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BOUDU

Toulouse : Les mariés vont la mettre en sourdine

L’après-midi commence tout juste. Le soleil a enfin décidé de se montrer. Onze mariages ont déjà été célébrés dans la matinée et huit (dont un pacs) sont encore au programme de ce samedi. Les talons hauts et les chaussures sombres piétinent la cour du Capitole. Des sourires et des éclats de voix se mêlent aux rires nerveux des invités. À quelques mètres de là, sous les dorures et les peintures de la mairie, se prépare un ballet bien rodé. Comme chaque samedi, cinq-six personnes s’activent pour accueillir les mariés et leurs proches. Sous la gigantesque fresque La défense de Toulouse contre Simon de Montfort de Jean-Paul Laurens, debout derrière une table ornée de fleurs blanches, Christine Escoulan est prête. Son mascara bleu et ses lunettes rouge et noir rappellent le drapeau tricolore qu’elle porte en écharpe.


Un grand blond et une petite brune sont les premiers à s’élancer dans la salle des Illustres sur les notes de Somewhere over the rainbow. La famille et les amis remplissent à peine les vingt-deux sièges en bois et nubuck rouge. « Bonjour, je me présente, je suis Christine Escoulan. Je suis l’élue en charge de l’état civil et des mariages, et je suis très heureuse de vous accueillir dans cette belle salle des Illustres pour votre mariage… » Les mêmes mots, une cérémonie après l’autre. Chaque geste est précis, pensé, pesé. Tout est réglé comme du papier à musique. Quinze minutes, pas plus. Présentation succincte des mariés, lecture du code civil, échange des consentements, signature des registres, photo avec l’élue et les témoins, échange d’alliances dans certains cas. Christine Escoulan remet à chaque couple un livret de famille, un papier attestant du mariage civil, indispensable pour la célébration religieuse, la photo imprimée, ainsi qu’un abonnement à la bibliothèque municipale et une paire de stylos argentés offerts par le maire. Un maître de cérémonie veille à ce que les horaires soient respectés.


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Déjà, il appelle les invités du mariage suivant à s’avancer au fond de la galerie. Le salon Henri-Martin, attenant, fait office de salle d’attente : c’est sous les œuvres du peintre pointilliste que les mariés et leurs invités patientent, puis se congratulent une fois le mariage célébré. Plusieurs mariages s’enchaînent sans que rien de notable soit à signaler, à l’exception de l’émotion incontrôlée d’une mariée et d’une témoin ayant du mal à comprendre la langue de Molière. Mais vers 15h30, la petite musique déraille. Les mariés prévus sur le planning sont en retard. En principe, les futurs époux et leurs invités sont tenus de se présenter au Capitole trente minutes avant l’heure de la cérémonie. Pour ne pas trop perturber le programme, le couple qui devait clore cette journée de noces accepte de se marier avec une heure d’avance vu que tout le monde est là. Lorsque Yanis, Claire et leurs proches entrent enfin dans la salle des Illustres, il est 16h, soit plus d’une heure après l’horaire prévu. Un retard qui sera sanctionné a minima d’un report de la cérémonie à partir de l’entrée en vigueur de la charte. Mais pour l’instant, il n’en est pas encore question. La mariée est vêtue d’une grande robe meringue, avec un voile porté par cinq demoiselles d’honneur pailletées et perchées sur de hauts talons. Des larmes coulent de ses grands yeux bleus cernés d’eye-liner au moment de dire « oui ». Lui fanfaronne en se tournant vers la salle pour demander son approbation. « C’est vous monsieur qui devez répondre, rappelle avec une pointe d’agacement Christine Escoulan.

C’est vous, monsieur, qui devez répondre. Que répondez-vous ? » Loin de perdre son arrogance, il continue sur le même registre en narguant sa femme avec l’alliance qu’il s’apprête à lui passer au doigt. Les youyous résonnent encore dans l’escalier et les galeries, quand un nouveau couple prend place. Elle en robe bordeaux foncé, lui en chemise blanche et pantalon clair. Ils se sont pacsés au tribunal comme le veut la loi, mais ont choisi de faire une cérémonie avec la famille et les amis à la mairie. Un échange de consentement est prévu, mais à l’instant où elle s’apprête à ouvrir la bouche, le téléphone de son promis se met à sonner. Confus, il s’excuse et prend le stress pour prétexte sous le regard mi-réprobateur mi-amusé des invités.

Canettes vides et paparazzi C’est l’heure du dernier mariage de la journée. Ils pénètrent comme des stars dans la salle des Illustres, sous les hourras et avec I will always love you de Whitney Houston. Elle, fourreau blanc et diadème de Miss France dans les cheveux. Lui, costume bleu, coupe à la mode et barbe fournie autour d’un large sourire un peu gâché par un chewing-gum nonchalamment mâché durant toute la cérémonie. Entre cent et deux cents invités, dont de nombreux enfants, se massent derrière les sièges, tout autour des mariés et de Christine Escoulan. Le maître de cérémonie demande le silence pour que la célébration puisse commencer. Les téléphones portables sont dressés, à l’affût. Malgré le retard et le monde, tout se déroule dans le calme. Alors que la salle se vide, le père de la mariée vient remercier l’élue tandis qu’une tante ramène des canettes de soda vides, négligemment abandonnées dans un coin de la pièce. Dehors, la fête est loin d’être terminée. Tambours et zorna à la main, des musiciens attendent les mariés à la sortie de la mairie. Les invités se mettent à danser et chanter, devant des passants amusés et intrigués. Pendant que deux jeunes font vrombir les moteurs de leurs grosses cylindrées, le cortège contourne le bâtiment au rythme de la musique. Sur la place du Capitole, un gros 4×4 bouche la sortie du parking souterrain et des klaxons mécontents commencent à se faire entendre. Les mariés s’engouffrent dans la voiture, suivis par un photographe-cameraman, penché comme un paparazzi à la porte ouverte d’un gros fourgon noir. La nuit promet d’être longue…

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