Une petite équipe de Toulousains tend, avec son appli, une main salvatrice virtuelle aux étudiants en proie aux dilemmes des choix post-bac. Facile à appréhender, elle reprend les codes des plateformes qu’ils adorent comme Netflix, Tinder ou Instagram. Un joli projet ayant vu le jour grâce… à un site de rencontres pour entrepreneurs.
Wilbi, c’est l’application qui répond aussi bien aux problèmes d’orientation qu’aux problèmes de recrutement » résume Charlotte Tandou, initiatrice du projet Wilbi. Cette application conçue par une petite équipe toulousaine est en train de se faire une place dans le processus d’orientation des jeunes français. Son principe : donner la parole aux professionnels pour qu’ils présentent leur métier aux étudiants via des vidéos courtes au format story.
Dans le giron de sa mère, assistante maternelle, Charlotte a vu grandir beaucoup d’enfants… et constaté qu’en matière d’éducation, une question devait être évitée à tout prix sous peine de panique et d’angoisse : « Tu veux faire quoi, plus tard ? ». Problématique universelle révélée en 2018 par une étude du Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco), qui estime que quatre jeunes sur dix ne savent pas quoi faire après le bac, et qu’un élève sur deux pense être mal encadré dans sa réflexion professionnelle.
Un jour, alors qu’elle écoute un de ses amis lui parler avec passion de son métier dans l’animation 3D, Charlotte Tandou a un déclic : « Ce sont des gens comme lui qui devraient présenter leur métier aux enfants. Ils sont passionnants et investis, ça créerait des vocations ! » La jeune femme pense à son filleul, en pleine recherche sur son orientation, et réfléchit à une solution pour mettre en relation les professionnels et les enfants curieux. Cette réflexion deviendra Wilbi, une application aux airs de réseau social de l’orientation, disponible sur toutes les plateformes.
Aujourd’hui, Wilbi a dépassé les 100 000 utilisateurs en deux ans et fait découvrir plus de 200 fiches métiers enrichies en vidéo. La stratégie est simple : s’accaparer les codes du digital pour capter l’attention des jeunes. L’interface est une chimère, un hybride mêlant page d’accueil à la Netflix, stories d’Instagram et swips comme sur Tinder. Chaque fois qu’un métier l’intéresse, l’étudiant peut s’y abonner et recevoir des vidéos réalisées par un pro qui détaille son quotidien, avec ses bons et ses mauvais côtés. « Une sorte de stage de découverte digitalisé » résume la jeune cheffe d’entreprise. À ses côtés, son associé Corentin Bouffard, un ancien de la Toulouse School of Management. Ils se sont rencontrés en ligne, sur un « site de rencontres pour entrepreneurs ». Une plateforme où des porteurs de projets se mettent en relation avec des associés potentiels. Elle avait 23 ans, était encore en école de commerce. Il en avait 26 ans et conseillait des entrepreneurs dans la création de leur entreprise. « Il voulait créer la sienne. J’ai commencé mes recherches de partenaire en 2018, Wilbi était alors mon projet de fin d’études de l’ISEG, et en 2019 nous travaillions ensemble. Il y a eu maints rendez-vous après le travail et les cours pour voir si ça matchait entre nous ».
Confiance
Les deux se sont donnés six mois pour voir s’ils arrivaient à s’entendre en termes de personnalité et de visions. « Nous avons même été jusqu’à faire des questionnaires de compatibilités ! Le projet me tenait trop à cœur, hors de question d’y aller en free-style. Et puis, un jour, je lui ai demandé ce qui me garantissait qu’il n’allait pas me laisser tomber et se barrer avec l’idée. Il m’a rétorqué que c’était pareil de son côté : qu’est-ce qui lui garantissait que je ne partirai pas avec ses conseils et son business plan ? Alors on a décidé de se faire mutuellement confiance. » Un vrai coup de foudre… professionnel.
Charlotte avait déjà présenté son concept à divers concours dans le cadre de son cursus d’école de commerce. Elle avait même décroché le troisième prix d’un concours national organisé par l’ISEG. L’idée avait alors séduit des DRH d’EDF, de Thales, de La Poste… « Ça motive quand des gens de ce niveau te disent que, du haut de tes 22 ans, tu as eu une idée qui répond totalement à leur problématique de recrutement ! » Les ressources humaines des grands groupes ont flairé le filon. « Un RH m’avait dit que l’idée l’intéressait en tant que recruteur… et en tant que parent! »
Non content de fournir de l’information aux étudiants, l’appli met en avant des métiers que les recruteurs peinent à rendre attrayants. C’est là-dessus que se base le nouveau modèle économique de Wilbi. L’utilisation est gratuite, mais les recruteurs peuvent payer pour créer des fiches de postes avec des liens utiles comme des offres d’emplois, d’alternance, des exemples de cursus de formation ou de réorientation.
Croissance
Sans surprise, les moteurs de recherche sont plus souvent sollicités sur des métiers connus et romancés, (avocat, architecte, chirurgien), « Mais l’appli permet de découvrir plus facilement des métiers moins médiatisés comme technicien sécurité environnement ou géomètre. Cela met aussi l’accent sur des métiers qui manquent de femmes ou d’hommes pour déconstruire petit à petit les barrières. Notamment celles des diplômes car beaucoup d’entreprises forment en interne. » Forcément, cela nécessite un travail de contrôle des fiches métiers pour qu’elles ne soient pas partiales et n’omettent pas horaires décalés, astreintes ou postures éreintantes.
L’équipe Wilbi compte dorénavant cinq membres et un développeur freelance. La startup, soutenue par les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur dénombrait 40 000 inscrits en 2021, puis 65 000 début 2022. « Sachant qu’un dixième du trafic vient du lien vers l’appli qui est sur le site web de Parcoursup ! »
Aujourd’hui, alors qu’elle se prépare à entrer dans sa troisième année, synonyme de fin de subventions, la jeune entreprise espère se fonder sur un modèle économique solide et un nombre croissant de clients. En attendant, les professionnels qui veulent partager leur quotidien peuvent proposer leur témoignage. L’équipe de Wilbi recherche des témoignages de rédacteurs web, d’assistants maternels ou médicaux… Entre autres !