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BOUDU

Béhourd : Les férailleurs

Ils sont technicien EDF, gardien de prison ou doctorant en mathématiques et ils mènent une double vie. Après le boulot, le mardi et le jeudi, ils se retrouvent dans leur QG, l’entrepôt Fer et Tendances de la Salvetat-Saint-Gilles. Ils quittent leur costume de tous les jours et enfilent une armure médiévale de 30 kilos. Des gens en armure dans un atelier de métallurgie, c’est plutôt raccord. Pendant 1h30, ils courent, sautent et frappent, arme à la

main. Le béhourd n’est pas le simple passe-temps de fans du Moyen Âge, des reconstitutions et des combats spectacles. C’est du sérieux. Un sport, un vrai : les visages écarlates et les litres de sueur en attestent. « Là, on peut y aller franco ! », lâche Jérôme. Ce grand timide aux cheveux longs a un attrait particulier pour le métal. Il travaille comme serrurier-métallurgiste dans l’atelier Fer et Tendances, aime bien la musique de gros barbus qui hurlent en secouant la tête et, bien sûr, porte l’armure fièrement. Une armure française du XIVe siècle, dont il a lui-même fabriqué plusieurs morceaux. Le bruit de vieille casserole à chacun de ses pas et les jambières qui glissent sont sans nul doute la preuve de la qualité française. John, le capitaine des Bécuts de Gascogne, l’équipe toulousaine, porte lui aussi une armure XIVe, c’est très à la mode. La sienne est plutôt du genre « Deutsche Qualität ». Et la qualité se paye : entre 1 000 et 1 500 euros l’attirail complet. L’apparence du combattant est primordiale. Avant d’aller tâter de la hache ou de l’épée, l’armure est étudiée sous toutes les coutures. « Pour la Battle of the Nations, l’un des deux championnats du monde, les quatre combattants des Bécuts ont dû envoyer une photo d’eux en armure, pour valider son historicité. » Historicité apparente seulement, puisque

sous la ferraille, les protections de motard assurent généralement l’intégrité physique des combattants.

L’autre Top 14 « On se sent un peu invincible », sourit Marie-Annick Le Chevalier – un nom de circonstance. La jolie blonde aux yeux bleus porte une armure russo-mongole, style XIVe siècle. Ancienne préparatrice en pharmacie, elle a créé son entreprise de montage vidéo. La jeune femme arrive à combiner ses deux vies. Dans un coin de l’atelier, sa fille somnole dans une poussette. Après chaque coup, la guerrière vient lui faire un bisou et replacer le doudou, avec ses gros gants en métal. Mais une fois devant l’adversaire, ce n’est plus la même personne, la douce maman se transforme en machine de guerre. « Le béhourd, ça reste fair-play, commente-t-elle. On n’est pas là pour se détruire. On a juste des bleus un peu partout. » Le but du combat consistant à faire tomber ses adversaires, les Bécuts ne retiennent pas leurs coups. « Au début, c’est très impressionnant. On a du

mal à respirer dans le casque, mais ça s’apprend, souligne le capitaine de l’équipe. La peur c’est dans la tête ». Les coups d’épée aussi. Et puis en compétition, l’adrénaline prend le dessus. Il faut avoir le crâne solide et des nerfs d’acier pour se tenir droit face à une armée de colosses qui ne feront pas de quartier. Les combats se déroulent en général en 5 contre 5, ou 21 contre 21 s’il y a assez de participants. Autant dire qu’il faut déjà réussir à reconnaître ses coéquipiers à travers la fente du casque. Mais les combattants toulousains s’en sortent bien : plusieurs d’entre eux ont participé aux deux championnats du monde en mai dernier et ont ramené quelques médailles. Les Bécuts de Gascogne participent à la plupart des compétitions dans l’hexagone. Ils sont classés neuvième au Top 14 des tournois français. Et ne peuvent pas être relégables. Pour cela, il faudrait une quinzième équipe

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