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BOUDU

Paysage changeur – Avignonet-Lauragais

À 30 minutes de Toulouse, depuis l’autoroute des Deux Mers, impossible de louper les géants aux pieds de béton d’Avignonet-Lauragais. Sur les hauteurs du village, Romain Veaute, responsable promotion de l’Office du tourisme du Lauragais, entame une visite du parc qui réunit 12 éoliennes de 50 mètres de haut, dont les premières sont arrivées en 2002, et 20 000 panneaux solaires installés sur 13 hectares : « On est dans une des zones les plus ventées de France, donc ça me parait évident qu’on ait des éoliennes. Et puis dans le Lauragais, on a toujours utilisé la force du vent. » Une opportunité pour l’Office du tourisme qui profite de ces installations pour sensibiliser la population aux énergies renouvelables : « Nous n’avons pas de sites touristiques majeurs comme Rocamadour ou Saint-Cirq-Lapopie, donc, ici dans le Lauragais, on essaye d’axer nos visites sur la nature. » Alors que la pluie et le vent se déchaînent un peu plus, Joëlle, 72 ans, lutte contre les bourrasques avec ses quatre chiens indisciplinés qu’elle est venue promener au milieu du parc : « Je suis d’une génération où on tournait au charbon, alors je peux vous dire que pour mes petits-enfants et arrière-petits-enfants je préfère qu’ils installent des éoliennes plutôt qu’une centrale nucléaire. »

Et de raconter ce jour où, se baladant au bord du canal non loin du village, elle a entendu un homme se plaindre du paysage qu’il trouvait « défiguré ». Une remarque à laquelle elle n’a pas pu s’empêcher de rétorquer : « Vous vous chauffez comment ? Si ça vous gêne, vous tournez la tête de l’autre côté. Il faut vivre avec son temps ! C’est un moindre mal, il y a pire. » Joëlle, de toutes façons, ne voit pas d’autres solutions : « Nous ne sommes pas les seuls et il va falloir que tout le monde s’y mette. Sinon comment va-t-on faire ? »


Avignonet-Lauragais, éoliennes

Avignonet-Lauragais, éoliennes


Dans l’unique salon de coiffure, en bas du village dont l’église et la tour sont classées monument historique, Christiane et ses clientes ont leur avis sur la question. En agitant les ciseaux sur les cheveux d’une habituée, elle commente ce paysage qu’elle a connu vierge à son arrivée il y a plus de 30 ans : « Ça ne me dérange pas. Même s’ils auraient tout de même pu les peindre en vert parce qu’en blanc ça fait des tâches dans le paysage. » Les éoliennes, Christiane les tolère mais ne s’en approche pas : « Ça m’angoisse. Quand je regarde ces bestioles, je me dis qu’un jour il y a une pale qui va se détacher et me tomber dessus. »

Dans le salon, les clientes connaissent des gens qui « avaient une propriété familiale juste au pied des éoliennes et qui ont dû vendre. Venus dans cette campagne pour s’isoler et pour être au calme, ils se sont retrouvés un jour avec des éoliennes devant chez eux et ça a tout changé. » À quelques mètres du salon, dans le café-restaurant l’Obélisque, c’est l’incompréhension qui l’emporte : « Je ne vois pas pourquoi on nous oblige à mettre des tuiles d’une certaine couleur, ou pourquoi c’est si compliqué d’installer des panneaux solaires sur nos maisons alors qu’ils installent des éoliennes et un champ de panneaux photovoltaïques à quelques mètres de notre magnifique clocher. Si encore l’électricité était pour nous…», s’agacent Francine et Bruno, le couple de gérants.


Avignonet-Lauragais, éoliennes

Francine et Bruno, gérant de l’Obélisque


Pour échapper aux intempéries du jour, François et Françoise, deux Avignonétains, viennent de se réfugier sous le porche du bistrot, véritable machine à remonter le temps avec ses centaines de bibelots. En commandant un café, ils avouent être eux aussi contre les éoliennes. Ils se rappellent d’un article sur Avignonet titré Ce qu’il ne faut pas faire : « Ce beau village médiéval est maintenant encadré par ces espèces de moulins à vent qui ne ressemblent à rien, c’est une horreur. » Bruno, que l’on surnomme ici « Louis la brocante » est emporté par le fatalisme : « De toute manière, pour nous, c’est fini. Tout ça, c’est pour les jeunes. » Certains trouvent tout de même de l’intérêt pour la région, comme Maxime Joulot, photographe lauragais, pour qui les éoliennes permettent de « marquer l’identité du territoire. Le Lauragais, c’est les coteaux, c’est le vent. Donc on le valorise par les éoliennes. » D’ailleurs, dans son catalogue de cartes postales, celle avec les éoliennes est celle qui se vend le mieux.

Aux abords de l’église et de son clocher du XIVe, dans une ruelle où la perspective dirige l’œil sur les pales tournantes de 35 mètres de long, Hubert Charrie avignonetain depuis plusieurs générations, s’apprête à sortir de chez lui pour promener son chien. Chez le vieil homme à l’accent bien marqué, les éoliennes « on s’en fout. Il y en a partout maintenant ! ». Dans son souvenir, au début des consultations citoyennes, ça grinçait un peu des dents et puis à force les choses se sont tassées. Le clocher sonne la fin de la matinée, la pluie s’intensifie et depuis la côte face au village, les éoliennes sont masquées par la lumière blanche du brouillard. Pourtant, elles sont bien là, surplombant Avignonet et ses villageois.

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