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Jean-Pierre Bel : l’invité surprise

Jean-Pierre Bel, êtes-vous candidat à la mairie de Toulouse ?

C’est encore trop tôt pour vous répondre. Mais il est vrai que j’y songe. J’ai d’abord cru que je pourrais me prononcer assez rapidement, avant fin 2018. Et puis je me suis aperçu que ce n’était pas si simple. Je suis sûr de vouloir voir triompher la gauche. La question est de savoir jusqu’où je dois aller pour que cela arrive.

Vous aviez annoncé, à la fin de votre mandat de président du Sénat, renoncer à toute fonction élective. Pourquoi avoir changé d’avis ?

J’avais dit que je passerais à autre chose, et c’est ce que j’ai fait. Sauf qu’il y a Toulouse. Et que Toulouse, pour moi, c’est particulier. Par ailleurs, sans l’avoir vraiment souhaité, mon nom a été avancé pour les élections municipales. J’ai été d’abord un peu étonné puis très rapidement intéressé.

Moi, j’étais plus Che Guevara que Brejnev !

Pourquoi ?

J’ai toujours considéré que cette ville était la mienne. Je n’ai pas passé une semaine de ma vie sans aller à Toulouse. Et quand on est de Toulouse, on s’en souvient et on y revient ! Ce que je voudrais, c’est que cette ville soit en adéquation avec son potentiel.

Racontez-nous votre enfance toulousaine…

J’ai grandi dans la cité d’Empalot, qui venait d’être construite. Je suis donc allé à l’école maternelle rue Achille-Viadieu. Puis j’ai fait ma scolarité dans le quartier jusqu’au lycée Berthelot. L’immeuble que j’habitais était rempli d’Espagnols. Les odeurs, c’étaient celles de paëlla, et la musique du flamenco. On se recevait beaucoup. La cité, à l’époque, c’était extraordinaire. Il y avait un vrai lien social.

À quoi ressemblait votre famille ?

Elle était très politisée. Ma culture familiale est totalement liée aux grèves ouvrières du Tarn et au combat de Jaurès. J’ai eu des ancêtres glorieux, en particulier une arrière-grand-mère qui a participé à la création de la coopérative ouvrière d’Albi et aux grèves de Carmaux. Cela crée un atavisme profond qui vous prédestine.

Et vos parents ?

J’ai eu la chance de naître dans une famille de résistants. Ma mère était employée des PTT, et mon père commercial.  Entré dans la résistance par les réseaux FTP-MOI, il était devenu communiste. Comme il créait une section syndicale partout où il arrivait, il se faisait virer très rapidement. Heureusement, dans ces cas-là, il allait travailler avec son frère qui était chef de chantier aux grands travaux de Marseille. Pour nous, les périodes où il était au chômage étaient plutôt angoissantes. Mais nous vivions une existence très heureuse, avec beaucoup de solidarité. C’était une période où le PC était très présent dans les immeubles, dès qu’il y avait un problème, il était là. C’est comme cela qu’est née ma conscience politique.

Quelle influence cet environnement politisé a-t-il exercé sur l’enfant que vous étiez ?

J’avais une vision binaire, un peu manichéenne. Avec les bons et les mauvais, les gentils et les méchants. Les classes populaires, les anciens résistants, c’était ma famille. En face c’étaient les bourgeois du square Wilson. Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte qu’il y avait des bons des deux côtés.

N’était-ce pas étouffant ?

Un peu, même s’il y a toujours eu de grandes discussions dans ma propre famille entre les communistes et les socialistes. Mon oncle, à qui j’ai été confié au lycée, était par exemple plus pondéré que mon père. Mais tout ça, c’était la grande famille de la gauche. C’est un chemin qui m’a beaucoup marqué et m’a toujours amené à considérer que les débats au sein de la gauche pouvaient être vifs. Mais qu’ils ne devaient jamais être irréversibles. Car c’est dans l’échange et la confrontation que l’on arrive à progresser. N’en déplaise à Manuel Valls…

Que voulez-vous dire ?

