Quelle est la genèse de ce livre ? Tout a commencé lors du premier confinement. Je ne croisais presque personne lors de mes promenades journalières avec ma chienne. Aussi lorsqu’il m’arrivait, trop rarement, de voir un copain, nous faisions le constat, amers, que nous ne pouvions plus nous raconter de conneries. C’est alors que je me suis décidé à écrire sur mon smartphone, assis sur une brique entre les vignes, tous les matins, à raison de 700 mots par jour.
Pourquoi ? J’avais peur, vu que le confinement risquait de durer, que toutes les anecdotes, histoires, bêtises, entendues depuis tout petit finissent par disparaitre. À force d’entendre les uns et les autres dire « avec toutes les conneries qu’on a faites on pourrait écrire un livre », j’ai décidé de joindre le geste à la parole !
On peut donc parler d’un travail de mémoire ? Ça peut paraitre paradoxal vu qu’il ne s’agit que de bêtises, mais ces histoires font partie de la légende du village. Elles racontent ce qu’était l’esprit de Lézat jusqu’à peu.
Où avez-vous glané ces anecdotes ? Un peu partout : au Comité des fêtes dont je me suis occupé pendant près de 20 ans, au basket, au rugby, au foot, au vélo, à la pétanque… Au village, j’étais, comme beaucoup de jeunes, très impliqué dans la vie associative. Et puis j’ai tenu le café pendant 6 ans. Autant dire que j’étais aux premières loges pour entendre des perles !
Notiez-vous les plus savoureuses sur un carnet ? Même pas ! Contrairement à l’école où j’avais du mal à retenir les leçons, j’ai pour les chansons ou les histoires racontées au zinc une excellente mémoire.
Pourquoi le zinc est-il propice à l’exercice ? C’est un lieu d’échange. Si tu restes tout le temps chez toi, à vivre avec les mêmes personnes, tu finis par ressasser les mêmes pensées. Alors qu’au bar, toutes les idées sont représentées. Il te suffit de prendre à droite, à gauche, pour t’ouvrir au monde. Les histoires racontées dans le livre ont-elles un point commun ? L’envie d’amuser la galerie, de faire rire les copains. Les personnages dont je parle dans le livre avaient cette soif de se marrer, quel que soit l’âge, quitte à être un peu régressif. Mais si la plupart des histoires sont associées à la boisson, ce serait réducteur de les résumer à des ivrogneries.
C’est-à-dire ? Elles racontent ce qu’était le village. Avant d’arriver à la blague, je décris l’atmosphère dans le bar, l’odeur de la gitane, etc. Plusieurs personnes m’ont d’ailleurs dit, depuis sa sortie, que le livre était une sorte de photographie écrite d’un temps révolu. Comme lorsque je fais revivre les commerçants de la rue Mercadal.
Pourquoi ces histoires décrivent-elles un temps révolu ? On a changé d’époque. Certaines histoires ne pourraient plus se dérouler comme je le raconte, notamment celles avec les flics, celles qui se passaient dans les bars ou en boîte de nuit puisque tout cet univers a disparu. Tout comme l’état d’esprit : en ce temps-là, rien n’était grave, les gens ne se prenaient pas trop au sérieux.
On imagine que certains de vos personnages ne sont plus de ce monde. Est-ce aussi un moyen de perpétuer leur mémoire ? Absolument. Je dédie le livre aux copains qui sont morts parce qu’ils ne sont plus là pour rire. Il m’est souvent arrivé dans ma vie de faire la bringue pour deux ou trois. J’ai toujours eu une pensée pour ceux qui sont partis.
Vous prenez néanmoins la précaution d’attribuer un numéro à vos protagonistes plutôt que de les nommer. Pourquoi ? Pour éviter les problèmes ! Blague à part, cela crée de l’animation depuis la sortie du livre. Vu que je me suis engagé à ne rien révéler, tout le monde s’appelle pour essayer de comprendre qui se cache derrière les numéros. Certains y parviennent… d’autres pas ! À force de les raconter, ils finissent par ne plus savoir qui en est à l’origine !
Les héros de votre livre, ce sont ceux que vous qualifiez de « fous ». Pourquoi ce qualificatif ? Comme je le rappelle au début du livre, c’est celui qui regarde qui juge. Fou ? Celui qui l’est se trouve normal. Une personne qui regarde un illuminé se pose peut-être beaucoup de questions. Mais l’illuminé, lui, ne s’en pose pas.
Auriez-vous un exemple de cette folie lézatoise ? Ça a véritablement démarré au Club Med avec le rugby. On partait tous les ans à 25-30 types, au Maroc, Tunisie, Sicile… Pendant une semaine, c’était un pétage de plomb intégral. On était tellement barjots qu’on volait la vedette aux animateurs qui ne pouvaient pas assurer le spectacle du dernier soir… vu que tout le monde restait au restaurant avec nous à chanter ! Idem pour la gym aquatique que l’animateur a fini par me demander d’assurer tellement les gens en redemandaient. On était tous fous!
L’êtes-vous encore ? Quiconque me croise dans le village sait que je suis là pour faire le con comme quand j’avais 20 ans. Je suis ce qu’on appelle un boute-en-train, un rigolo. J’arrive à peu-près à lâcher la goupille quand je l’ai décidé.
Êtes-vous le dernier fou comme la couverture de votre livre le suggère ? J’ai l’impression que tout le monde est un peu entré dans une routine. Moi je crois qu’on peut continuer à faire le con même quand on est père. Quant aux nouvelles générations, je ne sens pas un esprit très bringueur…
Nostalgie, quand tu nous tiens… C’est un peu vrai. Quand je pense que je n’ai pris que quatre cuites en 2020 et pas beaucoup plus en 2021, je me dis que les occasions de se raconter ou de faire des conneries se sont vraiment raréfiées. Forcément, ça me déprime un peu
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