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La chercheuse : Tendre l'oreille au vivant

  • Valérie RAVINET
  • 5 sept.
  • 2 min de lecture

Généticienne de l'évolution, chercheuse au CNRS, Patricia Balaresque explore un territoire encore méconnu : l'impact de notre environnement sur notre audition. À la croisée de la biologie, de l'écologie et de la génétique, elle éclaire une dimension fondamentale de notre relation au vivant.


Patricia Balaresque - ©Rémi Benoit
Patricia Balaresque - © Rémi Benoit

Histoire de sons

Le son a toujours fait partie de ma vie. Je viens d’une famille de musiciens, j'ai grandi dans un environnement où l'oreille était sans cesse sollicitée. Ce lien a pris une nouvelle dimension lors de mes études de biologie. Je me suis passionnée très tôt pour la duplication génétique – cette capacité du génome à produire de nouvelles fonctions en répliquant ce qui existe déjà. C’est un mécanisme fondamental de l’évolution assez négligé, que j'ai étudié notamment à travers les chromosomes sexuels et le génome humain.


Génomique et écologie

Après des années de recherche en génomique, j’ai ressenti le besoin de renouer avec une approche plus physiologique, plus ancrée dans la biologie concrète des individus. L’audition s'est imposée naturellement : à la croisée du biologique et de l'écologique, elle devenait un prisme idéal pour explorer l’impact des paysages sur notre physiologie auditive. Ce projet, baptisé Hearvolution, m’a permis, avec des équipes partenaires de réaliser des tests auditifs sur des centaines d'individus dans des environnements très différents – forêts équatoriales, hautes montagnes, environnements urbains… Nous avons mis en évidence des variations sensibles du seuil auditif selon le sexe et les milieux. Ces résultats ouvrent la voie à une meilleure compréhension de l'adaptation humaine aux paysages sonores.


Paysages en écoute

Grâce au projet Earscape, nous avons été plus loin et étudié le cocktail des facteurs qui modèlent l’audition des humains. Nous avons collecté des informations sur l’audition des populations dans des paysages très différents en Équateur, au Gabon et en France, en milieu urbain et en milieu rural. Nous avons également enregistré pendant un an, grâce à des capteurs, les paysages acoustiques de ces territoires. Et oui, l’audition varie en fonction des paysages !


Ouverture vers nos origines ?

La prochaine étape est de décrypter les mécanismes sous-jacents à ces différences : s'agit-il d'une plasticité individuelle de ce trait liée à l'environnement ou existe-t-il une base génétique à ces différences physiologiques ? En séquençant le génome d’individus issus de différents milieux, j’espère déceler des signatures d'adaptation, notamment dans les gènes de l'audition – et peut-être, grâce aux duplications génétiques, comprendre comment nos sens ont évolué au contact de nos environnements.


Un sens écologique de la recherche

On ne peut pas séparer l’étude de la santé humaine de celle de l’écologie. Nous sommes des êtres vivants parmi d'autres, soumis aux mêmes pressions environnementales que les oiseaux ou les poissons. Ma démarche n’est pas seulement scientifique : elle est profondément citoyenne. Je plaide pour une recherche qui refuse de simplifier à l'extrême, qui respecte la complexité du vivant et réintègre l’humain dans les cycles écologiques

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