Simon Worou a été réélu triomphalement en juin à la mairie de SaintJuliette-Sur-Viaur, en Aveyron. Certainement le dernier mandat pour celui qui fut en 2008 le premier maire noir du département. Boudu est allé à la rencontre de ce Barack Obama du Ségala, qui fut tour à tour séminariste, équarisseur, videur et pilier droit avant de s'installer dans le fauteuil de premier magistrat. Un personnage attachant qui se vit comme un pionnier, fier d'avoir ouvert.
Au boulodrome de Sainte-Juliette-Sur-Viaur, Simon Worou ne passe pas inaperçu. Sur le parterre de gravier, ce grand gaillard a pris l’habitude de défier ses administrés à la pétanque. Ce Togolais a su se faire accepter des 602 âmes de la commune à force de bienveillance… et de belles performances à la mêlée des sangs et or de Rodez : « Le rugby rapproche les hommes. Il a permis mon intégration. Je serai venu directement du Togo sans passer par le rugby, je n’aurais pas eu ma chance. J’ai gagné la confiance des Aveyronnais par la mêlée. » Tout commence en 2008 quand Véronique Recoulat, maire du village, lui propose d’intégrer l’équipe municipale. Il prend tellement goût à la politique locale qu’il se porte candidat en 2014 : « L’engagement c’est le fil rouge de ma vie. J’aime le contact, j’aime servir ». En juin dernier, il a été reconduit pour un second mandat, avec 87% des voix au premier tour. « Un score digne des démocraties africaines ! » s’amuse l’édile.
La politique n’était pourtant pas dans le plan de carrière de Simon Worou. Il serait devenu prêtre si les problèmes financiers du séminaire dans lequel il étudiait enfant à Lomé ne l’avait conduit à se tourner vers l’Armée de l’air française. Après avoir brillamment réussi le concours ouvert aux pays d’Afrique francophone, il atterrit en France en 1994. « J’ai fait mon service en Charentes et travaillé en Allemagne dans l’aviation civile avant de rejoindre mon frère à Rodez. J’ai beaucoup galéré, vécu de petits boulots. » Ce n’est que trois ans plus tard, par amour, qu’il s’installe à Saint-Juliette-Sur-Viaur avec sa future femme et ses beaux-parents. Pour subvenir à ses besoins, et malgré ses diplômes, il castre le maïs, découpe des carcasses dans un abattoir ou recale les agités à la porte des boîtes de nuit ruthénoises.
Fier de son parcours, il y voit l’opportunité de faire changer les mentalités « Ce n’est pas aussi simple qu’on croit. Il faut faire sa place, se faire accepter. Une fois élu, il a fallu que je prouve que j’étais capable. J’ai dû en faire plus que les autres, plus que si j’avais été Aveyronnais. Je me sentais responsable de cette chance, vis-à-vis des gens comme moi.» À voir les locaux le saluer autour de la place centrale, le pari semble réussi. La Marianne d’or qui lui a été décernée le mois dernier pour son implication dans la démocratie locale en atteste. Pour autant, Simon Worou ne se voit pas poursuivre dans cette direction. Ses cernes sous les yeux trahissent la difficulté de la tâche : « Cela me plaît encore, mais jusqu’à quand ? J’ai un travail qui me prend énormément de temps, je me lève à 4h30 chaque matin, je finis tard le soir avec les réunions du conseil, c’est éreintant. » Ce mandat pourrait donc marquer la fin de son aventure municipale. Qu’importe, tant le maire semble convaincu d’avoir ouvert la voie. « Des gens comme moi, de ma génération, ont ont fait de brillantes études mais n’ont jamais pu quitter les emplois subalternes, convaincus qu’ils n’y arriveraient pas. La nouvelle génération, celle de ma fille, n’a plus ce complexe et je pense y être un peu pour quelque chose. C’est bien là ma plus grande victoire. »
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