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Les nouvelles sorcières

Dernière mise à jour : 16 févr.

Quel est le point commun entre une manifestation à Burr, les luttes pour la sauvegarde des terres en Amérique Latine et les sorcières ? La réponse tient en un mot, et soulève plus de questions qu’elle n’en résout : l’écoféminisme. Un mouvement qui lie la libération des femmes et la préservation de l’environnement. On le retrouve surtout chez les sorcières, ces néo-païennes qui ont finalement plus à voir avec le développement personnel qu’avec les formules magiques et les chaudrons.


Malgré une marche écoféministe qui a rassemblé quelques centaines de femmes à Burr en 2019, « on ne peut pas dire qu’il y ait un mouvement écoféministe en France », regrette Céline Astrié, autrice, metteuse en scène et cofondatrice du festival écoféministe toulousain Les Sauvageonnes. Un événement qui a réuni plus de 2000 personnes en septembre dernier pour défendre « cette idée que les femmes sont exploitées de la même manière que la nature ». Une pensée qui se popularise doucement, mais dont on trouve des traces dès les années 1970, quand des villageoises indiennes se sont mobilisées contre la déforestation. Vandana Shiva est depuis devenue l’une des figures de proue de ce courant. On peut aussi remonter son sillon jusqu’en Amérique latine, notamment au Guatemala, où des femmes en appellent au concept de « corps-territoire-terre » pour lutter contre Monsanto. En France, même si le terme apparaît à la même époque dans des ouvrages féministes, c’est dans la mouvance néo-païenne des sorcières, en pleine expansion depuis quelques années, que l’on trouvera ce qui se rapproche le plus de l’écoféminisme. Au point que l’on peut d’ailleurs considérer que c’est plus souvent la sorcellerie qui a mené ces femmes à l’écoféminisme, et non l’inverse. Pas de panique, ces néo-païennes ne vous jetteront pas un sort si vous oubliez d’éteindre une lumière ou riez à une blague sexiste. Plus proche du développement personnel que du vaudou, « la sorcellerie moderne s’est adaptée, elle est plus symbolique », raconte Aurélie Pérez, apprentie sorcière. Si la jeune femme sort parfois le jeu de tarot ou les oracles, c’est plus pour faire sa propre introspection que pour tenter d’y lire l’avenir. Une pratique qui reste empreinte d’une forte dimension spirituelle. Ce que cherchent ces sorcières c’est d’abord à se redécouvrir, « reprendre leur pouvoir et retrouver leur magie intérieure ». Un cheminement spirituel qui passe par la réappropriation de son corps, le dépassement des tabous liés à la sexualité mais aussi les cercles de femmes, des « safe space » qui permettent de partager ses expériences sans jugement. C’est lors d’une tentative pour retrouver son rythme dans une « société calée sur celui des hommes » qu’Aurélie Pérez a finalement été amenée au féminisme. « Il y a un lien évident entre sorcellerie et féminisme, dans l’idée de reprendre sa place, de retrouver son pouvoir. » Un féminisme tourné vers soi, loin des luttes militantes et des manifestations, même si Aurélie s’y rend ponctuellement. S’en détache également une certaine essentialisation des femmes, dont l’objectif serait de retrouver leurs aptitudes innées de guérison, d’écoute ou encore de création. Des dispositions qu’il s’agirait de valoriser au même niveau chez les femmes que chez les hommes. Le féminisme d’Ottavia, par exemple, consiste donc avant tout à se réapproprier des savoirs ancestraux, effacés par la « médecine patriarcale. » Cette aromathérapeute, qui ne se dit pas fâchée avec la médecine moderne, se voit davantage comme une héritière des sorcières du Moyen Âge. Dans la droite lignée des conclusions du livre « Sorcières » de Mona Chollet, elle veut réhabiliter ces femmes conduites au bûcher parce qu’elles menaçaient les hommes avec leurs connaissances, notamment en matière d’accouchement : « une affaire de femmes ». Ottavia organise des cercles de femmes et ateliers liés à la sorcellerie, auxquels participent victimes de viol ou d’inceste. Des espaces de sororité où les participantes peuvent parler sans tabou, échanger leurs expériences et se reconnecter avec ce pouvoir qu’on a cherché à étouffer. Face aux vécus qu’elle rencontre, Ottavia l’affirme : « Je n’ai pas d’autre choix que d’être féministe. » Elle qui conçoit l’évolution de la société par le prisme des changements individuels œuvre aussi à transformer son entourage. Cela consiste donc à partager la réalité des victimes d’agressions et l’ampleur du problème. Elle essaye aussi de briser les tabous autour d’elle ou encore de lutter contre les propos sexistes, mais toujours par la proposition, la discussion et l’échange. « On ne peut pas faire évoluer les gens en étant dans l’agressivité. ».

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