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Mai 40 à Montauban, la genèse méconnue de mai 68

  • BOUDU
  • 4 mai 2018
  • 3 min de lecture

Mai 1940. L’armée allemande avance inexorablement, jetant sur les routes de France son lot de réfugiés fuyant les persécutions. Parmi eux, de nombreux juifs – allemands et autrichiens pour la plupart – qui pensaient avoir trouvé à Paris un havre de paix après l’avènement d’Hitler au pouvoir. Sur les routes de l’exode vers le Sud, Judith-Herta et son fils Jean-Gabriel, âgé de 4 ans à peine. Juifs allemands installés à Paris depuis 1933, ils espèrent trouver refuge à Montauban. Le mari de Judith-Herta, Erich, avocat et activiste communiste, a été arrêté au début de la guerre et interné dans un camp de réfugiés politiques en Bretagne. Alors que sa femme et son fils sont établis dans le Tarn-et-Garonne depuis peu, il parvient à s’échapper et à rallier Montauban à pied. Mais à son arrivée, il est à nouveau arrêté puis placé en détention dans le camp de surveillance des étrangers de Judes, dans la commune de Septfonds, à une trentaine de kilomètres de la préfecture Tarn-et-Garonnaise. Fin 1940, il est finalement libéré pour rejoindre son jeune fils et sa femme, souffrante, à Montauban. La famille déménage alors à Moissac, et s’installe au Centre des éclaireurs israélites. Judith-Herta devient économe de la grande maison qui sert alors de refuge aux jeunes en danger ou dont la famille a été déportée. Même en zone libre, la situation se fait oppressante pour les juifs dès 1941. Les mesures du gouvernement de Vichy sont de plus en plus répressives. Et début 1942, « la solution finale » est entérinée par les haut-dignitaires nazis réunis à la conférence de Wannsee. Dans le Tarn-et-Garonne, les arrestations se multiplient, et les premiers convois ferroviaires emportent des prisonniers du camp de Septfonds vers Drancy, puis Auschwitz. Même les enfants sont menacés de déportation. Pour être mis hors de danger, comme plus d’une centaine d’enfants juifs abrités au Centre des éclaireurs israélites, le petit Jean-Gabriel reçoit une nouvelle identité, et est confié jusqu’à la fin de la guerre à une famille de Moissac, sous le nom de Jean Collet. Le garçon a peut-être bénéficié de l’une des 150 cartes d’identité falsifiées délivrées aux enfants du centre à la demande du préfet du Tarn-et-Garonne, François Martin. Après avoir confié leur enfant, Judith-Herta et Erich retournent vivre dans une petite maison de Montauban, chemin des Cabouillous. Là, le couple est aidé par un réseau local qui fournit aux juifs nourriture et bois de chauffage. À la tête de ce réseau, entre autres, l’évêque de Montauban, Pierre-Marie Théas. Cet ancien pétainiste a dénoncé en août 1942 dans une lettre envoyée dans tout le diocèse et lue dans toutes les églises lors de la messe dominicale les mesures antisémites du gouvernement de Vichy. Le message sera même diffusé sur les ondes de Radio Londres. Marie-Rose Ginest, employée du Secrétariat social, joue aussi un rôle essentiel dans ce réseau, chargée de trouver des abris sûrs pour les juifs en danger, notamment dans les établissements religieux du département, et de leur fournir de faux papiers d’identité. Certains sont même fournis par des employés de la préfecture, au vu et au su du préfet, qui ferme les yeux. Pour protéger les juifs réfugiés à Montauban, Mgr Théas signe aussi de sa main de nombreux faux certificats de baptême. Il n’est pas certain qu’Erich et Judith Herta en aient bénéficié. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le couple doit son salut au commissaire de police de Montauban, André Marty. En 1943, alors que Judith-Herta est assistante sociale au siège de l’Union générale des juifs de France, le commissaire vient l’avertir qu’une arrestation est prévue le lendemain. Le couple en réchappe et passe la fin de la guerre dans la clandestinité, sous le nom de Delpioux. Le 4 avril 1945, huit mois après la libération de Montauban, Judith-Herta David et Erich Cohn-Bendit mettent au monde leur deuxième fils, Marc-Daniel. C’est ainsi que sans le courage d’une secrétaire, d’un évêque, d’un préfet et d’un commissaire de Montauban, Dany le Rouge n’aurait peut-être pas vu le jour, et mai 68 aurait certainement eu un autre visage.

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