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De tous les combats – Thomas Loubersanes

Une grande bâtisse blanche dans une rue tranquille de Tournefeuille : le Sport Performance center, salle de coaching personnalisé fondée par Baptiste Hamid, l’ancien préparateur physique du Toulouse Football Club. À l’intérieur, un maillot de l’ancien milieu de terrain des Violets, John Bostock, trône parmi les rangées de poids et d’haltères. C’est ici que Thomas Loubersanes, 1,76m et 91 kg de muscles, nous a donné rendez-vous. Là même où il est venu chercher, au printemps dernier, un cadre, une méthode d’entraînement, et un nouveau départ. Car devenir numéro 1 de jiu-jitsu brésilien, ce dérivé du judo et du jujitsu traditionnel, n’était pas son objectif initial. Pour ce qui devait être sa dernière année de carrière, l’athlète plusieurs fois champion d’Europe et du monde, voulait remporter la seule compétition qui lui a toujours échappé : l’ADCC. Ce prestigieux championnat, organisé tous les deux ans par l’Abu Dhabi Combat Club, qui fait office de Jeux olympiques pour les pratiquants de jiu-jitsu brésilien, sambo et autres sports de combat. Mais à une semaine du début de la compétition, le Toulousain se blesse. « La rotule qui se déboîte. Je dois renoncer à l’ADCC. J’ai du mal à admettre que tout se termine comme ça alors je cherche ce qui peut être encore mieux que de remporter cette compétition. C’est comme ça que me vient l’idée de devenir n°1 mondial toutes catégories confondues. J’étais alors 48e au classement. J’avais fait l’impasse sur quasiment cinq mois de saison pour me consacrer à l’ADCC. » Thomas Loubersanes fait ses calculs, note les dates des tournois qui restent à disputer, vérifie le nombre de points qu’il peut grappiller. Il ne peut relever le défi qu’en les disputant et en les gagnant tous. « Vingt-trois tournois en six mois : c’était faisable. C’était fou ». Baptiste Hamid est alors chargé de lui concocter un programme de préparation physique. « Je savais, confie le coach, que s’il respectait la quantification fixée, s’il était sérieux, il n’y aurait pas de problème. Thomas est un besogneux. Génétiquement, il n’est pas destiné à aller vite, être fort ou sauter haut. Il a acquis sa puissance par le travail et c’est parce qu’il travaille, encore et encore, qu’il a réussi ». Vingt-trois tournois, 36 combats et 34 victoires plus tard, il est impossible d’en douter.

Les sigles de la galère « Oui, c’est un bourreau de travail, un charbonneur comme on dit, mais il paye un passé. On ne passe pas la moitié d’une vie à se battre sans raison », éclaire Marie-Claude Yomet. Ancienne directrice de l’association La maison des chômeurs, elle connaît Thomas depuis 20 ans. À l’époque, le jeune homme vit en foyer. Enfant non désiré, victime de maltraitance, il a été placé dès l’âge de 12 ans et balloté. Toulouse, Pau, Montauban.  « Foyer de jeunes délinquants sans être délinquant, foyer de jeunes travailleurs sans être travailleur, foyer de SDF sans être SDF : les assistantes sociales te casaient là où elles pouvaient, le temps qu’elles pouvaient », se souvient Thomas. L’école ? Pas vraiment son truc. « J’ai arrêté au BEPC. Je n’étais bon que dans les matières où j’aimais le prof. Quand je n’accrochais pas, je n’attendais qu’une chose, que la récré sonne pour aller taper la balle sur le terrain de basket. » Les sigles de la galère se succèdent… CAE pour contrat d’accompagnement dans l’emploi. RSA pour revenu de solidarité active. GAF pour Groupe amitié fraternité, une structure d’accueil autogérée fondée par et pour les sans domicile fixe toulousains dans les années 1990… Ne comptez pas sur lui pour s’en plaindre pourtant. Tout juste admettra-t-il, sourire aux lèvres et sans rancune, que son parcours est « atypique » et qu’il en a tiré sa force. Un mélange de détermination, de débrouillardise et d’autonomie. Peut-être parce qu’« il a appris jeune à penser et agir par lui-même », résume Marie-Claude Yomet, devenue au fil des ans une marraine et confidente. Et d’ajouter, sans cacher son admiration : « Il m’épate. Son intelligence, sa perspicacité, sa volonté, sa capacité à fédérer… Des jeunes, j’en ai beaucoup aidé mais des comme lui, on en rencontre peu ». « Je suis entré dans la vie d’adulte grâce aux sports de combat. C’est ce qui m’a sauvé. Pourtant, lors de mes premiers combats, j’étais terrifié et n’y prenais aucun plaisir », confie-t-il avant d’évoquer ceux qui l’ont inspiré. En France : Anthony Réa, un des plus grands pratiquants de combat libre du pays. Au Brésil : Roberto Leitão, maître incontesté de luta livre. En économisant sur ses petits revenus, il part se former huit fois auprès de lui, à Rio. « Et quand un mec de 71 ou 72 ans te met une branlée, ça fait réfléchir et progresser rapidement ! » s’amuse-t-il.

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En 2010, il décroche son premier titre de champion d’Europe de grappling, autre forme de lutte aux règles fortement inspirées du jiu-jitsu brésilien. Il deviendra champion du monde l’année suivante. Désormais sollicité pour transmettre son savoir, il enchaîne les déplacements, de Bordeaux à Tours, en passant par Béziers, Marseille ou Charleville-Mézières. Il travaille aussi à la constitution de son équipe, les Hill Kinz, avec des clubs affiliés aux quatre coins du monde. En janvier dernier, Marie-Claude Yomet estimait que gagner l’ADCC traînait toujours dans un coin de sa tête. « C’est un garçon qui marche aux rêves et à la passion et prend la vie comme une leçon. Soit il gagne, soit il apprend. » A l’entrainement à Gdańsk, en Pologne, lors de la première allocution du président Macron concernant l’épidémie de coronavirus, il n’a pas tardé à confirmer le pressentiment de sa marraine : « Si les frontières rouvrent et que le championnat reprend, je chercherai à défendre mon titre de numéro 1 mondial, puis j’irai chercher la qualification ADCC le 3 octobre prochain en Moldavie ». Challenger un jour, challenger toujours !

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