À gauche de la mêlée toulousaine, il s'est imposé, depuis la saison dernière, comme une alternative crédible au titulaire du poste, Cyril Baille. Une vraie performance dans un club qui a battu tous les records, mais qui ne l'a pourtant pas dissuadé de poursuivre ses études supérieures en podologie à l'IFPP, en dépit d'un emploi du temps pas toujours facile à gérer.
« J’aimerais bien parfois ne rien faire, glander un peu à la maison. » La phrase pourrait raisonner comme un regret. Mais il n’en est rien. Car même s’il lui arrive de devoir se faire violence pour filer, sitôt l’entrainement terminé, à l’IFPP pendant que ses coéquipiers regagnent tranquillement leur domicile, Clément Castets ne perd jamais de vue sa motivation première : ne pas avoir à se lever, un jour dans son existence, pour faire quelque chose qui ne lui convient pas. « Une carrière dans le rugby, ça se termine, au mieux, à 35-37 ans. Après, il faut bien travailler. Et je déteste l’idée de faire quelque chose qui ne me plait pas. J’ai donc compris assez jeune que je voulais faire un métier qui me satisfait. »
Pas question, dès lors, de tout miser sur le rugby qui est du reste, durant son enfance, un hobby parmi d’autres. Né à Toulouse d’un père policier et d’une mère infirmière, il s’initie au ballon ovale, en même temps qu’au judo, à Canet Sainte-Marie dans les Pyrénées-Orientales. Jusqu’à l’adolescence, c’est le plaisir de retrouver les copains qui prédomine. Sauf qu’à 15 ans, il intègre le pôle espoirs puis l’équipe de France des moins de 16 ans. S’il ne songe alors pas en faire son métier, il prend néanmoins conscience de son potentiel. Et commence à être gourmand : « Après les moins de 16, on a envie d’intégrer les moins de 17 et ainsi de suite. Et à partir de 18 ans, on a envie de performer en club ». Une progression qui le conduit logiquement à quitter Canet pour Nîmes, puis pour Montpellier. Tout en poursuivant, en parallèle, ses études dans le cadre du pôle espoirs à Béziers dans un premier temps, puis le pôle France à Marcoussis par la suite. « Ce n’était pas facile de concilier les deux mais j’ai eu la chance que l’on ne nous laisse pas vraiment le choix : il fallait être performant à l’école pour continuer. » Un bac ES avec mention assez bien en poche, il s’inscrit en Staps avant de bifurquer, à son arrivée à Toulouse, vers des études de podologie au PREFMS. « Je voulais à tout prix faire des études dans le paramédical : l’anatomie, le lien avec le sport, le fait de soigner, tout ça me plaisait. » Côté rugby, une impasse le conduit à quitter Montpellier pour rejoindre les Rouge et noir : « Je suis parti parce que j’étais barré par Jack White (entraineur sud-africain, ndlr) qui ne voulait pas faire jouer de Français ».
