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BOUDU

Sophie Iborra : Tous pour un 

« Rien n’est solitaire, tout est solidaire » écrivait Victor Hugo depuis son exil à Guernesey. Solitaire, comme face à soi-même, nous le sommes toutes et tous pendant cette période de confinement. L’occasion sans doute de nous interroger individuellement sur ce que nous sommes, sur nos convictions les plus profondes, sur notre place dans un monde fragilisé, meurtri, désorienté.

Solidaires, plus que jamais, au sens de notre interdépendance devant l’épreuve. Elle nous montre que nous dépendons des autres, que sans la discipline de son voisin ou de sa voisine, le respect de chacun des gestes barrières, nos parents, amis et bien entendu nous-même, pourraient contracter ce virus mortel. Nous réalisons que sans infirmières, caissières, éboueurs, livreurs, chefs d’entreprise, agriculteurs, enseignants, policiers, nous ne pourrions pas surmonter cette crise. Aucune société ne peut survivre sans une entraide entre ces femmes et ces hommes, membres d’un même tout ; le fameux « tous pour un, un pour tous ». Cette solidarité est partout, qu’elle soit sociale, générationnelle, de genre, culturelle ou encore écologique, elle nous oblige à repenser nos modèles, à se réinventer individuellement et collectivement.

Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent, nous questionnent sur « l’après », nous exhortent à trouver des solutions miracles, certains scandent des « vous voyez on vous l’avait dit », d’autres profitent de ce drame pour justifier et illustrer leur haine envers nos gouvernants, des éditorialistes se reconvertissent en épidémiologistes, et les fake news pullulent sur les réseaux sociaux. L’Europe ceci, la mondialisation cela, tout le monde a son mot à dire sans accepter pour une fois, de se poser, de réfléchir ensemble plutôt que de réagir chacun dans sa chapelle. Peut-être nous faut-il d’abord traverser cette catastrophe avec la plus grande discipline, humanité et humilité. Ensuite viendra le temps de l’analyse, non pas pour chercher des coupables et les clouer au pilori mais pour faire en sorte que cette épreuve nous serve de leçon pour mieux se préparer et mieux se protéger si cela venait à se reproduire. Puis, viendra le temps de la concertation car le « monde d’après » ne pourra pas se construire autrement que de façon démocratique. Consulter celles et ceux qui se trouvent en première ligne, réunir enfin toutes les forces vives autour de la table, débattre avec les dogmatiques, peser les arguments des nostalgiques et ceux des idéalistes, convaincre les attentistes. Ce temps où nous serons capables de nous organiser en nous faisant confiance, pour enfin trouver l’équilibre entre la lutte réelle contre les inégalités, les performances économiques et les enjeux écologiques. Ce moment où l’intelligence humaine devra se révéler pour trouver un chemin d’équilibre en assumant chacun et chacune ses responsabilités. Sans cette concertation, on peut s’attendre à de la défiance avec probablement en bout de course un retour au « monde d’avant » et son lot d’incertitudes et d’échecs. Ne soyons pas naïfs pour autant, il est probable que cette crise ne change pas non plus toute l’humanité. Le croire pourrait nous mener à bien de frustrations et de désillusions. 

Alors, si, en dépit de ces obstacles, nous voulons un monde d’après plus juste, plus sécure, plus innovant, plus émancipateur, nous devons accepter que cela prenne du temps et que ce soit difficile. Comment remettre en cause nos croyances, nos individualités, nos certitudes tout en étant créatifs mais ensemble ? La tâche est immense, l’enjeu capital. Demain dépend de nous.


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