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Jean Couderc

Rester branchés – Part’âges 31

Dernière mise à jour : 23 févr.

Naviguer sur internet sans être pris de panique au premier obstacle, telle est la promesse faite par l’association Part’âges 31 qui dispense tous les vendredis, à la Cantine, des cours d’informatique à des séniors en délicatesse avec le monde du numérique.



L’ambiance est studieuse en ce vendredi 21 janvier dans le grand open space de la Cantine, lieu d’échange et d’expérimentation ouvert à tous les passionnés du numérique situé dans le quartier Saint-Aubin. Comme chaque semaine, le lieu accueille des séniors venus suivre des cours d’informatique dispensés par l’association Part’âges 31. Et si la séance est ouverte à toutes les tranches d’âge, force est de constater que l’on ne dénombre ici que des cheveux blancs et gris. À la baguette, Gérard Negret doit jongler entre les présents – au nombre de 7 ce matin là – et ceux qui ont préféré rester à la maison pour suivre la formation. Un exercice pas si évident pour cet ancien prof de mathématiques de 80 ans, ce qui lui vaut d’être régulièrement rappelé à l’ordre par Marie, de 14 ans sa cadette, lorsqu’il oublie de parler bien en face de la caméra de son ordinateur portable.

Au menu du jour, la connexion aux sites des services publics. Une fois la procédure expliquée, et les conseils prodigués concernant le choix du bon mot de passe, les inquiétudes apparaissent comme celle de Françoise qui se demande : « Est-ce que ça veut dire que le code est enregistré quelque part ? » De toute évidence, elle n’est pas la seule à afficher de la méfiance à l’égard d’internet, en particulier des achats que l’on peut effectuer sur la toile. Ni d’ailleurs avec le maniement de l’ordinateur. « Mais c’est pour ça qu’ils sont là, observe le créateur de l’association en 2018 convaincu que l’objectif des séniors est avant tout d’être acteur de leur propre vie. Ils veulent apprendre à manipuler pour ne pas être manipulés », image-t-il.

Une volonté de maîtrise qui s’accompagne d’un désir de ne pas être (davantage) en marge de la société. « Les séniors qui ne cherchent pas à se familiariser avec le numérique sont complètement exclus », assène Gérard. Un avis partagé par Frédéric Bricka qui organise le vendredi après-midi, toujours à la Cantine, des « tables d’hôtes numériques » dans une formule moins encadrée que celle du matin : « Ils se rendent compte qu’il y a un fossé entre ceux qui savent faire et les autres. Mais aussi que ça diminue la fréquence et l’intensité des rencontres ».


Part’âges 31

Pour Françoise, 66 ans, le numérique est très “ségrégatif ” : « Prendre un rdv médical se passe sur internet maintenant, illustre-t-elle. Si on ne sait pas faire, on est exclue de la vie. » Lorsque sa voisine de droite, Marie, 66 ans également, a voulu s’impliquer dans le conseil syndical de son immeuble, elle a vite compris que le maniement de l’ordinateur (envoyer des mails, classer des documents, traiter des photos…) était indispensable. Elle n’a donc pas hésité à rejoindre les ateliers de Part’Âges : « Ça m’a permis de continuer à avoir une vie sociale ».

Le numérique vecteur de lien social ? Simone, 88 ans, abonde dans ce sens : « Je m’y suis mise lorsque j’ai cessé de travailler et c’est devenu une passion. Parce que j’ai pu continuer à apprendre mais aussi parce que ça m’a permis de me rendre utile en aidant les autres membres de la résidence. Parce qu’arriver à un certain âge, on se sent inutile. »

« Et si elle ne connaît pas la réponse, elle cherche et elle finit par trouver ! », assure Gérard. Josiane, petit bout de femme de 81 ans, suit les ateliers depuis à peine quelques semaines. Frustrée de ne pas savoir envoyer un mail – « je ne sais qu’y répondre » – elle se félicite en revanche de savoir aller sur le site Ameli : « Du coup, j’y vais tous les jours ! » Ce matin là, elle est aidée dans ses démarches par Christine, 62 ans, plus à l’aise qu’elle dans le maniement de la souris. « C’est ça qui est vraiment bien dans cette association, s’enthousiasme Marie. On vient pour apprendre et on s’engage à donner ensuite à des nouveaux ».

Si la motivation première pour pousser la porte de la Cantine il y a 5 ans a été pour Max, 73 ans, « de vouloir rester dans le coup, ne serait-ce que pour mes enfants et petits-enfants », il reconnaît que la dimension collective est très appréciable : « On s’apprend des choses mutuellement, c’est bien d’être ensemble. » À 69 ans, Jean-Claude explique que c’est le contexte sanitaire qui l’a conduit à suivre ses cours. Mais aussi la multiplication des nouveaux outils : « Et puis c’est un anti-ramollissement cérébral. »

La démarche semble cependant pas si évidente pour tous les hommes selon Frédéric Bricka : « Contrairement aux femmes qui sont demandeuses de conseils et n’hésitent pas à demander de l’aide, les hommes ont plus de réticence à assumer le fait qu’ils ne savent pas faire certaines choses. » Arrivée à la retraite, Sylvie, 69 ans, s’aperçoit vite de ses lacunes en matière informatique : « Quand je travaillais, je demandais toujours à ma secrétaire, avoue-t-elle. Quand je me suis retrouvée seule, je me suis mise à paniquer dès que je rencontrais un obstacle. » Un grand classique pour Frédéric Bricka pour qui l’objectif est d’aider les séniors à se déshiniber sur le fonctionnement même des appareils : « Pour qu’ils n’aient plus peur d’appuyer sur le bouton qu’il ne faut pas ! »

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