Philippe Guionie, qui vous a mis, pour la première fois, un appareil photo entre les mains ? Un ami photographe. Il m’a prêté un Rolleiflex pendant un voyage au Bénin en 1999. J’ai ramené des images. Le hasard a voulu qu’elles soient repérées par Willy Ronis (le dernier pape de la photo humaniste ndlr). C’est comme ça que je suis devenu photographe.
Vous n’aviez alors aucune culture de l’image ? Je suis issu d’un milieu corrézien très lié à la terre, à la mine, à l’ardoise. La photo et l’image ne faisaient pas partie de la culture familiale. J’ai grandi dans un univers de paysage et de sport, avec à l’horizon quelques rêves de voyage révélés par la lecture de Jules Verne.
Vous êtes historien de formation. Pourquoi avoir choisi la photo ? Au retour du Bénin, j’ai réalisé que cette vie de mouvement et de questionnement m’avait plu. Après des années d’étude à potasser l’histoire contemporaine de l’Afrique et la question mémorielle, j’avais envie de vérifier si ce que j’avais appris était vrai. Envie d’aller du livre vers l’expérimentation. Envie de construire avec mes mains. J’ai franchi le pas. Parfois, je le regrette, mais le plus souvent, je suis heureux de ce choix. Du reste, j’aborde la photo comme un historien ou un géographe : en portant une attention particulière au rapport que mon sujet entretient avec l’espace et le temps. Et tout ça, je le fais non pas pour raconter l’Histoire avec un grand H, mais pour raconter la vie avec une empathie maîtrisée.
Le 4 novembre, vous révélerez aux Abattoirs le travail de la résidence 1+2. De quoi s’agit-il ? C’est une résidence photographique qui réunit chaque année trois photographes (un de renom et deux jeunes talents), trois villes (Toulouse, Bruxelles, Barcelone) et trois supports (expo, livre, film) autour du patrimoine de Toulouse et de l’Occitanie. Pour la première édition, j’ai convié la grande Diana Lui (photographe et réalisatrice franco-belge d’origine malaisienne), et les jeunes photographes Alice Lévêque et Léa Patrix. Les travaux ont été menés en janvier et février pour une diffusion des supports en novembre.
Quelle est la genèse du projet ? C’est l’aboutissement d’un long processus et le fruit de deux constats : le premier est lié à mon expérience des résidences. J’ai expérimenté, en France et à l’étranger, ce mode de création particulier où l’on est convié à créer dans un lieu qu’on ne connaît pas. C’est passionnant, mais on se sent souvent seul. L’autre constat, c’est que Toulouse est peu présente dans le regard des photographes de renom. Cette ville a du mal à s’abandonner au regard des autres. Elle renvoie l’image d’une cité un peu lisse, sans aspérités auxquelles puisse s’agripper le regard d’un artiste. C’est le sens de la résidence 1+2 : offrir à des photographes la possibilité de faire des images à Toulouse et d’en révéler la mémoire, les collections, les cultures, les musiques, l’architecture. Le tout en profitant de l’émulation apportée par le groupe. Ce n’est pas une résidence d’artiste, mais une résidence de territoire.
Un exemple de cette émulation ? Les prises de vues de la lune et de Mars réalisées par Diana Lui à l’observatoire de Jolimont, en présence de Léa et d’Alice. Un appareil photo d’aujourd’hui connecté à un télescope du XIXe siècle grâce à un embout bricolé par un ancien salarié d’Airbus…
Vous dites regretter que Toulouse ne soit pas davantage présente dans le regard des photographes. Pourquoi est-elle absente du vôtre ? Je ne parviens pas à photographier la ville dans laquelle je vis. Le quotidien me rattrape très vite. Quand j’y suis, Toulouse m’énerve. Quand je n’y suis pas, elle me manque terriblement. Bref, je suis Toulousain