8h Éveil en liesse populaire, tour de mon lit, partage avec mon polochon. J’envisage la journée avec l’entrain de celui qui doit passer un scanner de la tête par temps de pluie.
Mais j’ai un objectif pour aujourd’hui. Il me semble.
Je suis sûr que j’avais un objectif hier pour aujourd’hui. M’est sorti de la tête, l’objectif !
Je m’active à un petit déjeuner dynamique et reconstituant. Rien dans l’air du temps ! Pas de graine, pas de fruit, pas de kiwi ! Du kiwi ! Et pourquoi pas un ornithorynque ?
8h50 Quelques bons mots au micro, l’exaltant devoir, communiquer sa joie de vivre, durant 6 minutes.
9h Je baille. Toujours j’ai un coup de mou à cette heure, c’est physiologique… Être « à l’écoute de son corps », j’ai lu ça quelque part, dans Le Figaro ou dans un journal. Et là, mon corps à des choses à me dire, entre nous et allongé de préférence. Je cède à ses injonctions, me reviendra peut-être après ce court repos, mon objectif.
12h De la musique avant toute chose ! J’apprends la guitare, un an par corde, j’aurais dû jouer de la basse y a moins de corde, et tout ça pendant que mijote une blanquette de veau. Du citron évidemment, quelques câpres et c’est fini. À la guitare aussi la scie d’Hervé Vilard, plus facile. L’objectif ! Je l’avais là, sur le bout de la langue.
Tiens ! Demain je ferai une langue sauce madère. 95 cas de Covid-19 à Madère, aucun décès, peut-être le secret dans la sauce ?
13h À table. Pas debout, pas au comptoir, pas en voiture, pas au « drap Yves » de McDo. Depuis le début du confinement je ne suis pas allé au McDo, depuis le début de ma vie non plus.
14h30 Toujours à cette heure j’ai un coup de mou, qui coïncide avec mon irrépressible envie d’aller faire un footing. Être à l’écoute de son corps, ou être à l’écoute de sa balance? Vivre c’est choisir. À tout à l’heure pour le goûter.
17h30 On me réveille. C’est la consigne. Il faut me réveiller et ainsi s’assurer que je n’ai pas été emporté par quelque fièvres inconnues et sournoises. J’ai faim. Souvent après ce court repos ai-je faim. Goûtons ! « Gloutons » devrais-je écrire ! La sieste ça creuse, surtout quand elle est faite avec plaisir et le sentiment de l’utilité de sa journée. N’avais-je pas un objectif ?
18h30 Que manger ce soir ? Tomber d’accord avec mes amis, pour les accords mets vins, mais vain mon essai de retrouver mon objectif.
20h Nous sommes à table. Panorama de la journée. Les amitiés, les fâcheux, les réseaux soucieux de nos existences, le courrier qui se sédimente en bout de table.
21h30 On pourrait se faire une vidéo ? L’armagnac d’un copain, le whisky d’un copain, la vodka d’un autre. Tour du monde sur des flots éthérés.
23h30 Je regagne mes appartements. Corps à corps avec la nuit. Toujours à ce moment-là je n’ai jamais sommeil. Lectures, textes, rôles, musiques, déclamations, mots croisés, écritures, Trenet, pensées tournoyantes, éblouissements, poésies, convocations des chers disparus.
4h30 Quelle est ma dernière pensée avant de choir dans les bras de Morphée, pour « quelques bribes de sommeil apeuré » ? Souvent Malcolm Lowry. Ou trouver un objectif pour tout à l’heure ? Me revient alors en tête le précédent. Faire naître chez le lecteur un sourire.