Je n’ai jamais été d’accord avec lui lorsqu’il parlait des gauches irréconciliables. Car ce qui m’intéresse, c’est justement le rassemblement des courants parallèles qui composent les gauches françaises. C’est l’histoire de notre pays : tant que les communistes et les socialistes ont été divisés, rien n’a été possible. Et Mitterrand l’avait très bien compris. Aujourd’hui, c’est la même chose, même s’il faudra sans doute le traduire différemment qu’en termes de communistes et de socialistes.

Vous étiez communiste, comme votre père ?

Non… et c’était bien le problème ! En mai 68, je me suis tout de suite impliqué en créant les comités d’action lycéens (CAL) avec quelques autres à Toulouse, dont Serge Pey et Véronique Barsony. Mais j’ai tout de suite dit à mon père que je ne serais pas communiste. Je rejetais l’embrigadement et la vision stalinienne. J’étais beaucoup plus libertaire, ouvert, et absolument pas anarchiste.

Que reprochiez-vous à votre père ?

Son alignement sur la parole du parti, lui-même trop aligné sur l’URSS. On entendait Georges Marchais, et puis on voyait la répression à Budapest ou Prague… Il y avait une vision différente entre les communistes et nous. On nous appelait les gauchistes. Une jeunesse en pleine ébullition que le PC n’a pas compris ni su récupérer. Ils étaient sur des combats classiques liés au syndicalisme ouvrier à la CGT. Ils craignaient nos dérapages, nous jugeaient trop romantiques. Ils pensaient qu’on était de petits bourgeois qui se faisaient plaisir.

Quelles étaient alors vos aspirations ?

On aspirait à la liberté après des années oppressantes avec le général de Gaulle. On n’avait pas de frontières : notre horizon, c’était le Vietnam et les grandes plaines de la Sierra Maestra à Cuba. On était attirés par les combats internationalistes. Moi, j’étais plus Che Guevara que Brejnev ! Et l’essentiel pour moi, c’était l’Espagne. Car il y avait toujours Franco. Une dictature à deux heures de Toulouse, dans laquelle on mettait les étudiants en prison. Et puis je me suis rendu compte que les grandes palabres en assemblée générale, ce n’était pas mon truc. J’avais envie d’action et notamment d’être dans la solidarité avec le peuple espagnol.

Vous entrez pourtant en fac de droit…

Je suis alors persuadé que pour changer de système, il faut le connaître de l’intérieur. J’avais envie de connaître les bases du système étatique, des institutions. Mon oncle voulait que je devienne avocat. Mais moi je le vivais presque avec une approche militante : il me fallait apprendre avant de pouvoir critiquer et imposer autre chose. Ce qui a été difficile, cela a été de se faire admettre dans les amphis.

Pourquoi ?

À l’époque, c’était la faluche, l’extrême droite, qui tenait le cours, notamment en première année. Comme j’avais été repéré comme un gaucho, j’ai eu des difficultés à me faire admettre. Il y avait des violences entre étudiants. Mais comme j’ai toujours fréquenté les milieux rugbystiques, j’avais des copains qui m’ont aidé à m’imposer. En parallèle, j’ai mis en place un comité de soutien avec le peuple espagnol, et nous avons commencé à mener des actions.

En quoi consistaient-elles ?

J’accueillais de jeunes Espagnols qui avaient réussi à passer la frontière et je les aidais à trouver du boulot. C’étaient des réfugiés politiques. Ça sentait la poudre parce que c’était risqué d’avoir ce type d’activités. Il y avait même des commandos Cristo Rey qui venaient d’Espagne pour chercher des noises à ceux qui avaient franchi la frontière.


Jean-Pierre Bel

Vos actions vous amènent à franchir à votre tour la frontière et à être emprisonné en Espagne, c’est bien ça ?

Je n’ai pas envie de m’étendre sur le sujet. Ce qui m’est arrivé n’est rien comparé à ce qu’ont vécu mes parents. Cette expérience a été formatrice. J’ai croisé des personnages formidables, des communistes, des Basques, certains qui étaient en prison depuis plusieurs années, qui avaient été maltraités.

Une fois le franquisme vaincu, vous vous retrouvez sans lutte…

Il y a une cassure, un ras-le-bol, après ces années militantes. Rencontrant celle qui allait devenir mon épouse, je quitte Toulouse en 1978 pour l’Ariège, où l’on me propose de créer un village de vacances de tourisme social, près de Font-Romeu, dans le canton de Quérigut.

