Michael Kael, voilà 5 ans que vous vous rendez à Toulouse pour le Fifigrot (Festival International du Film Grolandais de Toulouse). Qu’ont donc les Toulousains de si Grolandais
Un certain penchant pour l’utopie et un goût immodéré pour les bains de foule de notre président. Ces démonstrations d’affection dans les rues de la ville scellent chaque année davantage l’union entre Toulouse et le Groland.
Que préférez-vous chez nous ? Le radical-socialisme, l’industrie spatiale, le rugby, la saucisse ou les gros avions ?
La saucisse. Quand je suis à Toulouse, j’en mange sans arrêt. Quand je n’y suis pas, j’en cherche. Cet été, je suis allé pêcher en Béarn et au Pays Basque. Eh bien, même là-bas, je demandais de la saucisse de Toulouse. C’est une question de fidélité. Et puis, j’ai moins peur en saucisse qu’en avion. Et c’est plus abordable.
À Toulouse, le patron de l’unique quotidien régional est aussi ministre d’État. Ça vous rappelle la maison ?
Pour être franc, je n’en savais rien. Maintenant que je suis au courant, je comprends pourquoi les Grolandais s’entendent si bien avec les Toulousains. Nous non plus, on ne croit pas à la démocratie. Notre président est patron de la chaîne de télé et responsable de la plus grande compagnie de pétrole. La démocratie, la majorité, tout ça, on s’en méfie. On préfère un président éclairé.
En tant que cinéphile averti (vous décernez chaque année au Fifigrot le prix Michael Kael), comment jugez-vous le travail cinématographique de la paire Gustave Kervern – Benoît Delépine ?
Je ne sais pas si je leurs décernerais un prix Michael Kael à ceux-là. Pour leurs premiers films peut-être. Pas pour le dernier. Ils se laissent aller maintenant. Ils ont trop de sous pour leurs films. Je me demande même si pour le dernier, ils n’ont pas reçu une forme de salaire. Vous vous rendez compte ?
À quel duo de réalisateurs font-ils le plus d’ombre à votre avis ? Aux frères Coen, à Caro et Jeunet ou aux frères Dardenne ?
Kervern-Delépine, c’est un peu le pendant comique des Dardenne. En Belgique, ils leur font beaucoup d’ombre. Là-bas, on les surnomme les frères Maroilles.
On dit que Saint Amour, leur dernier film, est pour eux l’œuvre de la maturité. C’est votre avis ?
Il faut se méfier de la maturité. Un vin trop mature, ça peut vite tourner vinaigre. Moi je m’en fous, je bois tout, même le vinaigre. Et comme tout le monde, j’aime les mauvais films. Quiconque rentre fatigué du boulot préfère s’envoyer un nanar plutôt qu’un bon film.
Dans Saint Amour, un personnage qui fait mine de savoir lire les lignes de la main dit à une jeune femme : « Je vois un CDI ». Comment comprenez-vous cette irruption de la science-fiction dans un film réaliste ?
Pour la science-fiction, je ne sais pas trop, mais ce qui est certain, c’est que les spectateurs se marrent dans les salles en entendant cette phrase. C’est typiquement le genre de répliques qui n’auraient pas fait rire il y a 30 ans. C’est comme ça : aujourd’hui, le CDI fait rire. C’est la preuve que les patrons ont gagné.
Des favoris pour l’amphore d’or du Fifigrot 2016 ?
Il y a de belles petites perles cette année, dont un film canadien qui traite des paradis fiscaux. C’est très drôle. Si j’avais de l’argent, je miserais dessus et je tenterais d’influencer la décision du jury.
La sélection du Fifigrot est de plus en plus riche, et le festival de plus en plus influent. Envisagez-vous d’en augmenter la taille et la durée ?
Animer un beau festival cette année encore (présidé par Pierre Étaix qui plus est) avec un petit budget et une si petite équipe, ce sera déjà bien. Inutile d’avoir des rêves de croissance. Je suis favorable à la décroissance, y compris pour les festivals.
La rédaction grolandaise pour laquelle vous travaillez existe depuis 1992. Quel conseil donneriez-vous à la rédaction de BOUDU, qui existe depuis 10 mois seulement, pour assurer sa longévité ?
La longévité de Boudu ? J’y crois à fond, moi. Surtout que Boudu, c’est le titre de mon film préféré. Je vois Boudu tenir longtemps, longtemps. Au moins 23 ans, comme nous, si ce n’est plus.
Et sinon, à part des certitudes, vous n’auriez pas un vrai conseil ?
Mon conseil : endettez-vous. En 1980, quand j’étais étudiant, j’ai monté Fac Off, un magazine de bande dessinée. J’ai tenu 3 ans. C’était pas mal du tout. Ça m’a permis de commencer dans la vie avec 200 000 francs de dettes. Et les dettes, je conseille ça à tout le monde : ça oblige à travailler