De l’Osage dans l’air
Sorti en octobre, le dernier Scorsese (Killers of the Flower Moon, avec DiCaprio et De Niro), s’inspire du destin funeste de la tribu amérindienne osage. Ces sioux furent d’abord expulsés de leurs terres au XIXe siècle pour être installés de force en Oklahoma, avant de subir ségrégation, menaces et meurtres quand on découvrit du pétrole dans les sous-sols de leur nouvelle patrie. Si l’on se soucie par chez nous de ces sioux-là, c’est que les Français commercèrent avec eux au temps de la Louisiane française. Ils tissèrent des liens si forts qu’une délégation osage vint visiter Charles X et ses sujets en 1827. D’abord adulés avant d’être abusés, ils se retrouvèrent sans le sou, incapables de rentrer chez eux. C’est finalement l’évêque de Montauban qui les prit en charge en 1829, et réunit auprès des Montalbanais, des Toulousains et des bonnes âmes de la région, la somme nécessaire à l’achat du billet retour (voir Boudu n°2). Cette histoire, exhumée dans les années 1980 par Jean-Claude Drouilhet, un professeur de collège de Montauban, a jeté des ponts entre osages et occitans, et inspiré au réalisateur toulousain Francis Fourcou (Le juste et la raison, Les Portes de Stralsund, Serge Pey et la boîte aux lettres du cimetière) un long métrage sur cette improbable amitié. Une histoire de langues qui meurent, de différences qui rapprochent et de cœurs qui battent.
Un pont au-dessus de l’Océan, de Francis Fourcou, depuis le 25 octobre au cinéma
Et avec votre esprit
À télécharger sur Steam (le Netflix du jeu vidéo), ce nouveau jeu du studio toulousain Holy Moka games, déclinaison digitale et vintage des jeux de cour de récré Poule, Renard, Vipère, et Pierre, Papier, Ciseaux. La bande son rap est déroutante, l’univers fouillé et le plaisir au rendez-vous. On y chasse les esprits et on y est à la fois prédateur et proie. Comme dans la vie.
Catching Spirits, Mac, PC, Linux
Geste
Pour la 14e fois, le NeufNeuf festival de la compagnie Samuel Mathieu déploie en novembre à Toulouse, et dans six autres villes du département, un petit mois de programmation en forme de manifeste dansé. Difficile de faire un choix, mais on piochera pour notre part la création 2023 de la danseuse et chorégraphe Cécile Grassin. Depuis 2017, elle discipline avec sa compagnie Appach, les gestes spontanés et inattendus qui échappent à l’attention et au contrôle. Cela donne des chorégraphies accessibles et censées, directes et esthétiques.
NeufNeuf festival, du 8 au 25 novembre à Toulouse, Balma, Tournefeuille, Bruguières, Martres-Tolosane, Rieux-Volvestre et Carbonne. Tu te souviendras que j’étais ici nulle part, de Cécile Grassin, le 10 novembre au Ring (Toulouse)
Tipijâze
À écouter : le premier album jazz et doux de Soary. Un quartet formé par le guitariste du groupe toulousain Mystère Trio Cyril Salvagnac, autour de la voix d’Antonela Lucia qui, comme tous les Argentins, dit-on, est « une italienne qui parle espagnol ». L’album multiplie donc logiquement les allers-retours entre Méditerranée et Amérique latine, et donne à entendre la tipijâze, percu méconnue créée par un luthier français, que les fans de Mystère Trio reconnaîtront sans peine.
Un giorno nuovo, par Soary – sortie de l’album le 4 novembre
Francis 15 code Toulouse
À force d’insister sur l’enracinement lot-et-garonnais de Cabrel, on a fini par oublier qu’il est né artistiquement dans la Ville rose en 77, d’un radio-crochet organisé par Sud Radio. Son dernier titre, Un morceau de Sicre, est une bonne piqûre de rappel, hommage appuyé à la ville et à son plus fameux troubadour Claude Sicre. Joli texte tout en octosyllabes, name-dropping et allitérations (Ville où les Motivés vivent, ville où les Claude se suivent / Ville fleuve, ville flamme, ville où Flo et Oli slamment), et clip sympa d’une Toulouse rêvée (ou engloutie) dans laquelle les McDo ne ferment pas leurs portes sous la pression des dealers, et où Novès lit le Midol assis peinard sur les escaliers de TSE.
Francis Cabrel – Un morceau de Sicre (Clip officiel)
Capture d’écran du clip Un morceau de Sicre © DR
Nouvelles veuves
Dessinateur de presse féroce, le Gersois Samson est connu pour avoir fondé (en 1995) et animé (jusqu’en 2006) le légendaire Satiricon, déclinaison toulousaine du Canard Enchaîné. Il sort ce mois-ci un album chez l’éditeur suisse Chez Yvette. Avec un thème pas vraiment vendeur (la mort) choisi par défi lors d’une conversation avec le dessinateur Jean-François Caritte. « 120 dessins souvent faits d’un premier jet au crayon sur du papier machine bas de gamme dont l’imperfection et la grisaille deviennent matière ou lumière grâce à photoshop. Le tout est vu en plongée pour que le lecteur ait l’impression de ne plus avoir tout à fait les pieds sur terre. Cela devrait faire un bel album d’humour noir d’un ton assez inédit, garanti sans résidus de morbidité. » N.G.
Au bonheur des veuves Tome 1, Chez Yvette, sortie le 3 novembre
Pourquoi le Brésil
Encourager les Toulousains à visiter le musée de Lodève (5 heures et 500 km aller/retour) en ces temps de fixette carbone et de litre d’essence à deux euros, relève de la gageure. Permettez-nous toutefois d’insister, puisqu’il s’agit d’admirer sur place des œuvres qu’on ne voit d’ordinaire qu’au Brésil (bilan carbone imbattable, cette fois!). Une expo jamais vue en France (et rare de ce côté-ci de l’Atlantique), rassemblant 50 artistes brésiliens dont la moitié sont des femmes. Un parti-pris du musée de Lodève qui, après avoir honoré des peintres académiques, met un peu de couleur et de liberté formelle dans sa programmation. Dans ce Brésil, identités, on découvre un style protéiforme qu’on qualifierait bien de naïf ou de populaire si ces adjectifs ne menaient pas sur une fausse piste. Parlons plutôt de couleur, de vibrance, de spontanéité et de personnalité. Mieux, ne parlons pas, et contentons-nous de voir.
Brésil identités, jusqu’au 21 avril 2024 au musée de Lodève
© J. Ardies_Y.Refalo_L.Reis
Agence tous risques
La compagnie de cirque tourangelle 100 Issues s’empare pour quelques soirs de novembre du chapiteau du Parc des Sports du Bazacle, entre Garonne et terrain de rugby du TEC, pour y donner son spectacle Bluff!. Au plateau, comme on dit pour faire chic, des circassiens, des musiciens, des techniciens, et des comédiens évoluent en équilibre sur une structure mi-culbuto mi tape-cul de jardin d’enfants. La compagnie promet ce faisant un défi « à la gravité, au bon sens, et à l’obsession étouffante du tout-sécuritaire ». Pile dans l’actu.
Bluff!, par 100 Issues, du 1er au 5 et du 8 au 12 novembre au Parc des sports du Bazacle
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