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Mirail

Au Mirail se mêlent étudiants et habitants, Toulousains et nouveaux habitants. Un quartier solidaire où poussent des cabanes, des rappeurs, de futurs stylistes, des salades et où se conservent la mémoire et les châteaux. 


C’est où ?

Les trois quartiers (Mirail-université, Bellefontaine et Reynerie) du Mirail, miralh qui signifie « miroir » en occitan, sont situés au sud-ouestde Toulouse à l’extérieur du périphérique. Ces quartiers voient le jour dans les années 70, pour répondre à un besoin de logements. La municipalité avait lancé un concours d’urbanisme pour une « ville nouvelle » remporté par l’architecte Georges Candilis et ses associés. 


Nouvelle vogue

Née dans les bidonvilles de Rio et arrivée en France à Montreuil, Casa 93 l’école de formation « libre et engagée pour une mode humaine, solidaire, transparente et responsable » de Nadine Gonzalez, a installé en septembre 2022 une première promotion au Mirail. 14 jeunes aux profils atypiques y inventent à la fois leur présent et la mode de demain. « La Casa recrute d’abord des jeunes qui ont un grand cœur. La technique s’apprend par la suite. » Cet affranchissement des codes intéresse de plus en plus les grandes (et moins grandes) maisons à la recherche de « profils pas formatés ». Casa93 a ainsi collaboré avec Vuitton, Galeries Lafayette, La Redoute, Goosens… En septembre dernier, les étudiants présentaient une collection de 25 tenues upcyclées lors d’un défilé remarqué au cœur de Toulouse devant les Galeries Lafayette.


En terrasse 

Au cœur des immeubles de Bellefontaine, l’association Lien Horizon Danses œuvre pour les habitants et particulièrement les femmes et enfants du quartier depuis 1997. Outre les cours, l’accompagnement pour les démarches administratives ou des ateliers d’auto-défense, est organisé chaque mois depuis 2017 l’événement « Toutes à nos terrasses de café ». Rituel destiné à lutter contre la disparition des femmes de l’espace public dans le quartier, et rendu possible par l’étonnante Bernadette Yépé, ancienne internationale de basket aujourd’hui directrice de l’association. Une réussite puisqu’une cinquantaine de femmes se rassemblent pour échanger sur différents thèmes. « L’optimisme, c’est mon carburant ! » lançait-t-elle dans les pages de Boudu en mars 2022.


Sale gosse

Les grandes vacances, Mamadou Diouma Daniel Camara alias Dadoo né à Marseille, les passaient chez ses grands-parents à la Reynerie. C’est comme ça qu’il découvre le quartier où sa famille finira par s’installer à ses 12 ans. Danseur à Marseille et déjà passionné par le verbe, il s’intéresse au rap en arrivant à Toulouse. « À 14 ans, je rencontre un rappeur de Bellefontaine, Skipper Fresh, qui me donne une cassette IAMconcept, un des premiers enregistrements du groupe IAM. Ça a totalement bouleversé ma vision du rap français. » Avec son « son pour les sales gosses », Dadoo alors leader du groupe KDD, fait résonner le rap toulousain dans toute la France. Le rap toulousain, ou plutôt le rap de la Reynerie, son quartier : « En bas de l’immeuble, on rencontrait le monde entier. Il y avait à l’époque plus de 70 nationalités, des assos déjà très actives, le festival Racines au bord du lac. Il y avait des saveurs du monde entier qui se croisaient dans les amitiés, les assiettes, les styles. C’est un très bon souvenir. » Après de nombreuses collaborations avec des artistes comme JoeyStarr, Diam’s, Oxmo Puccinpo, Akhenaton, Kool Shen, Vitaa, (il a composé la musique du film Rrrrr d’Alain Chabat) il poursuit aujourd’hui son projet solo avec la sortie en septembre dernier de son album X2 et une tournée prévue pour 2024.


Vie de château  

Quand on pense au Mirail, on visualise ses grandes barres d’immeubles, son université, ses places. Pourtant, il y a aussi deux châteaux qui ont échappé aux vagues d’urbanisation du quartier :  celui du Mirail et celui de la Reynerie. Le château du Mirail, qui a donné son nom au quartier, a été construit en 1680. Il est aujourd’hui au cœur de l’université Toulouse-Jean Jaurès et abrite le Laboratoire de Recherche en Architecture. Celui de la Reynerie a été construit au XVIIIe siècle par Guillaume Dubarry, noble connu pour son mariage blanc avec Jeanne Bécu (Madame du Barry) dernière maîtresse officielle de Louis XV.


Potager éphémère

À la Reynerie, les habitants peuvent désormais récolter leurs salades en bas de leur immeuble. En juillet, un jardin maraîcher éphémère s’est installé sur le terrain en friche du collège Badiou démoli en 2022, en attendant qu’un nouveau projet voit le jour. Les deux hectares sont entretenus par la société coopérative Milpa, qui développe l’agriculture en milieu urbain. Et ici, les légumes ne sont pas chers, 0,60 euro la salade !

