Village du centre-ville, Saint-Aubin a su conserver son identité grâce au statut de Commune libre attribué à la rue de la Colombette en 1944. On vient pour ses commerces indépendants, ses artisans, ses artistes, son marché de produits locaux du dimanche matin, ou sa vie nocturne. On y vit pour son ambiance populaire, conviviale, et son esprit libre.
Prendre une caisse
Juste après la coupe du monde de 98, Philippe Krarup, un ancien de Chez Tonton a ouvert le Café Populaire à Saint-Aubin avec l’idée de créer « un lieu festif pour rassembler ». C’est ici, en 1944, du temps où il s’appelait encore le bar des 2 Ânes, que des artistes et des commerçants se sont retrouvés pour faire de la rue de la Colombette une commune libre. La commune libre, idée qui date du Moyen Âge, est gérée par un maire et un garde champêtre garant de la transmission des traditions et de l’histoire du quartier. En France, il en existe 135, dont Montmartre. Aujourd’hui, les habitués viennent se poser au comptoir du Café Pop en journée pour refaire le monde. Le soir, ce sont les étudiants qui prennent possession du bar. « Ici, la spécialité ce sont les caisses de 13 bières, parce que je suis né un 13 ! » justifie le patron.
Rue de la Colombette – Le Café populaire et son créateur Philippe Krarup.
Esprit de l’époque
Installée depuis 1998, Chloé, gérante de Saveurs et Harmonie, propose plus de 300 thés dans sa petite boutique rue de la Colombette. Celle qui fut un temps responsable de l’amicale des commerçants, aujourd’hui présidée par Charles-Henri Cazac de Gentlemen Beauty, se souvient du temps ou le maire de la rue paradait lors de la célèbre foire de la Colombette : « Ces traditions me tiennent à cœur. J’espère qu’on élira bientôt un nouveau maire ». Car depuis le décès en 2019 du dernier élu, Serge Terrazzoni, personne n’a repris le flambeau. La madame Thé du quartier rêve d’un maire « sincère qui saurait maintenir l’âme de la rue ». Une rue où l’on se rendait autrefois pour ses artistes et le savoir-faire de ses artisans : « L’esprit de l’époque est encore là avec les horlogers, les bijoutiers, les luthiers ou la galerie Palladion. Ici, vous ne trouverez pas de chaînes. »
L’Almanach
“Tu es née quel jour ? Le 8 août ? C’est la saint Dominique. Tu aurais dû naître le 9, la saint Amour !”. Vous ne le piégerez pas ! Olivier, 77 ans, connaît tous les saints du calendrier et devine aussi votre âge. Quand cet ancien pianiste de bar à la chevelure argentée n’est pas installé au piano du Oikos Café pour jouer du Polnareff ou du Michel Berger, il fait son “seat-up” (stand-up, mais assis) aux clients qui prennent un café dehors. «Tu sais le problème que j’ai avec les culs ? C’est qu’on les voit toujours partir, jamais arriver. » Figure incontournable du quartier, Olivier a grandi à Toulouse. Après quelques années à vadrouiller en France et à l’étranger, notamment en Afrique pour vendre des livres, il est revenu à Toulouse en 2013 et ne compte pas repartir : « Tu sais que j’ai trouvé mon épitaphe ? “Je me regrette déjà !” ou “Comment allez-vous faire sans moi ?”»
La fripe, c’est chic !
Pas question de défiler dans les rues du quartier vêtues par la fast fashion. Avec Face B, Favoris Vintage Boutique, Emmaüs Saint-Aubin, la Glanerie, le Quai Marchand, Purple, Sybarite Vintage ou la dernière arrivée Berht, il y a de quoi s’habiller écoresponsable, pas cher et stylé. Manon Heidet, 26 ans, surnommée par ses voisins « le petit bébé de la Colombette » a ouvert Berht, du nom de sa grand-mère, en septembre 2022. Manon a toujours voulu créer sa propre boutique de seconde main. Ses parents la gâtaient à Noël avec des cadeaux provenant d’Emmaüs : « C’était super, on en avait 10 pour le prix d’un ! ». Plus qu’une frivperie, un lieu de rencontres. Elle organise dans sa boutique des événements avec dj, artistes ou tatoueurs.
