Cette commission est-elle la réponse à la crise des gilets jaunes ?
Oui et non. Depuis 2014 nous avons œuvré à la mise en place de concertations citoyennes. Nous avons ainsi mis en place quatre commissions dans les domaines du développement durable, du numérique, de la culture et de l’action sociale. Tout citoyen pouvait y siéger et proposer des projets, mais sans garantie qu’ils voient le jour étant donné qu’il n’y avait pas de budgets fléchés et que le choix final revenait au conseil municipal. La crise des gilets jaunes a accéléré notre réflexion et nous a permis de passer à l’étape supérieure.
Comment cela a-t-il impacté votre réflexion ?
Quand les gilets jaunes se plaignent de ne pas être écoutés, ils disent vrai. On essayait modestement de faire changer les choses mais cette crise a fait office de piqûre de rappel. Nous nous sommes interrogés sur notre valeur ajoutée en tant qu’élus et sur notre légitimité à siéger dans le comité de pilotage voirie. Nous en avons conclu que les citoyens, de par leur expertise d’usage, seraient autant, voire plus performants que nous. Nous avons donc décidé en décembre d’allouer une partie du budget annuel de la voirie à une commission délibérative. C’est une première et c’est révolutionnaire.
En quoi est-ce novateur ?
Cette commission délibérative est novatrice car elle va à l’encontre des principes d’organisation de l’exécutif dans les collectivités locales. Ce sont toujours et partout les élus qui décident. Ici, nous avons décidé d’aller au-delà de la consultation citoyenne. Nous ne voulons plus seulement demander l’avis de nos administrés sur des projets ciblés. Avec cette commission nous dessaisissons les élus de leurs prérogatives pour donner la possibilité aux citoyens de proposer, d’arbitrer et de choisir des projets. C’est un gage d’humilité et c’est plutôt rare parmi les élus. Il faut que ces derniers réalisent qu’ils ne sont pas sortis de la cuisse de Jupiter.
Les élus sont donc écartés des décisions relatives à la gestion de la voirie ?
Oui. La commission est constituée de 15 citoyens titulaires et de 15 suppléants tous tirés au sort, de représentants de la police municipale et des services techniques de Toulouse Métropole ainsi que de la directrice des services techniques de L’Union. Un seul élu est présent, le premier adjoint Yvan Navarro, afin d’animer les débats. Je ne veux surtout pas qu’il y ait un argument d’autorité.
Quel argument d’autorité ?
Je sais par expérience l’argument d’autorité que sont les élus et surtout le maire. C’est insupportable et c’est pourquoi je refuse que les élus participent à la commission participative car ils musèleront le débat. Tant que cette parole d’autorité existera il ne faut pas qu’on y soit. C’est nécessaire pour impliquer les citoyens et faire en sorte que le système change. Il ne faut plus que les citoyens votent une fois et n’aient plus leur mot à dire pendant six ans. Le changement passe par des mesures comme celle-là.
Ce changement est-il difficile à faire accepter ?
Non, la mesure est passée facilement auprès des élus. Il nous a plutôt fallu convaincre l’administration, laquelle avait peur de bousculer ses habitudes de travail. Quant aux citoyens, nous n’avons pas encore pu prendre la température générale, mais les principaux concernés sont ravis. Ils ont compris que ce n’était pas du flan de démocratie participative servant à faire de l’affichage. Quant aux critiques extérieures venues d’autres maires, nous n’en avons pas reçues.
Les citoyens peuvent donc choisir les projets librement ?
Oui mais les projets doivent être validés par les services techniques. Les citoyens et les services techniques dialoguent et décident de ce qui est faisable et de ce qui ne l’est pas. L’expertise est fournie par les services techniques de Toulouse Métropole, qui possède la compétence Voirie. Les citoyens apportent, eux, une expertise d’usage. Par ailleurs, c’est instructif car ces nouveaux acteurs vont apprendre comment les organes décisionnels fonctionnent : ils vont comprendre, par exemple, que ce n’est jamais une bonne idée d’instaurer un sens unique car cela amène les automobilistes à rouler plus vite, ce qui augmente les risques d’accident.
Pour ce faire, ont-ils accès à tout le budget ?
Non, la commission est en charge de 10% du budget pour expérimenter en 2019, c’est-à-dire de 80 000 euros, ce qui n’est pas beaucoup. Mais il s’agit d’une mise en pratique. Notre objectif est d’aller bien au-delà. Nous souhaitons augmenter le budget progressivement. Je ne vais pas donner de chiffres mais je pense qu’il faudrait atteindre les 50%.
Pourquoi pas au-delà ?
Il est nécessaire de garder de l’argent pour la municipalité car elle a été élue avec un programme et a besoin de réaliser ses propres projets. Par exemple, nous avons été élus avec l’ambition de construire une passerelle sur la Sausse pour relier L’Union à Toulouse C’est un projet politique qu’il faut pouvoir financer. Par ailleurs, j’ai chargé les élus de réfléchir à étendre ce genre de commissions à d’autres thématiques telles que le sport et la culture. Il faut trouver d’autres méthodes permettant au citoyen de délibérer et de proposer des projets.