Une autre forme d’engagement ?

Oui car c’était un village de tourisme social un peu écolo, géré par la Ligue de l’enseignement. C’est passionnant parce qu’il y a tout à faire : construction du bâtiment, recherche de clientèle, élaboration du contenu pédagogique. Et puis, quelques années plus tard, en 1983, les habitants de Mijanes me demandent d’être candidat à l’élection municipale de cette commune d’à peine 100 habitants. J’accepte, et je deviens maire. J’arrête donc mes activités, pour éviter toute forme de conflit d’intérêt, et je monte une pisciculture à titre privé. Tout en faisant beaucoup de randonnées en montagne.

Je ne suis pas entré au PS pour ramener ma fraise de gauchiste.

Où en est alors votre réflexion politique ?

Je décide en 1983 d’adhérer au PS car j’ai besoin de parler, d’échanger. Par chance, en Ariège, le parti est très présent et bien organisé, notamment dans mon canton, où il y a une section. Le soir même j’en deviens le secrétaire. Et trois ans après, je deviens le premier secrétaire de la fédération d’Ariège. Entretemps, je rencontre Jospin lorsqu’il arrive à Toulouse. Et lors de la campagne présidentielle de 1988, je milite activement.

Vous ne ressentez pas de déception à l’issue du premier septennat de Mitterrand ?

Non, car on n’a pas vraiment senti le tournant de la rigueur. C’est après coup qu’on en a beaucoup parlé. Sur le moment, on fait confiance à Mitterrand. Il faut se souvenir que ce premier septennat, c’est les nationalisations, l’abolition de la peine de mort, la décentralisation, les radios libres. Et puis je ne suis pas entré au PS pour ramener ma fraise de gauchiste, mais parce que je comprends que je suis rentré dans un parti réformiste et que si je veux changer la vie des gens, il faut savoir faire des compromis. Il y a des choses que je dois accepter et dans le fond, je les accepte.

Et la suite ?

Je me rapproche de Lionel Jospin. C’est un homme intègre que j’admire beaucoup. En 1990, lors du congrès du PS de Rennes, j’organise les réseaux jospinistes. Puis je deviens son directeur de campagne pour les Régionales de 1992 et tête de liste pour mon département, ce qui me permet d’être élu conseiller régional. J’ai beaucoup apprécié travailler pour lui. Il m’a appris la rigueur et une forme de réalisme : c’est-à-dire ne pas promettre de choses infaisables. Il a refréné tout ce que je pouvais avoir de démago dans mes ardeurs politiques. 

N’est-ce pas ce qui lui a coûté en 2001 ?

Lorsque Jospin a dit que l’État ne pouvait pas tout, je pense que l’on a mal interprété son propos. Mais aussi qu’il a été maladroit et qu’il aurait dû choisir d’autres termes. Parce que dans sa pratique gouvernementale, il a montré que l’État pouvait résoudre quelques problèmes majeurs de notre société comme le chômage ou les déficits publics. Donc c’était contradictoire.

Vous réfutez l’idée de l’impuissance du politique ?

Si c’est le cas, c’est la fin de la démocratie. La théorie de l’impuissance du politique est très dangereuse. C’est elle qui conduit au vote Front National. Lorsqu’on s’engage en politique, on ne peut pas se contenter de dire que la responsabilité est ailleurs. Il faut assumer. Cela peut parfois être long et compliqué. Mais le politique doit être capable de définir un horizon, un cap, et se donner les moyens. Lorsqu’on choisit de mener une politique sociale, c’est pénalisant pour une catégorie de la société. Il faut avoir le courage de le dire.

Pensez-vous que le visage de la France aurait été modifié si Jospin avait gagné en 2001 ?

Le bilan de Jospin a été très positif. Je pense qu’il aurait fait un excellent président parce qu’il aurait poursuivi dans les réformes qu’il avait impulsées. On aurait peut-être réussi à changer le pays en profondeur. Cela a été beaucoup plus difficile en 2012.

D’où l’échec du quinquennat d’Hollande ?

