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BOUDU

Crossift : Camés à l’effort

Des effluves de sueur stagnent sur le décor industriel de CrossFit Rive droite. Des barres de traction sont posées sur des tapis en caoutchouc aggloméré, façon aire de jeux. De grosses balles en cuir attendent leur heure, abandonnées sur le sol en béton. Une trentaine de personnes s’entraîne ce soir-là. À droite, des gros bras soulèvent des poids ou font des pompes en poirier, râlant sous l’effort. À gauche, sur fond

de hard rock, un groupe mixte entame le Wod (Workout of the day), l’entraînement du jour.

La discipline, née aux États-Unis dans les années 1970, s’énonce en anglais. Ici, pas de pompes, pas de flexions mais des wall ball, des hand stand walk, des pull-up et des push-up. Sur un mur de la box, un compte à rebours égraine ses minutes écarlates. On souffle, on souffre, mais on ne lâche rien. Car le CrossFit est fondé sur la performance. Une compétition avec soi-même autant qu’avec les autres, puisqu’à la fin, chacun inscrit son score sur un grand tableau blanc. Avec un objectif : faire toujours mieux. « On est tous dans la même merde, confirme Loïc, un adhérent de CrossFit Rive droite. Ce qui compte, c’est de se dépasser, d’être le meilleur ou du moins de s’en approcher. »

La performance, c’est ce qui a rendu Anne-Estelle accro. Hélée par ses congénères d’un « Blondie » taquin mêlé de respect, la jeune femme, 1,75 mètre et des épaules d’haltérophile, s’explique : « Au départ, j’étais persuadée que je serais nulle. Pendant deux ou trois mois, je ne suis venue que deux fois par semaine. J’ai perdu sept kilos en six mois. C’est devenu addictif. Aujourd’hui je m’entraîne six fois par semaine. Voir ma performance augmenter me donne envie de faire toujours mieux. » Gérant de Rive droite, Pierre continue : « Quand on vient, on sait qu’on va se mettre carpette. On ne peut pas tricher. Il faut apprendre le mouvement du jour si on veut faire une bonne performance. » C’est sans doute ce qui fait le succès du CrossFit : en mêlant le fitness, l’haltérophilie et l’endurance, la discipline se veut complète. Imaginée par un gymnaste californien, Greg Glassman, cette méthode de préparation physique intensive, fondée sur la répétition de mouvements fonctionnels, se décompose en trois temps : l’échauffement, l’exercice et le Wod. La pratique explose depuis quelques années en France. La faute, selon Pierre, à la recherche de simplicité, au retour aux sources qui prévalent désormais dans la société. « À partir de trois séances par semaine, les gens vont rapidement être dégoûtés de la malbouffe, car le CrossFit purge le corps. Sans une bonne hygiène de vie, de toute façon, il n’y

aura pas de rendement. » Toulouse n’échappe pas à cette mode et abrite même des champions de la discipline.

Pour les rencontrer, il faut changer de décor, direction Galiléo. Dans un hangar de Montaudran, un groupe de puristes a ouvert sa box fin octobre. Émilie Barbé, architecte d’intérieur, a commencé le CrossFit il y a quatre ans, dans la toute première salle ouverte à Toulouse, Kulture Fit. « Au départ, c’était un sport de garage, qu’on pratiquait avec trois poids et les moyens du bord. Un sport de rue, presque borderline. On a voulu garder cet esprit dans notre box. » Pour le côté garage, des fauteuils en palette et un bar-conteneur, dans un style underground soigné. Le reste est parfaitement propre, pensé pour la pratique du sport. Le matériel est rudimentaire : des caisses en bois, des barres de traction, des haltères et quelques rameurs…

Ressources insoupçonnées

Leur statut de pionniers vaut aux fondateurs de Galiléo le respect de leurs concurrents toulousains. Eux lèvent les sourcils à la mention de Rive droite, « nouveau venu » qui surferait sur « l’engouement commercial » du CrossFit. Rien à voir avec « la rigueur » qu’ils imposent dans leur box. À 75 euros l’abonnement mensuel, ils assument être « l’une des box les plus chères de Toulouse » : « Ceux qui viennent ici savent qu’ils trouveront une qualité de coaching qui n’existe pas partout ». Les coachs, justement, sont attentivement sélectionnés, à commencer par Yohann Gigord, cofondateur de Galiléo et champion de France de CrossFit.

Compétiteur dans l’âme, l’athlète se plaît à pousser les adhérents dans leurs retranchements. Tout comme Frédéric, un autre coach de la box. Pour cet ancien responsable commercial dans le prêt-à-porter de luxe, « tout le monde est en capacité de faire du CrossFit. Les premières barrières, on se les impose à soi-même. Et petit à petit, les adhérents se découvrent des ressources insoupçonnées ». Ce jour-là, un

Wod un peu particulier a lieu au fond de la salle. Des binômes, suant et soufflant, exécutent tour à tour, ou en parfaite synchronisation, les mouvements indiqués sur le tableau. Un check collectif et satisfait conclut les 30 minutes d’effort. Cet aspect solidaire a tout de suite plu à Marion. Pompier professionnel, elle a commencé le CrossFit avec Émilie. Elle s’est lancée dans la compétition, par hasard et par curiosité : « Je me suis prise aux jeu des qualifs, et puis je suis devenue accro. » Deux entraînements par jour en période de compétition et une hygiène de vie stricte, pour des résultats à haut niveau mais aussi au quotidien. « Être une femme dans ce monde ne change rien. Les compétitions sont mixtes. Si un homme perd contre moi, c’est que j’étais meilleure et il accepte la défaite. En revanche, dans mon métier, faire du CrossFit a changé le regard des hommes : ils savent que j’assure, que j’ai la force de tout faire. » 

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