Le petit Saint-Girons
Le soleil se lève sur la place, des musiciens nomades s’installent sur le parvis de l’église, un homme danse avec un verre sur la tête, les terrasses du Café Saint-Aubin et du Oikois Café sont déjà pleines, les odeurs de paëlla, d’aligot et d’empanadas se mêlent, et les âmes littéraires flânent devant les bouquinistes. Bienvenue au marché Saint-Aubin, rendez-vous dominical des Toulousains amateurs de bons produits locaux. « II y a toujours eu un charme ici, car c’est un marché qui réunit toutes les bourses ! », constate Béatrice, qui vend sur le marché depuis plus de 20 ans. « L’Ariège est à Toulouse tous les dimanches ! » clame Christophe, en faisant goûter ses fromages. Ambiance unique de petit village. Tout le monde se parle, comme en témoigne Daniel, 75 ans, vendeur de boucles d’oreilles et grand baroudeur : « J’ai commencé à tordre du fil pour faire des bijoux que je vendais à la sauvette devant l’église, et depuis 5 ans je fais le marché. J’ai toujours aimé échanger avec les gens pendant mes voyages en stop. Le marché me permet de continuer à rencontrer du monde. »
Végé-dream
À Saint-Aubin on mange bien chez Jour de marché, au Rocher de la vierge, aux Sales gosses ou encore chez Cartouche et Montesino, et on mange sain. Installé depuis 2 ans rue de la Colombette, Paul De Saint-Blanquat, chef du restaurant Bloomy, propose des plats “100% végétal” dont l’inspiration lui vient de son enfance en Ariège et des plats Suédois de sa mère. À la Belle Verte, rue d’Aubuisson, on trouve une cuisine : “végétale, bio, locale et zéro déchet, avec une majorité de plats sans gluten et aucun produit d’origine animale !” Rue Nicolas Bachelier, à l’image de son folie-gras (foie gras végétal), l’Embargo revisite les classiques, Bourguignon à base de seitan ou coquilles Saint-Jacques remplacées par des champignons Eryngii marinés à l’huile de noisette…
Art déco
À quelques pas de la place Saint-Aubin et de son église du XIXe construite sur un ancien cimetière, se trouve le sublime bâtiment art déco de La Poste. Fers forgés aux fenêtres, blasons des PPT, luminaires octogonaux, grande horloge, cette bâtisse a été dessinée par l’architecte toulousain Léon Jaussely qui a obtenu en 1903 le Grand prix de Rome. Il est également l’auteur du monument aux combattants de Haute-Garonne à François-Verdier, et de l’ancien siège de La Dépêche rue d’Alsace-Lorraine.
Come as you are
Les nuits de Saint-Aubin sont connues pour être rock, parfois punk, et même métal. L’un des responsables, c’est Vania Chalimon. En 2001, il débarque à Toulouse avec son sac à dos. Il commence au Filochard puis crée 7 ans plus tard le Petit Bouchon, devenu Le Kraken, rue de la Colombette. En 2013, il reprend The Petit London au 7 rue Riquet : « Depuis les années 60, le Petit London a toujours été un vrai bar populaire, un bar alternatif comme on dit aujourd’hui. » Comme l’Autruche, un bar voisin, The Petit London fait partie des 22 membres toulousains du collectif culture Bar-bars, qui s’engage à proposer une programmation culturelle.
6_questions à Caroline Adoue-Bielsa, maire de Saint-Aubin
L’esprit du quartier ? C’est un village convivial avec ses commerces de proximité.
Ses points forts ? Ses commerces et bien sûr l’épicentre du quartier où les gens se retrouvent : la place Saint-Aubin.
Un lieu ? La rue de la Colombette. Elle a beaucoup de charme avec tous ses commerces indépendants.
Un petit plaisir ? J’aime beaucoup la boulangerie Saint-Aubin, qui fait du très bon pain, ou la pizzeria Mazzolina au début de la Colombette.
Une couleur ? La brique. Elle est partout dans le quartier !
Une heure ? Les fins d’après-midi. J’aime l’ambiance, c’est la sortie des écoles, il y a du monde, une belle luminosité, ça donne envie de flâner…