Tout n’a pas été négatif. Le bilan est à réexaminer. Mais force est de constater que quand on arrive au constat que le président est dans l’incapacité de se représenter, après 5 ans d’affrontement à l’intérieur même de la majorité et plusieurs réformes qui ont profondément choqué des militants de gauche, il y a quelque chose qui n’est pas réussi.

Mais vous, qu’en avez-vous pensé ?

Cela me laisse un sentiment de gâchis et de regret. En tant que premier président socialiste du Sénat, j’avais un devoir de réserve. Je me devais d’être loyal. Mais je peux dire aujourd’hui qu’il y avait des sujets sur lesquels j’étais en désaccord, en particulier la dérive initiée par Manuel Valls avec le deuxième volet de la loi El Khomri. 

Comment expliquez-vous ce que vous qualifiez de « dérive » ?

Je ne me l’explique pas. Il faut prendre en compte la difficulté de gouverner sous la ve République qui, dans le fond, provoque l’isolement du Président et une monarchie présidentielle. Je n’étais pas convaincu par une VIe République mais il faut rénover. Il faut notamment en finir avec cette ambiguïté entre le rôle du Président et celui de Premier ministre : il faut absolument trouver des solutions qui permettront à la démocratie participative d’être une réalité aux côtés de la démocratie représentative. On n’a pas besoin d’un grand débat pour savoir comment les citoyens peuvent intervenir régulièrement dans le débat public.


Jean-Pierre Bel

Avec le candidat Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012.


Revenons à votre parcours. Pour un homme d’action, le Sénat, c’est presque contradictoire, non ?

Je me suis toujours intéressé aux questions institutionnelles et aux relations entre le pouvoir national et le pouvoir local. Je suis un régionaliste, très favorable à un nouvel élan de la décentralisation. Et puis le bicamérisme est essentiel dans notre démocratie. Car s’il n’y avait pas le Sénat, il n’y aurait qu’une assemblée dans ce pays. La loi serait élaborée à partir d’un seul examen. Vous imaginez ? Le Sénat, c’est poussiéreux ? Eh bien, on va le dépoussiérer ! Très vite, mon idée est un bicamérisme rénové et j’entre dans des groupes de réflexion pour faire évoluer le Sénat.

Et vous devenez le premier président de gauche du Sénat. Une surprise ?

Oui, on est majoritaire à la surprise générale. On a su rester unis, et même mieux puisque j’ai été élu avec 3 voix de plus que le nombre de sénateurs de gauche. Ce qui prouve que tout est possible quand on évite le sectarisme. C’est peut être aussi l’avantage de cette assemblée. Car j’y ai fréquenté des personnalités de droite pour lesquelles j’avais beaucoup de respect, comme Jean-Pierre Raffarin. Je pense d’ailleurs qu’ils n’étaient pas mécontents qu’on bouscule le Sénat, car le fait que la gauche crée l’alternance légitimait l’institution.

Cette notion de gauche et de droite n’a-t-elle pas disparu avec Emmanuel Macron ?

Je n’ai jamais cru à cette histoire d’ancien et de nouveau monde. C’est un concept extrêmement dangereux qui ne correspond à rien. D’autant qu’on a voulu nous faire croire que l’ancien monde avait toutes les tares alors que le nouveau monde nous promettait un monde meilleur. Or cela ne se passe pas tout à fait ainsi depuis. Une chose est sûre : quand on dit ni gauche, ni droite, on fait une politique de droite.

 La lutte des classes, pour moi, est toujours d’actualité.

Pourquoi les Français ont-ils choisi Macron ?

Je ne suis pas sûr qu’il faille l’interpréter comme une volonté de tourner le dos aux partis traditionnels. Il y a une critique qui est portée par le citoyen sur la démocratie représentative et sur l’organisation de la démocratie que je comprends parfaitement parce qu’il y a un besoin de rénovation de la vie politique dans notre pays. L’élection de Macron a correspondu à une période toute à fait à part. Mais tout cela ne signifie pas que la droite et la gauche, ça n’existe plus, ni que la confrontation démocratique entre les conservateurs et les progressistes, qui est le fondement même de notre histoire, n’est plus d’actualité. La lutte des classes, pour moi, est toujours d’actualité.

Vous disiez être en désaccord avec Manuel Valls lorsqu’il parlait des gauches irréconciliables. Vous croyez encore, à cette réconciliation ?

