Avant d’explorer les bâtiments désaffectés de Tchernobyl, d’escalader le viaduc de Garabit, de grimper sur les toits de l’Opéra Garnier ou d’infiltrer un tunnelier à Barcelone, les Toulousains du compte Instagram @pattern_tls se sont fait la main sur des sites de la Ville rose. L’ingénieur et l’étudiant en architecture nous livrent quelques secrets sur les souterrains toulousains.
Quand vous êtes-vous lancés dans l’exploration ? On a commencé jeunes, à l’âge de 13 ans. Au début, on allait seulement sur les toits pour passer un bon moment entre amis. Comme une bande de potes réunis pour jouer à la console. Sauf que nous, on se posait sur un toit.
Vous êtes des urbexeurs ? On préfère dire explorateurs. C’est bien de faire la distinction. Très populaire à Toulouse, l’urbex est une pratique qui consiste à découvrir des lieux abandonnés. Ce que l’on fait s’apparente davantage à de l’exploration, car on visite des lieux en activité. On cherche des points de vue pour prendre de belles photos sans pour autant chercher à se mettre en danger. À Toulouse, les explorateurs se comptent sur les doigts d’une main.
Qu’avez-vous vu sous les pavés toulousains ? À Toulouse, il y a pas mal de souterrains. Rien de comparable avec les catacombes de Paris, mais on a ici nos petits réseaux à nous. Les plus vastes ce sont les drains, le réseau d’eaux pluviales. À ne pas confondre avec les égouts. On les a découverts il y a deux ans. Quasiment toutes les grandes villes en France ont construit des réseaux d’eaux pluviales dans les années 1850, mais la particularité de celui de Toulouse, c’est que ses tunnels sont parmi les plus larges de France.
Existe-t-il d’autres types de réseaux souterrains ? Les galeries de caves entre certains immeubles. Ces passages souterrains servaient aux bateliers pour qu’ils déchargent le vin et les marchandises depuis la Garonne et accèdent directement aux caves des immeubles ou des hôtels particuliers. Quand on s’éloigne du centre-ville, on trouve les réseaux de certains hôpitaux qui communiquent et sont plus modernes. Et puis il y a les souterrains militaires mais c’est une autre histoire. Le dernier que j’ai en tête c’est le métro avec ses réseaux de services techniques.
Quelles sensations allez-vous chercher dans ces souterrains ? On profite de grands espaces sous la ville sans aucun bruit avec des kilomètres de tunnels que pour nous, c’est génial ! Parfois on prend le temps, on se pose, on se tait, on éteint les frontales, un peu comme des spéléologues.
Comment se déroule l’exploration de nouveaux tunnels ? Les premières fois, on les cartographie. C’est beaucoup de curiosité parce que tu ne sais pas sur quoi tu vas tomber au détour d’un tunnel. Tu peux tomber sur un embranchement super sympa et tu es ravi de prendre ta photo. Quand pour passer d’un tunnel à l’autre tu dois ramper par une petite chatière, ça complexifie un peu l’exploration et ça donne l’impression de mériter ce que l’on découvre.
Comment vous préparez-vous ? Avant de pouvoir pénétrer dans le réseau, on va aux archives pour récupérer des infos. L’entrée reste toujours assez floue donc on peut passer plus d’un an à tester des entrées au hasard. On tombe souvent sur des impasses et des trucs qui n’ont aucun rapport avec le réseau.
Quels sont les dangers ? Le premier danger, c’est l’eau. Même s’il n’a pas plu depuis trois jours, les tunnels peuvent se remplir subitement. L’eau peut monter jusqu’au plafond et on peut se noyer. On peut aussi se perdre ou rencontrer des poches de gaz. C’est assez rare, et ça s’anticipe. Et puis dans le métro le danger… c’est le métro !
Ce n’est pas très légal tout ça, si ? Il y a de grands flous juridiques. Par exemple, rien n’interdit le fait de pénétrer dans les réseaux d’eaux pluviales de la ville…
Vous avez déjà été surpris ? Oui, une fois dans des sorties de tunnels à Toulouse. Généralement, la police comprend la démarche. Quand ils voient qu’on ne campe pas dans les souterrains et qu’on prend juste des photos, ils nous laissent partir. Et puis on sort tellement dégueulasses qu’ils n’ont pas envie qu’on salisse leur banquette arrière !
Vous y amenez du monde ? Non. D’une part pour préserver le lieu, d’autre part pour ne pas prendre de risques.
Il se passe des choses dans ces souterrains ? À certaines heures, dans les drains, il y a des douches de particuliers qui se déversent dans le réseau à cause de raccordements illégaux. Quand c’est l’heure de la douche on voit des fontaines de mousse qui coulent dans le tunnel. C’est franchement drôle quand tu te balades dans le tunnel et que d’un coup ça sent le shampooing à la fraise !
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