Ribot (1823- 1891) n’est ni le plus fameux ni le plus facile des peintres, et ses œuvres aux horizons bouchés ont quelque chose de plombant. Sur le papier, l’expo Ribot, une délicieuse obscurité qui accompagne la réouverture partielle des Augustins (la totale est prévue pour 2023) ne semblait pas le programme rêvé pour un retour. Pourtant, cette expo remarquablement éclairée, et savamment tricotée par le directeur des Augustins Axel Hémery, concentre tout ce qui fait qu’une visite au musée comble les sens et l’esprit. Artiste pour les artistes (l’un des tableaux exposés appartenait à Rodin), Ribot est un peintre franc du collier sans truc ni esbroufe, qui truffe ses toiles d’étrangetés. Au hasard des cimaises on s’étonne devant une nature morte de gigot qui semble annoncer les viandes crues de Soutine, on s’oublie dans la contemplation d’un autoportrait au béret, et l’on s’amuse des saynètes figurant de petits cuistots affairés en cuisine. Et puis soudain, on tombe en arrêt devant cette petite assemblée bretonne de femmes de pêcheurs à l’office. Sept regards bizarres qui vous toisent, et dont on sent toujours le poids sur soi plusieurs jours après les avoir croisés.
Théodule Ribot, une délicieuse obscurité. Aux Augustins jusqu’au 10 janvier 2022