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BOUDU

Best of : Affaire Baupin, mais qu’ont-ils dans le cerveau ?


Que vous inspire l’affaire Baupin ?

Ce n’est pas seulement un fait d’actualité. Cela nous rappelle que notre société est profondément sexiste. Un sexisme érigé en système, des stéréotypes qui habitent chacun d’entre nous. Tout le monde fonctionne selon une double ségrégation. Horizontale d’abord, avec une séparation des sexes en fonction des secteurs d’activités (par exemple, on trouve peu d’hommes dans les métiers de l’enfance ou de la mode). Et verticale ensuite, avec le fameux plafond de verre : en dépit de nombreux progrès, ce sont toujours les hommes qui conservent le pouvoir, dans tous les domaines.

Pourquoi notre société s’est-elle construite ainsi ?

C’est le fruit de 10 000 ans d’histoire, d’une répartition ancestrale des tâches entre les hommes et les femmes. Les religions monothéistes ont d’ailleurs été inventées pour justifier cet ordre établi. Plus près de nous, la Révolution française a renforcé l’exclusion des femmes de l’espace public et en particulier de la politique. C’était conçu comme une nécessité pragmatique, pour que les hommes, déchargés des tâches domestiques, puissent se consacrer aux affaires de l’État. Et on le voit bien aujourd’hui, lorsqu’on discute avec des femmes politiques : elles disent que trois métiers, ce n’est pas tenable. Elles ne peuvent pas assumer à la fois leurs fonctions professionnelles, leurs fonctions politiques, et les tâches domestiques, dont les hommes sont de facto libérés.

Les femmes sont un apanage du pouvoir. Quand il y a une guerre, les vainqueurs s’octroient la jouissance des femmes.

Est-ce parce que le monde politique est masculin qu’il est sexiste ?

Avec 27% de femmes à l’Assemblée Nationale, il y a un fort entre-soi masculin qui empêche de prendre conscience des évolutions de la société. Mais un autre facteur est à considérer : le fait que les femmes sont un apanage du pouvoir. Quand il y a une guerre, les vainqueurs s’octroient la jouissance des femmes. Là encore, c’est presque anthropologique. Quand je lis Sexus Politicus*, je suis toujours étonnée de la facilité avec laquelle les hommes politiques déclarent leurs conquêtes. Mieux, ils les revendiquent. Il doit y avoir du vrai et du faux, je suis certaine que, dans ce bouquin, beaucoup d’entre eux se vantent. Mais ça renvoie à cette image de la femme comme attribut du pouvoir. Nos hommes politiques, par un curieux effet de persistance rétinienne, continuent de fonctionner dans cette logique.

Et ce, manifestement, quels que soient les partis…

Je suis justement en train d’écrire un petit bouquin qui doit sortir pour la présidentielle, et dont je vais devoir reprendre l’introduction. J’y explique que le parti des Verts de Denis Baupin est un de ceux qui ont poussé le plus loin la réflexion sur l’égalité homme-femme. Peu de partis ont en effet porté autant de femmes à leur tête et ont présenté autant de femmes aux élections présidentielles. C’est donc le dernier parti dans lequel on s’imaginait de pareilles manifestations de sexisme. Et si ça se produit là, c’est bien que ça se produit partout. Voilà pourquoi il y a un fort sentiment d’impunité : puisque c’est perçu comme étant la norme, comment voulez-vous qu’ils aient conscience de faire quelque chose qui dérange, et qui déroge ? Par conséquent, le principe de non-contradiction ne fonctionne plus. Et l’on pose avec du rouge à lèvres pour la journée internationale des femmes, tout en harcelant ses consœurs.

Est-ce une spécificité française ? Sommes-nous si machos ?

Disons qu’il y a un machisme très fort de la société française. Même les parlements espagnols ou portugais sont plus féminisés que le nôtre. Il faut quand même se rappeler que les Françaises n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1944, alors que beaucoup de pays du Nord l’avaient instauré depuis un demi-siècle. Et ce n’est pas parce qu’elles étaient électrices et éligibles qu’elles ont été élues. Certes, les femmes ont intégré la plupart des cabinets ministériels, leurs compétences étaient reconnues. Mais on n’arrivait pas à les reconnaître comme représentantes. Et c’est toujours le cas. C’est une manifestation très forte du sexisme de notre société : une femme peut se reconnaître dans un homme politique mais un homme ne peut pas se reconnaître dans une femme politique. C’est la raison pour laquelle, dans les années 1980, on a commencé à parler de quotas, puis de parité, une promesse d’égalité. Mais là-encore, cette parité n’est pas tombée du ciel. Elle fait suite à des années de combats de la part de femmes politiques et de militantes féministes.

Une femme peut se reconnaître dans un homme politique mais un homme ne peut pas se reconnaître dans une femme politique.


Comment expliquez-vous que les langues se délient aujourd’hui ?

Parce que justement les femmes se sont installées durablement dans la vie politique. Et ça, je crois que les hommes ne l’ont pas encore bien compris. Avec les lois sur la parité, on est à 50/50 dans la plupart des assemblées, sauf au Sénat et à l’Assemblée Nationale. Cet effet de masse quantitatif a des conséquences qualitatives : maintenant, les femmes peuvent jouer collectif si elles le souhaitent. Quand l’une des victimes de l’affaire Baupin a commencé à parler, ça a autorisé les autres à prendre la parole.

 Cela vous rend-t-il optimiste pour la suite ?

Oui, parce que je crois à la loi des nombres, qui va forcément faire bouger les choses. Mais si l’entrée massive des femmes en politique est une condition nécessaire, ce n’est pas une condition suffisante. Les affaires c’est l’écume, il faut aller chercher en dessous. Ce qui sera déterminant, c’est la déconstruction des stéréotypes sexistes qui nous habitent tous. Et ça commence par l’éducation, à l’école et dans la famille.

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