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BOUDU

Les mots de Franck Biasotto

FAUBOURG Pour parler de tout ce qui n’est pas au centre-ville, Franck Biasotto ne dit pas « quartier » mais « faubourg ». Du point de vue sémantique, il a parfaitement raison : le quartier évoque la partie d’un tout, tandis que le faubourg désigne les quartiers situés de l’autre côté du mur d’enceinte de la cité. Du point de vue politique, c’est plutôt malin. Usé jusqu’à la corde, employé depuis les années 80 comme mauvais synonyme de « banlieue » ou de « zone craignos de l’autre côté du périph », le substantif « quartier », en 2020, ne veut plus rien dire du tout. Aussi Franck Biasotto utilise-t-il « faubourg » à dessein. Le terme lui permet de désigner en même temps les quartiers bobos et les quartiers sensibles, histoire de leur envisager un destin commun. C’est tout sauf anodin : les lecteurs de Boudu se souviennent de cette confidence de Mouss et Hakim Amokrane (Zebda) parue dans nos colonnes au printemps dernier : « Quand tu viens des Izards, tu as l’impression de ne pas faire partie de l’histoire de la ville parce que tu viens des “quartiers”. Mais le jour où Claude Nougaro a parlé de nous, non pas comme des mecs des quartiers mais comme des “gars des faubourgs”, ça a tout changé ! » Du point de vue argotique, enfin, c’est assez savoureux. Le « faubourg », en argot, c’est le fessier féminin. Quiconque garde cela en tête ne peut plus écouter de façon tout à fait innocente un discours de Franck Biasotto.

VILLAGE URBAIN En apparence, « village urbain » est un oxymore, c’est-à-dire une figure de style empilant deux mots de sens opposés. Comme « plaisir désagréable », « chaleur froide » ou « victoire du TFC ». « Village urbain » est pourtant une expression usuelle chez les politiques, les urbanistes et les agents immobiliers (le premier métier de Franck Biasotto). En gros, cela désigne un quartier qui dispose d’une petite place publique sympa et ombragée, d’un bar-tabac, de bancs pour s’assoir, d’un marchand de journaux et d’habitants qui se saluent poliment. Bref, que des trucs en voie de disparition.

PRATICO-PRATIQUE Voilà un adjectif synonyme parfait de terre-à-terre, mais disposant en prime du lustre de la technicité. Franck Biasotto en use à foison pour qualifier ses mesures, en particulier celles du volet écolo de sa liste Toulouse belle et forte. « Une écologie pratico-pratique, pas une écologie politique », répète-t-il à l’envi. L’origine de pratico-pratique est assez floue. On en trouve trace pour la première fois au XIXe siècle dans les écrits théologiques des thomistes (les spécialistes de la pensée de Thomas d’Aquin). De nos jours l’expression a envahi l’espace francophone de l’hémisphère nord et inondé l’univers de l’entreprise et du développement personnel. Elle figure en bonne place dans l’ouvrage de la journaliste Adèle Bréau : « “Je dis ça, je dis rien” et 200 autres expressions insupportables ».

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