Pourquoi sait-on si peu de choses du passé antique d’Uzès ?
Marc Célié : Il y a très peu de travaux de construction ou d’aménagement à Uzès, et donc peu d’opportunités de fouilles pour l’archéologie préventive. Le patrimoine du centre historique d’Uzès, le plus intéressant et le mieux conservé, est protégé par le label « secteur sauvegardé ». Le bâti de cette zone ne peut donc pas être démoli pour être remplacé par du neuf.
Qu’attendiez-vous des fouilles sur le chantier du futur internat ?
Philippe Cayn : Quand on a fait le premier diagnostic il y a trois ans, à la demande de l’État, on ne s’attendait pas à grand chose. Pourtant, les tranchées mécaniques réalisées sur 10 % de la surface du projet se sont révélées extrêmement positives : on y a découvert des murs, des sols associés et déjà un bout de la mosaïque qui a finalement été mise à jour.
Qu’a donc cette mosaïque de si particulier ?
M. C. : Elle est exceptionnelle par sa taille, 60 m2, et par son état de conservation. Pour le moment, on ne sait pas encore interpréter le bâtiment dans lequel elle se situe. Peut-être un espace public, ou une demeure privée très luxueuse.
On ne peut pas s’opposer à l’aménagement du territoire. Il faut bien que l’histoire évolue.
Sur la mosaïque, on distingue quatre animaux : une biche, un aigle, un hibou, et même un canard. Comment interprétez-vous ces motifs ?
P. C. : Il faut attendre la confirmation du plan du bâtiment avant de répondre à cette question. Certains voient dans les animaux la représentation de divinités : Jupiter, Diane, Minerve. Pourtant, le canard n’est l’attribut d’aucun dieu…
Que disent ces fouilles de l’histoire d’Ucetia ?
P. C. : On sait aujourd’hui de façon quasi certaine qu’on est à l’intérieur de la ville romaine. Elle a été occupée une première fois au Ier siècle et pendant trois siècles. Brutalement, au IIIe siècle, plus personne ne semble habiter la ville, sans qu’on sache vraiment pourquoi pour l’instant. Et l’occupation reprend à la fin du ve siècle : des gens ont réinvesti le site, reconstruit des bâtiments en s’appuyant sur l’architecture existante. Les nouveaux habitants se sont servis de la trame urbaine dessinée par les romains.
La mosaïque a déjà quitté le site, déposée par une société spécialisée début avril pour être restaurée. Que va-t-il advenir des autres vestiges une fois la fouille terminée ?
M.C. : Le terrain sera libéré de la contrainte archéologique. Il sera remis à l’aménageur – la Région – qui pourra en disposer pour mener à bien son projet d’internat. Il ne faut pas oublier que les fouilles préventives sont à la charge du maître d’ouvrage : pour la Région, ce chantier représente 1,5 million d’euros. En contrepartie, s’il n’y a pas de découverte majeure, le maître d’ouvrage récupère le terrain et mène son chantier.
Bien qu’exceptionnels, ces vestiges ne sont donc pas une découverte majeure ?
M.C. : La mosaïque l’est suffisamment pour qu’on l’ait prélevée : elle est sauvée. Les autres vestiges sont importants pour la connaissance d’Uzès, mais ne justifient pas une conservation in situ. Même s’il peut arriver que l’État demande la conservation de bouts de site, il est très rare qu’on découvre un petit Pompéi. En règle générale, le projet d’aménagement se fait. On ne peut pas demander à un aménageur d’acheter les terrains, de démolir ce qu’il y a dessus, de financer une fouille et une fois que c’est fait, de renoncer. Le système ne tiendrait pas, les aménageurs ne voudraient jamais s’engager.
La destruction des vestiges est donc secondaire ?
M.C. : Non, mais déjà, la fouille les protège. En tant qu’archéologue, on a le sentiment d’avoir aidé à conserver la mémoire du site. On a l’impression de faire les choses correctement, et que, finalement, c’est un bon compromis. Détruire physiquement ces vestiges, c’est presque une fatalité. On ne peut pas s’opposer à l’aménagement du territoire. Il faut bien que l’histoire évolue.