Si vous vous remémorez le rapport qui existait entre le courant communiste et le courant socialiste, c’était presque pire à l’époque. Et la grande idée de Mitterrand a été de considérer qu’on ne pouvait pas avancer si on ne se rassemblait pas.

Sauf que depuis, il y a eu 14 ans de mitterrandisme…

Mais il n’y a pas eu que des déceptions avec le mitterrandisme ! La gauche radicale dont vous parlez, et notamment Mélenchon, n’a pas du tout été déçue de ces deux septennats de Mitterrand. Idem pour les responsables communiste de l’époque. Il n’est écrit nulle part que nous ne nous retrouverons pas. Il faudra bien qu’il y ait un aggiornamento à gauche pour faire le tri de nos erreurs, mais aussi de nos réussites. Afin que l’on revienne à un rassemblement le plus large possible. C’est vrai que pour l’instant, on a plutôt l’impression du contraire.

Pourquoi vous déchirez-vous tant, à gauche ?

Parce que c’est ça la gauche : des courants d’idées qui ne sont pas monolithiques. Et les citoyens sont beaucoup plus exigeants envers la gauche quand elle est au pouvoir qu’envers la droite. Et c’est pour ça que ça crée des déceptions. Et les difficultés rencontrées ont laissé des blessures… qui peuvent encore cicatriser.

Existe-t-il autant qu’auparavant un socle commun à ces différentes gauches ?

Il existe une culture de gauche commune. Je pense que dans cette société, il y a ceux qui se satisfont du système, et donc de ses inégalités, et ceux dont l’objectif est de lutter contre, qu’elles soient sociales, culturelles, de sexe. Même si dans le discours politique, il semblerait que certains veuillent entretenir le doute, tout ça est factice, comme avec l’extrême droite. Car sur les éléments concrets et précis, on se rend très vite compte de quel côté les gens se situent. Qui a milité pour le droit à l’avortement, le mariage pour tous, qui a créé la sécurité sociale, qui pense que la réduction du temps de travail peut contribuer à l’épanouissement de l’individu ?

Qu’attendre de la gauche au pouvoir au XXIe siècle ?

Qu’elle pratique des politiques sociales, de réduction des inégalités. Qu’elle lutte contre les discriminations. Quand on regarde le bilan des gouvernements successifs de la Ve République, on voit bien que tout ce qui a construit le modèle social a été initié en grande partie par des forces de gauche. On parlait du droit à l’avortement : mais Simone Veil sans la gauche n’aurait pas réussi. Il faut se souvenir de ça ! 

N’est-ce pas plus difficile de se dire progressiste aujourd’hui qu’il y a 50 ans, quand la société était plus cadenassée ?

C’est peut-être plus difficile de se faire comprendre et d’identifier un projet progressiste de gauche. Il reste pourtant beaucoup de choses à faire. Regardez les récents évènements : les inégalités sociales sont quand même criantes dans notre pays.

Revenons à Toulouse. Quel regard portez-vous sur la manière dont la ville a été gérée ces dernières années ?

Cette ville a un potentiel extraordinaire. Ce qui est un avantage mais crée aussi d’énormes problèmes. Je ne suis pas sûr que sur certains sujets les différents maires aient bien mesuré les enjeux. Notamment sur les questions de mobilité. On voit bien les efforts qui ont été faits. L’horizon qui est tracé, c’est 2030. Cela me paraît trop court. Le périmètre qui nous est proposé n’est pas le bon et j’adhère à l’idée de la présidente de Région d’avoir une autorité de transport qui engloberait la Région, le département, la Métropole. Il faut avoir une vision à plus long terme. Idem sur d’autres sujets comme la gestion des ressources, en particulier l’eau, ou la tranquillité des citoyens.

Vous n’êtes pas favorable au fait que l’eau soit en délégation de Service Public  ?

L’eau, c’est le patrimoine de chacun, c’est un bien public. Moudenc dit que cela ne doit pas être un problème idéologique. Je veux bien, mais il y a des sujets sur lesquels on peut ouvrir son champ de réflexion. Et l’eau n’entre pas forcément, pour moi, dans la sphère de l’économie marchande. Je dis que des sujets comme cela, ça se débat avec les citoyens.

