La Grande Traversée : En roue libre
- Quentin Toneatti
- 5 sept.
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Cinq jours, plus de 200 kilomètres, dix disciplines à (re)découvrir. Entre le 27 juin et 1er juillet dernier, une centaine de sportifs surmotivés s’est attaquée à la Grande Traversée, première du nom. Une manière originale de découvrir la Haute-Garonne qui nous a donné envie de mouiller le maillot.

Il valait mieux ne pas arriver en retard à Ayguesvives ce samedi 28 juin. Sous un magnifique ciel bleu, il fait déjà 23° lorsque le top départ est donné aux alentours de 8h30. Ce coup d’envoi, c’est celui de la première édition de La Grande Traversée de la Haute-Garonne organisée par le Comité départemental du tourisme 31. Son concept ? Cinq jours d’aventure humaine et sportive réunissant 116 participants répartis en 33 équipes pour réaliser un parcours chronométré de 260 kilomètres à travers le département. Le tracé débute à Revel dans l’est toulousain et s’achève à Boutx à la station du Mourtis, dans les Pyrénées. Pour rallier ces deux points, dix disciplines au programme : VTT, qui sert de moyen de déplacement principal, canoë, paddle, biathlon laser, trail, spéléologie, escalade, tir à l’arc, quiz et course d’orientation. Si la Traversée se fait sur cinq jours, certains comme Loïc Gojard, le président de Haute-Garonne tourisme, ont opté pour l’option journée. Lui, Anaïs Saint-Aubin, conseillère départementale, et moi-même formons un trio de choc pour avaler les 68 kilomètres qui nous séparent du village de Rieux-Volvestre.
Seuls deux participants étant en selle en même temps, je démarre au volant de la voiture
jusqu’au premier ravitaillement situé au 23e kilomètre à Lagardelle-sur-Lèze où je chevauche mon vélo pour la première fois depuis 2022. Trois ans, oui. Une gorgée d’eau et c’est parti pour sillonner les routes de campagnes et admirer vignes, champs de blé et plaines vertes qui font la richesse du paysage haut-garonnais. Malgré quelques montées ardues, Loïc Gojard semble planer sur l'asphalte. Ma surprise s’efface lorsqu’il m’explique avoir réalisé un parcours de plusieurs jours entre Argelès-sur-Mer et Hendaye. De toute évidence, nous ne jouons pas dans la même catégorie. Après une heure et demie non-stop, les contours du lac de Longages se dessinent enfin. Place désormais au paddle.
Une épreuve qui se fait par paire sur deux planches distinctes, avec comme objectif de se rendre à différents checkpoints du lac en un temps compté. Une grande première pour moi. Sans me déranger, l’idée de tomber à l’eau ne m'enchante guère. Mais c’est Loïc Gojard qui glisse le premier dans le lac ! Il est bientôt imité par d’autres participants comme Mathilde qui reconnaît que vu la chaleur, « ça ne fait pas de mal ».
De retour sur terre, l’appétit se fait sentir. Après avoir englouti quelques des barres énergétiques, me voilà reparti à vélo. Avec la fausse bonne idée de me défaire de mon maillot de foot. Cette fois-çi, c’est avec Anaïs que je suis en binôme. Une dernière ligne droite qui a tout l’air d’un mur tant le dénivelé est positif. « Elle est coriace celle-là, surtout pour une fin de journée », confirme Baptiste en plein effort. Un sentiment que mes cuisses commencent à partager au fil des minutes. Ma coéquipière Anaïs, qui grimpe aisément avec son VTT à assistance électrique (exceptionnellement autorisé pour la deuxième étape), me distance. Sportif dans l’âme, je ne veux rien lâcher. Donc je m'accroche. Étrangement, les 40 degrés qui s'abattent sur ma peau ne m’affectent pas. Ce sont mes cuisses qui me supplient de stopper la torture. Je décide de faire une pause dans un col. Cruelle erreur. En descendant du vélo, je m’effondre sur le bitume brûlant. Des crampes dont je ne soupçonnais pas l’existence envahissent mes jambes. Je ne parviens pas à me relever.
Après avoir réussi, tant bien que mal, à sauter la glissière de sécurité, j’échoue dans les orties. Mon vélo laissé pour mort interpelle une voiture qui descend la route. Le conducteur me propose de l’eau, que j’accepte volontiers. Les minutes passent quand je vois débarquer le vélo-balais conduit par une jeune femme qui m’invite à contacter le camion qui permet de rapatrier les sportifs au point final. Abandonner ? Hors de question. Je continue le vélo à la main durant une dizaine de minutes. Il reste seulement cinq kilomètres quand je devine le chemin en terre qui ponctue le tracé. Mes jambes tremblent. C’en est trop pour elles. Je me résigne à appeler le fameux camion. Je suis abattu. Pour la première fois en vingt ans d’existence, j’abandonne une épreuve sportive. En redescendant en température, je finis par me faire une raison : ce n’est pas ma discipline, et je n’ai pas fait une préparation nécessaire à ce type d’effort.
Retour au Moyen-Âge
Arrivé à Rieux-Volvestre, place à la troisième épreuve du jour : le tir à l’arc. Mais pas n’importe lequel : la commune compte la plus ancienne société de tir traditionnel d’Europe, vieille de 1585. Tous les ans au mois de mai, les habitants se transforment en archers pour tenterde faire tomber un oiseau fixé sur un mât de 45 mètres de haut, appelé le Papogay. Une tradition que l’organisation a demandé de mettre à l’honneur pour sa Grande Traversée. Pour des raisons de sécurité, le tir au Papogay laisse place à une cible située à une vingtaine de mètres des tireurs. Moins impressionnant certes, « mais déjà pas mal pour une première », commente Michel, venu accompagné de son fils. Manque de pot, ou de talent, leurs huits flèches terminent dans l'herbe. Zéro point récolté, contrairement à Anaïs qui frôle le centre. Une initiation ludique qui fait la fierté du président de l’association Jérôme Fréchoux, ravi de faire découvrir « nos traditions locales au plus grand nombre ».
Des coutumes que certains n’ont pas hésité à traverser la France pour découvrir. C’est le cas de Mathis, Lucas, Léna et cinq de leurs amis qui ont fait le trajet depuis Besançon, soit plus de 1500 kilomètres aller-retour. Des jeunes sportifs de 23 ans désireux de « découvrir la région en kiffant tous ensemble ». Les Bisontins ont été séduits par le tarif proposé par l’organisation : 279 euros pour les cinq jours. À ce prix-là, le Département propose un bivouac organisé chaque soir, les petits-déjeuners, les dîners et les activités. « Pour nous c’est le grand luxe », s’extasie Mathis.
Après le tir à l’arc, la journée se termine avec la remise des prix à Rieux-Volvestre où Annabelle, vainqueure du jour avec ses deux amies, met en exergue une « ambiance super conviviale », puis par un plouf dans la piscine du camping. Avant que tous se retrouvent à dîner devant l’écran géant installé pour la finale du Top 14 entre le Stade Toulousain et l’Union Bordeaux-Bègles. Sans excès parce que 58 nouveaux kilomètres les attendant le lendemain direction Martres-Tolosane