Il vous est peut-être arrivé de vous demander si le soleil ne vous avait pas trop tapé sur la tête ou si vous n’aviez pas un peu forcé sur l’apéro en voyant passer devant vous, dans le fracas des boulevards toulousains, une nuée de perruches vert vif. Cette vision n’avait rien d’une hallucination.
Depuis 2006, les volatiles, originaires d’Asie et d’Afrique, ont durablement posé leurs bagages dans la ville rose, où ils se reproduisent et survivent désormais aux périodes les plus froides. « En 2009, 17 individus avaient été recensés. À l’hiver 2017-2018, elles étaient 155 », constate Ghislain Riou, chargé d’études ornithologiques au sein de l’association Nature En Occitanie. Après une progression de la population de près de 30 % par an, leur nombre aurait aujourd’hui tendance à se stabiliser.
Comment sont-elles arrivées là ? Personne ne le sait vraiment. Le phénomène est aussi observé dans de nombreuses villes européennes où, de Bruxelles à Madrid, les populations se comptent désormais en milliers. « Mais la perruche est un oiseau très sédentaire qui ne parcourt pas des centaines de kilomètres, donc la migration d’une ville à l’autre est exclue », estime Ghislain Riou. Parmi les hypothèses les plus probables, celle d’une introduction volontaire ou de spécimens échappés de volières tiennent la corde, « les perruches étant très peu chères à l’achat et très prisées par les particuliers ».
Le soir, au coucher du soleil, les perruches toulousaines se regroupent au sommet des arbres pour dormir et se protéger mutuellement des prédateurs. D’abord installées près de l’hippodrome, elles préfèrent aujourd’hui le sommet de platanes à deux pas du Capitole. Et après une nuit dans l’hypercentre, au lever du soleil, les perruches s’envolent à la recherche de fruits frais, fleurs et bourgeons dans les parcs, jardins, et rues environnantes. « Elles semblent aussi très dépendantes des mangeoires, souligne l’ornithologue. C’est certainement ce qui leur a permis de survivre aux hivers et de commencer à se reproduire à partir de 2006. Parce que la mortalité hivernale n’était pas vraiment due au froid, mais plutôt au manque de ressources alimentaires. »
Si beaucoup de Toulousains admirent les perruches pour leur exotisme, certains se demandent si elles ne représenteraient pas aussi une menace pour la faune locale. Comme de nombreuses espèces endémiques de chauves-souris, de petites chouettes ou d’étourneaux, les perruches nichent dans les cavités d’arbres, avec une préférence pour les platanes. Mais avec sa quarantaine de centimètres de haut et d’envergure, et son bec puissant, difficile pour les espèces locales de concurrencer cet adversaire redoutable. Sans compter qu’« on n’a encore formellement identifié aucun prédateur à la perruche sous nos latitudes », explique Ghislain Riou. « Les éperviers ou les faucons pèlerins pourraient éventuellement les chasser, mais on n’a encore jamais constaté d’attaques. » Autre piste possible, la genette, « un petit mammifère nocturne au pelage tacheté et à la longue queue noire et blanche, qui grimpe aux arbres et pourrait se nourrir de leurs œufs ». Certaines villes ont déjà pris des mesures d’éradication pour se débarrasser de cette espèce considérée comme invasive. Pour le moment, rien de tel n’est prévu à Toulouse. « Et si ça se fait un jour, il faudra être pédagogue auprès du grand public, qui adore ces oiseaux, beaux, et si faciles à identifier », avertit Ghislain Riou.
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