L’association Simon de Cyrène vous a demandé, en 2020, d’évaluer son utilité sociale. Qu’en est-il ressorti ?
Nous avons constaté que les personnes handicapées mentales étaient souvent mises dans une case parce qu’elles sont différentes. Même quand on prend soin d’elles, elles se retrouvent dans un établissement spécialisé. Or toute l’originalité de Simon de Cyrène réside dans le décloisonnement. Dans ces habitats inclusifs, on incite les gens à aller vers l’extérieur, à cultiver leur différence. La maison n’est plus perçue comme un lieu de protection mais comme un lieu de ressourcement.
Sur quoi repose cette approche différente ?
On ne va pas uniquement prendre soin de la personne en situation de handicap, mais partager sa vie avec elle. Cela passe avant tout par une réciprocité. Elle a quelque chose à donner et il faut la mettre dans les bonnes conditions pour le faire. C’est innovant parce que nombre de grandes entreprises en France dans ce domaine restent dans le registre de l’assistance. Chez Simon de Cyrène, la différence n’est pas uniquement un manque à combler mais une singularité à partir de laquelle les personnes peuvent développer quelque chose d’unique et original.
Vous insistez sur la notion d’indépendance. Pourquoi ?
On a horreur de la dépendance dans notre société. En réalité, on confond autonomie et indépendance. À Simon de Cyrène, le contraire de la dépendance n’est pas l’indépendance mais l’interdépendance. L’idée de faire cohabiter, c’est de considérer que dans l’habitation, chacun a quelque chose à donner. La dépendance c’est quand l’un donne et l’autre reçoit. L’humain se réalise avant tout dans la réciprocité. Il n’y a pas de relation sans partage de fragilité. Certaines fragilités sont plus visibles que d’autres mais on est tous fragiles. Donc le besoin de réciprocité est la clef pour penser l’autonomie. C’est là que l’interdépendance se crée
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