Dans son livre Ouvriers, artisans du beau publié chez Les ateliers Henry Dougier dans la collection Le roman d’un chef-d’œuvre, Dominique Auzel, auteur et directeur des Éditions Privat à Toulouse, donne vie aux Raboteurs de parquet de Gustave Caillebotte.
Dominique Auzel, pourquoi cette toile ? C’est un tableau qui n’en dit pas trop. On peut s’y promener, explorer ses détails et chercher le hors champ. Je l’ai découvert adolescent avec mon grand-père. Caillebotte y met en lumière des personnages qui sont rarement au centre de l’attention. C’est l’une des premières œuvres à montrer des ouvriers en milieu urbain. Caillebotte n’a jamais payé de modèles, il a toujours peint les gens tels qu’ils étaient. Son travail a une dimension quasi documentaire. Le cadrage de ce tableau est très cinématographique, et j’aime beaucoup le cinéma.
Comment s’y prend-on pour raconter un tableau ? Je me suis d’abord rendu au Musée d’Orsay pour le voir et pour regarder les gens le contempler. J’ai passé beaucoup de temps à observer chaque détail. Puis j’ai constitué une documentation. Je suis notamment tombé sur une vidéo d’Ariane Ascaride qui parle du tableau avec une sensibilité qui évoque un film de Guédiguian. À partir de là, mon imagination a pris le relais.
Un détail du tableau qui vous a marqué ? Cette bouteille. Les ouvriers pourraient partager la ses tableaux. Il ne se voyait d’ailleurs pas comme un grand peintre. Lorsqu’il a légué sa collection à l’État, la peinture impressionniste était encore dénigrée. Caillebotte mettait surtout en lumière les autres artistes. Il finançait des expositions, des ateliers, et même bouteille, mais il n’y a qu’un achetait des œuvres, parfois verre… c’est intrigant ! Il y a aussi jusqu’à 20 fois leur valeur, pour l’alliance du personnage central soutenir ses amis peintres. et ses bras très longs, presque déformés, comme capturés par un objectif grand angle. Enfin, ces copeaux de bois… En les observant, j’imaginais Caillebotte esquissant la scène, appointant son crayon et laissant les copeaux tomber autour de lui.
Quelle est la part de fiction dans ce livre ? Au début, j’imagine une scène où Caillebotte entre dans la pièce, voit les raboteurs et se dit qu’il a trouvé un des plus beaux sujets de tableau. Puis, j’ai donné une voix à l’un des raboteurs, à travers une lettre qu’il adresse au peintre. Cette lettre s’inspire d’un véritable courrier d’artisan, dont j’ai repris trois phrases… avant de me plonger dans la fiction. Les éléments biographiques, réels sur Caillebotte sont entrelacés avec la fiction. J’ai presque eu l’impression d’écrire un scénario. Je rêve d’adapter le livre au théâtre ou au cinéma, avec une musique originale. En regardant du Caillebotte, j’entends du Satie…
Qu’est-ce qui distingue Caillebotte des autres impressionnistes ? Ses œuvres ont une dimension romantique, avec leurs personnages presque contemplatifs. Peut-être que les tableaux impressionnistes sont plus photographiques, et ceux de Caillebotte un peu plus cinématographique. L’impressionnisme est en partie né grâce à l’invention des tubes de peinture en métal qui permettaient enfin aux artistes de peindre en extérieur. Un peu comme les cinéastes de la Nouvelle Vague dont les petites caméras permettaient enfin de filmer dans la rue. De même, Caillebotte semble appartenir à une nouvelle vague artistique, tout en gardant une inspiration de ses maîtres, comme Millet ou Bonnat. Un peu comme Truffaut l’a fait avec le Renoir cinéaste et Hitchcock.