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Le chercheur : En fouillant le passé

  • Valérie RAVINET
  • il y a 23 heures
  • 2 min de lecture

Archéologue expert du Paléolithique récent, Jean-Marc Pétillon est chercheur CNRS au laboratoire Traces à l’Université Toulouse Jean-Jaurès. Sa spécialité ? Faire parler os, bois de renne et silex pour raconter des vies d’il y a 20 000 à 14 000 ans avant notre ère. De la Dordogne aux Pyrénées, ses enquêtes patientes font revivre les indices du passé et évitent que l’oubli ne s’installe dans le présent.


Jean-Marc Pétillon - © Rémi Benoit

Les Magdaléniens en ligne de mire

Lorsque j’ai entamé mes études, mon envie était de travailler sur les sociétés humaines, mais plutôt celles qui n’ont pas laissé de traces écrites. Ma carrière m’a conduit vers le bassin aquitain et la chaîne des Pyrénées, à l’époque dite magdalénienne, l’époque de la grotte de Lascaux. On est au sortir du dernier maximum glaciaire : les paysages sont ouverts, formés de glaciers, de steppes, avec des contrastes saisonniers marqués. Le niveau de la mer est bas. Les traces que j’étudie sont éparses, parfois minuscules ; elles suffisent pourtant à reconstruire des gestes, des techniques, des circulations.


Faire parler les traces

En préhistoire, il faut tout inférer à partir de restes matériels. C’est exigeant et très concret : fouille, objets, terrain. J’aime ce mélange d’incertitude et de méthode. On ne « saura » jamais tout, mais on réduit l’ignorance par petites touches, preuves à l’appui.


Des groupes nomades

À quoi ressemble une journée « chez eux » ? Il faut imaginer des groupes de 10 à 30 personnes, nomades mais pas errants, qui circulent en territoire connu. On s’abrite surtout à l’entrée des grottes, à la lumière du jour ; le fond sert peu à l’habitat. On suit les ressources saisonnières : rennes migrateurs, chevaux, bisons… Il faut marcher longtemps avant de croiser un autre groupe. Et pourtant, on retrouve ici des silex venus de très loin, preuve de réseaux d’échanges au long cours.


La caverne originelle

Pourquoi s’enfoncer jusqu’aux salles les plus reculées pour peindre ou graver ? Parce que le geste compte autant que l’image. Il faut connaître le monde souterrain, s’éclairer, progresser : c’est une technique, donc une intention forte. L’hypothèse qui me parle est celle d’une « caverne originelle », lieu mythique où l’on réactive un récit fondateur. Quelques phases très froides ont vu des habitats en grotte profonde, mais la plupart du temps, on vit dehors, on crée au fond.


Vers l’utilisation de l’intelligence artificielle, prudemment

Mon travail est d’abord low tech : observation, mesures, loupe binoculaire, photos. Les progrès récents permettent d’identifier les espèces sur des prélèvements infimes, dater au radiocarbone avec des protocoles moins destructifs, imager en 3D. C’est ainsi que j’ai reconnu, dans d’anciennes collections, des pièces façonnées en os de baleine passées inaperçues. Ma fouille en vallée d’Ossau, achevée à l’été 2024, entre en phase de publication : nous rassemblons les spécialistes du silex, de la faune et des matières animales pour raconter les premières réimplantations humaines après le retrait des glaciers. L’IA ? Elle aidera à trier et croiser les données de plus en plus nombreuses. Mais je préfère avancer prudemment : respecter l’intégrité des collections, outiller nos besoins, et garder le temps long de la preuve scientifique.

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