La surprise, à Toulouse, serait de voir toutes les gauches se mettre d’accord.

Même chose pour la tranquillité ?

Oui. On ne doit pas instrumentaliser le problème de l’insécurité, ni tomber dans l’angélisme, ni essayer de faire des coups de com’ avec des mesures inutiles.

C’est le cas aujourd’hui ?

La municipalité actuelle peut être tentée de le faire. Mobilisons les citoyens sur ce sujet. Depuis un an et demi, je rencontre les Toulousains, et je me rends compte que la question de la tranquillité est majeure. Des choses ont été faites mais le problème subsiste. En particulier dans le centre-ville. Soyons tous modestes face à ce sujet. Pourquoi ne pas s’inspirer de certaines villes en Europe qui y sont parvenues, en Scandinavie notamment, mais aussi à Amsterdam ?

Que vous ont appris ces consultations de Toulousains ?

D’abord, ça a confirmé mon intérêt pour cette ville. C’est une ville qui a des forces incroyables, c’est la future troisième ville de France. Donc c’est un enjeu considérable. J’ai aussi senti une très forte attente. Les Toulousains considèrent que Toulouse mérite mieux. D’être mieux considérée, mieux regardée.

Mieux représentée ?

Je n’en sais rien. C’est aux Toulousains de répondre à cette question. Je n’ai jamais été partisan des critiques à l’encontre de mes adversaires politiques. 

Vous militez pourtant pour une alternance. Ce qui veut donc dire que vous avez des griefs à l’égard de l’actuel locataire du Capitole ?

Bien sûr. À commencer par son absence de perspective. Il fait des choix un peu liés à ses convictions politiques. Comme lorsqu’il décide, sans aucune discussion, de continuer la privatisation pour la gestion de l’eau. La consultation a été trop rapide et n’a pas permis à tous les points de vue d’émerger. Je ne crois pas que ce soit une manière de faire. Il faut faire participer beaucoup plus les citoyens, les associations, les corps intermédiaires à des choix aussi essentiels.


Jean-Pierre Bel

Croyez-vous le Capitole à votre portée ?

Bien sûr. à condition de se rassembler. Mon combat, c’est celui du rassemblement. Je suis candidat pour créer la surprise à Toulouse. Et la surprise serait de voir toutes les gauches, quelles que soient leurs histoires et leurs oppositions, se mettre d’accord.

Cela vous paraît-il possible ?

J’ai rencontré tous les responsables politiques qui le souhaitaient. Je connais tous ceux qui ambitionnent d’être candidat et j’ai beaucoup de respect pour eux. C’est d’ailleurs extrêmement intéressant d’observer un tel bouillonnement. Est-ce une utopie de vouloir rassembler tous ces gens ? Je suis relativement confiant dans la mesure où les retours que j’ai eu ne me démentent pas.

Les fonctions nationales que vous avez occupées peuvent-elle plaider en votre faveur ?

C’est ce que me disent beaucoup de gens. Mais je ne veux pas tomber dans un projet narcissique. Si les responsabilités que j’ai pu occuper peuvent être un atout pour cette ville, j’en serais ravi ! Toulouse est une ville qui est agitée par beaucoup d’élans, parfois contradictoires. Elle est à la fois radicale, tout en ayant besoin d’être rassurée.

Comment analysez-vous la défaite de Pierre Cohen en 2014 ?

Je pense qu’il avait une vision pour Toulouse et qu’il a su développer un certain nombre d’idées qui se sont avérées pertinentes. Le maire actuel continue d’ailleurs en partie son action. Par contre, s’il n’a pas réussi, c’est bien qu’il a rencontré des difficultés. Mais je ne vais pas les exposer ici. Ce dont je suis sûr, c’est qu’il nous faut une liste de gauche. Et ne fermer la porte à personne.

Vous pensez à qui ?

Il y a des gens qui ont été élus députés sous une certaine bannière et qui, aujourd’hui, ne la revendiquent plus. L’important c’est d’être d’accord avec le projet. Et ne pas faire preuve de sectarisme. Le rassemblement est primordial. J’appelle à un sursaut pour créer une surprise. Parce que compte tenu de la situation à Toulouse, c’est une surprise qu’il nous faut à Toulouse. 

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