs générations de Pitchouns dans la Ville rose depuis une dizaine d’années, s’appuie principalement sur un noyau dur de douze unités où l’on retrouve des noms qui ne tarderont pas à briller quelques échelons plus haut comme Nathan Ngoumou, Manu Kouadio Koné, Anthony Rouault, Amine Adli, le capitaine Moussa Diarra ou Bafodé Diakité, le seul à évoluer en Ligue 1 à cette époque.
L’entraîneur Jean-Christophe Debu donne ses consignes à Gaël Ramade. © TéFéCé
Bien avant les titres et le Stade de France, c’était d’abord l’histoire d’une bande de potes. Les dix heures de car et les cours loupés pour s’extirper de Concarneau, la bataille de boule de neige sur le parking de l’hôtel un soir de match décalé, la fête foraine un peu trop tardive à Saint-Michel. « Mes potes de formation, ce sont mes frères, confie Ngoumou. Je pars en vacances avec eux, je connais leur famille… ils représentent beaucoup pour moi. » C’est aussi ça la vie d’un centre de formation. Les moments de cohésion, les soirées pizzas devant la Ligue des champions, les affrontements au laser game, les matches du Fenix Toulouse Handball. Une réalité qu’a bien connu Rémy Loret, ancien directeur du centre et désormais directeur du développement du football au club pour qui « Il n’y a pas que le foot dans un centre de formation. Je me souviens d’un film que l’on avait tourné dans lequel Amine et Manu participaient à un cours de hip-hop. Il y a du niveau (rires). » Il enchaîne : « Le fait de vivre pratiquement 7j/7 et 24h/24 ensemble génère une très forte amitié entre les garçons, une forte complémentarité. Ça crée aussi parfois des tensions, mais ça génère des automatismes que l’on retrouve ensuite dans leur façon de jouer ensemble. »
Anthony Rouault, Bafodé Diakité et Mahmadou Tounkara lors de la finale au Stade de France. © TéFéCé
Comme entre Amine Adli et Manu Koné dont la complicité fait déjà merveille à l’époque. Le milieu de terrain qui a rejoint l’été dernier le Borussia Mönchengladbach contre neuf millions d’euros sourit à cette évocation et serre ses mains comme pour montrer leur lien. « On habitait à côté, on faisait tout ensemble. Ce n’est pas comme si on forçait la connexion, c’était naturel. » Anthony Rouault et Bafodé Diakité, eux, forment une défense impressionnante, « la paire qu’il nous fallait », comme pour Koné. Une cohésion née sur les bancs de l’école et ceux des terrains depuis plusieurs années. Diakité, qui fait déjà ses gammes tous les week-ends sur les pelouses de Ligue 1, n’est pourtant pas présent sur les premiers tours. Mais Killian Corredor, qui évolue maintenant à Rodez, n’a pas oublié le retour du défenseur en quart de finale, contre Tours. « Il y a un poids qui s’enlève. Tu te dis que t’as quand même un joueur de Ligue 1 derrière. T’as pas peur de faire une erreur parce que tu sais qu’il va la rattraper. » Ce retour est un exemple des liens qui unissent l’équipe première et les jeunes. Le Pitchoun n’était pourtant pas sûr de jouer la finale comme le rappelle Debu : « J’en avais parlé à Alain (Casanova, entraîneur de l’équipe première), et je lui dit : “Tu sais, j’ai l’effectif pour combler son absence, mais il faut penser à lui”». Et c’est ce qu’il a fait en lui permettant de participer à cette finale. Parce que cette aventure avec ses potes, il s’en souviendra toute sa vie. »
Diakité n’est pas le seul à goûter aux joies de l’élite. Casanova connaît le talent de ces jeunes, les surveille du coin de l’œil, et en intègre certains à l’entraînement de l’équipe première. Plusieurs jeunes de l’effectif signent même leur premier contrat professionnel. Une habitude pour ce club réputé pour son travail autour de l’apprentissage comme en attestent les 4 étoiles attribuées par la FFF lors de la publication, en juillet dernier, de son classement annuel des centres de formation. « Je pense que le club a aussi été racheté parce que le centre de formation était performant », avance Rémy Loret. Si quelques régions sont ciblées par les scouts, comme le bassin parisien, l’accent est surtout mis sur la proximité, avec « un recrutement très local et des joueurs issus de notre département ou de la région Occitanie ». Comme Bafodé Diakité, qui tapait le ballon du côté de la Reynerie et a rapidement été repéré au Toulouse Athletic Club, ou Nathan Ngoumou, qui a grandi tout près du Stadium et porte la tunique violette depuis l’âge de cinq ans. Sur l’île du Ramier, l’enceinte toulousaine s’apprête justement à accueillir l’un des moments les plus forts de ce parcours ce 7 avril 2019. Une demi-finale contre le voisin montpelliérain. Pour certains de ces Pitchouns, c’est une première, et fouler la pelouse de son club formateur a forcément un goût particulier. Thomas Himeur en sait quelque chose. Son premier match au Stadium, il l’a vu à six ans, contre Monaco, un soir de mars 2007, à l’heure où la Ville rose commençait doucement à sentir le parfum de la Ligue des champions. « Il y avait une