Portes ouvertes

Dans les années 60, la démocratisation de l’enseignement entraîne une saturation de l’université Jean-Jaurès initialement installée dans le cœur historique de Toulouse. Le projet d’une université pouvant accueillir plus d’étudiants est alors confié à une équipe d’architectes composée de Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods qui travaille déjà sur l’urbanisation du Mirail. « Un des plus beaux projets urbains de l’époque. Une véritable rupture conceptuelle urbanistique des années 60-65 », commente Gérard Huet, architecte toulousain qui a participé à sa dernière extension. Candilis et ses associés voulaient démocratiser la ville et l’accès à la connaissance afin de l’apporter aux étudiants, mais aussi, considérant que le savoir devait se divulguer au plus grand nombre, aux riverains. Les architectes ont alors conçu une « université ouverte ». Vingt ans après, c’est en écoutant Michel Serres à la radio, que Gérard Huet a trouvé la réponse aux interrogations soulevées par le projet d’extension : « C’était l’aide dont on avait besoin pour ce projet. On a été invité chez lui et il nous a foutu un coup de pied au cul. Finalement, ce qu’on nous demandait, c’était de reconstruire l’université de l’âge de Gutenberg. Sans perdre de vue que l’enseignement doit se dispenser au plus grand nombre. Ça secoue les méninges d’entendre ça ! » Et qu’est-ce qui est le plus facilement transmissible entre le quartier et l’université ? Le sport ! Les équipements sportifs ont alors été construits aux abords du campus pour rendre l’espace perméable et utilisable à la fois par les étudiants et les habitants.


Ma cabane au cœur du quartier   

Aujourd’hui, c’est jour de marché à Bellefontaine et ça défile devant la cabane de Belkacem Aissaoui pour papoter et boire un café. « Ici, tu en as, tu payes, tu n’en as pas, tu ne payes pas. Tu repasseras plus tard ! » Cette histoire de cabane commence avec son fils, Khaled, dans les années 2000. Pour rendre service aux habitants, il s’installe en bas de son immeuble et vend du café. Belkacem, lui-même, avait déjà en arrivant dans le quartier dans les années 90 ouvert un local dans son immeuble Goya pour créer du lien social. Alors, naturellement, il soutient l’initiative de son fils. Mais en 2009, la cabane de Khaled et Belkacem dérange, et doit être détruite. C’était sans compter sur la solidarité des habitants qui ont lancé une pétition pour qu’elle soit simplement déplacée. Depuis, ils sont installés à deux pas du marché et proposent même des repas faits maison. « C’est un lieu intergénérationnel, interculturel, multiethnique. On fait partie de tout ce qu’il y a de positif dans le social dans les quartiers populaires », pose Khaled. Pendant le Covid, la cabane de Belkacem servait même de point de rencontre pour la distribution de repas aux plus démunis. « Beaucoup d’habitants dans le besoin, par fierté, ne se manifestaient pas, mais comme je les connaissais j’allais leur livrer directement. Dans les quartiers populaires, si quelqu’un a un problème, on est là », raconte Belkacem. 



Mémoires du Mirail 

En 2002, Jamal El Arch créé l’association Echanges et Savoirs Mémoires Actives pour recueillir la parole des habitants du grand Mirail. « Je me suis interrogé sur le processus qui a amené l’extrême droite au deuxième tour. Pour combattre le racisme, je me suis dit qu’il fallait que les gens se racontent, qu’ils ne soient pas invisibilisés. » Avec son association, il part à la rencontre d’une cinquantaine d’habitants du quartier et réalise Mémoires du Mirail. Les habitants ont la parole qui suit huit d’entre eux dans leur quotidien. « Ce qui ressort de ce documentaire, c’est que les gens ne parlent pas de leur identité. Ils racontent leur travail, le logement, leur éducation, leurs inquiétudes pour l’avenir de leurs enfants. » Aujourd’hui, l’association travaille sur un nouveau documentaire qui interroge la conception des villes, « Qui fait la ville et pour qui ? Quels sont les mécanismes qui font que la ville se fait ? Ce n’est plus une ville de mémoire et de culture, mais c’est une ville marchande » explique Jamal El Arch, le réalisateur. 



7_questions à Gaëtan Cognard, maire des quartiers Mirail-Université, Reynerie, Bellefontaine


L’esprit du quartier ? C’est un quartier qui accueille beaucoup de nouveaux habitants. Et qui dit accueil, dit aussi solidarité. Ici, si vous êtes en difficulté, il y aura toujours quelqu’un pour vous aider.


Ses points forts ? C’est un quartier multiculturel avec une jeunesse pleine d’énergie. Il y a d’ailleurs beaucoup de jeunes entrepreneurs que l’on retrouve notamment dans le collectif Abbal, sur la place André-Abbal dans le bâtiment de l’ancienne CAF. 


Un lieu ? Le lac de la Reynerie, avec ses activités sportives, sa verdure et son célèbre château du XVIIIe siècle qui a plusieurs fois servi de décor au cinéma. C’est un lieu où les habitants se rassemblent lors d’événements comme pour la fête de la science qui se déroule en octobre.


Un moment ? Les jours de marché. Le mercredi à Bellefontaine et le jeudi à Reynerie. C’est le temps des habitants ! Ce n’est pas cher et il y a une grande diversité de produits.


Un petit plaisir ? Un thé à la menthe et un makroud sur le marché. 


Une couleur ? Le vert. C’est l’un des quartiers où il y a le plus d’espaces verts, avec le jardin de la Reynerie, plus de 9000 arbres ou encore le potager temporaire Badiou. On fait en sorte de débitumer au maximum.


Un projet d’avenir ? À court terme, la construction de la maison pluridisciplinaire de santé qui va améliorer l’offre de soins pour les habitants du quartier.



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