sacrée équipe à l’époque. Jérémy Mathieu qui a joué au Barça, Johan Elmander (suspendu ce jour-là) qui était un peu l’attaquant qui me faisait rêver. Et puis Nicolas Douchez dans les buts, un gardien que j’admirais beaucoup. » Douze ans plus tard, c’est à lui de faire chavirer le Stadium. Une fois n’est pas coutume, ce sont les professionnels qui jouent en lever de rideau face aux canaris de Nantes contre lesquels ils ont la bonne idée de gagner, empochant ainsi des points précieux pour le maintien. Tous les ingrédients sont réunis pour que la fête soit totale. « C’était incroyable, souffle Koné. Je ne pensais pas qu’il allait y avoir autant de monde ! » « On sait que la Gambardella est une compétition appréciée des supporters, mais là on est passé à un autre niveau avec ce match », ajoute Himeur. La rencontre est serrée, et malgré de belles occasions, aucune des deux équipes n’ouvre le score. On se dirige lentement vers une séance de tirs aux but. « Sur un plan personnel, je n’étais pas non plus mécontent parce que pour un gardien, c’est ce qui peut se faire de mieux », reconnait le portier. Les dernières minutes s’écoulent, et il ne pense plus qu’à ça. Le stress monte sur le banc jusqu’à la séance de tirs au but que l’entraîneur avoue « ne pas avoir vu. On est à 90 minutes d’une finale, on a une très belle équipe, qui joue bien au ballon et on régale tout le monde. Et je me dis : “ce serait con de passer au travers”. » Heureusement Himeur veille. Lors d’un échange avec son entraîneur, celui-ci lui a glissé à l’oreille une information sur l’un des tireurs montpelliérains : le capitaine, qui s’avance justement vers lui pour ajuster son tir. Le portier l’arrête, et le Stadium exulte. Les joueurs se ruent vers les tribunes pour communier avec le public et la fête se poursuit dans le vestiaire. « On a voulu négocier une prime de match avec le président (alors Olivier Sadran) venu nous féliciter mais on n’a rien eu », se marre le gardien. Ils auront des carambars en cas de trophée, promet alors le boss du TFC. Qu’importe, un seul mot revient sur toutes les lèvres : le Stade de France.
Remplaçant au début de la compétition, le gardien Thomas Himeur a arrêté un penalty en 1/4 de finale contre Tours. Il n’est ensuite plus sorti de la cage. © TéFéCé
Si l’équipe se concentre sur les échéances du Championnat, l’organisation du club, elle, s’affaire. Toutes les places disponibles sont réservées, toutes les familles invitées – « une trentaine de personnes de la mienne », sourit Corredor. Au total, ce sont près de 700 personnes qui vont faire le déplacement. Tout s’enchaîne très vite : le départ, l’entraînement à Colombes où le coach Debu a lui-même été formé, la découverte du stade la veille, les parties de Mario Kart pour retrouver la routine. « On avait un peu la pression, note Koné. Surtout Moussa Diarra et moi parce nous venons de Paris. C’était la première fois que ma mère me voyait jouer. J’habite à Villeneuve-la-Garenne, c’est à côté de Saint-Denis. Et de mon balcon, je vois le Stade de France ! Alors jouer ce match, devant ma famille, c’était un rêve. Et j’aurais aimé gagner ce match. » Hélas, face à Saint-Etienne, les Pitchouns ne parviennent pas à déployer leur jeu habituel. Il manque quelque chose, peut-être le « pétillant du collectif », selon Debu. Mais si la défaite suscite larmes collectives et frustration, dès le retour à l’hôtel, la fierté d’avoir disputé une finale au Stade de France, « là où beaucoup de grands joueurs n’ont jamais joué » rappelle l’attaquant de Rodez. D’autant qu’Olivier Sadran prend la parole. « Il a fait un très bon discours, se rappelle Koné. Il nous dit “Ce n’est pas parce qu’ils ont gagné qu’ils vont forcément devenir professionnels. Vous avez de très grands talents, vous êtes de très bons joueurs. Ne perdez pas confiance, vous avez fait un grand parcours”. Ça nous a vraiment remobilisé. » L’avenir lui donnera raison. Depuis cette finale, les choses se sont accélérées. Plusieurs Pitchouns ont fait leur début en Ligue 1, le club est descendu avant d’être racheté, jusqu’à ce titre de champion. Certains sont partis continuer l’aventure ailleurs, d’autres grappillent peu à peu du temps de jeu et pourraient composer l’avenir du club, comme Mamady Bangré, Tom Rapnouil ou Thomas Himeur, justement. « On arrive à la fin quand même, se marre le gardien. Autant on a fini de découvrir cette génération, autant on ne sait pas jusqu’où elle peut aller. » Il suffit de se tourner vers les Bleus pour le comprendre : Amine Adli, Nathan Ngoumou et Manu Koné prolongent déjà cette connexion violette chez les Espoirs, l’antichambre de l’équipe de France. Et, selon les informations de la Dépêche du Midi, les défenseurs Bafodé Diakité et Anthony Rouault, présélectionnés, pourraient à terme les rejoindre. Histoire d’écrire, qui sait, une nouvelle histoire sur la pelouse du Stade de France.
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