Sûr de sa bonne étoile
Aussi lorsqu’il pose ses valises du côté d’Ernest Wallon, Clément Castets sait qu’il n’arrive pas en terrain conquis même s’il figure sur la liste développement de 30 joueurs de moins de 23 ans à fort potentiel que les entraîneurs de l’équipe de France suivent avec une attention particulière. Mais dès le début de la saison, on lui découvre un cavernome, une malformation des vaisseaux sanguins du cerveau. « J’avais depuis plusieurs années des problèmes de vision dès que je prenais un gros choc sur la tête. Vu que cela disparaissait très vite, ça ne m’inquiétait pas tellement. Personne ne s’était jamais alarmé jusqu’à ce que je passe cet IRM du cerveau. » Après deux mois au cours desquels il ignore s’il pourra rejouer au rugby – « la période la plus dure de ma vie » – il obtient le feu vert du corps médical pour retrouver le chemin des pelouses… à condition que la tumeur ne se mette pas à saigner. Ce qui, hélas, arrive, un an après, à l’issue d’un match contre Oyonnax. L’opération est alors inévitable. Soulagé de rouvrir les yeux en se souvenant de tout – « quand on t’opère du cerveau, t’as toujours un peu peur » – il apprend qu’il pourra rejouer à condition de patienter un an. Un coup de massue qu’il aborde avec philosophie. Question de caractère : « Ce n’est pas dans mes habitudes de me plaindre. Et puis à partir du moment où le chirurgien était sûr que je pourrais reprendre, je n’avais pas de raison d’en douter. Au final, c’était moins grave que si je m’étais fait les croisés. Là, au moins, il n’y avait pas de rééducation à faire, j’ai pu reprendre tout de suite l’activité physique de manière régulière ». Tant et si bien que ce n’est pas une année mais seulement 7 mois qu’il devra patienter avant de refouler les pelouses du Top 14 le 23 septembre 2018 à Montpellier, son club formateur, au sein d’une équipe laminée par les Languedociens (66-15). Mais qu’importe, Clément Castets est heureux parce qu’il est redevenu joueur de rugby. Et les blessures et appelés en équipe de France vont lui donner la possibilité de s’exprimer plus que prévu. Au total, le pilier participera à dix-huit rencontres de championnat et huit de coupes d’Europe. Avec, cerise sur le gâteau, un bouclier de Brennus pour sa première saison complète chez les pros. Une progression éclair qui aurait fait tourner la tête de plus d’un jeune homme de 22 ans. Pas celle de Clément Castets qui, en parallèle de sa brillante saison sportive, valide son année en école de podologie.
Un succès sur toute la ligne qui ne lui fait pas oublier les difficultés initiales à concilier ces deux objectifs : « Au départ, il y a deux ans, j’ai mis du temps avant de trouver la bonne organisation. Je sentais bien que cela ne satisfaisait personne, ni au Stade ni à l’école. Puis j’ai trouvé mon rythme. J’ai par exemple compris que cela ne servait à rien de réviser un peu tout le temps ». Désormais, le jeune homme assume le bachotage intensif à quelques semaines des partiels. Avec la bénédiction de ses professeurs et du staff du Stade Toulousain : « Ils m’ont toujours soutenu, notamment durant les examens où ils me laissent le temps de réviser, quitte à me faire louper certaines rencontres. Et puis même si c’est dur de mener les deux de front, je me régale d’aller à l’école. Même si je vois bien que cela étonne certains de mes coéquipiers ». Il faut dire qu’en 2019, rares sont les joueurs du Top 14 à suivre des études supérieures. Au Stade Toulousain, il partage cette rareté avec François Cros, devenu formateur à l’école de podologie. Est-ce un hasard ? Toujours est-il que les deux hommes figurent parmi les belles surprises de la saison écoulée. « Le fait de m’être engagé dans un parcours m’a vraiment libéré en termes de stress. Désormais si le rugby s’arrête, je sais que je rebondirais. Et puis avoir un pied dans la vie réelle, un contact avec des gens qui ont un vrai métier ma fait du bien. Cela m’a permis de sortir le nez du rugby et de m’intéresser à d’autres choses. »
L’écologie avant tout
Comme l’écologie dans laquelle le jeune homme est très impliqué depuis plusieurs années et qui le conduit à demander au président de la République Emmanuel Macron, lors de la présentation des joueurs avant la finale du Top 14 de « faire un effort sur l’écologie » ou bien de répondre en conférence de presse au sujet du mauvais début de saison du Stade Toulousain que « le seul truc qui me fait paniquer, c’est l’Amazonie qui crame, pas qu’on ait perdu deux matchs d’affilée ». Une fraîcheur dans le discours détonante, qui lui a valu de se faire chambrer par ses coéquipiers, mais qu’il estime justifiée par l’urgence de la situation : « C’est important de faire prendre conscience de la gravité des choses. Je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aider. Donc dès que je peux placer un mot sur l’écologie, je le fais. Les politiques, il faut les bouger. Comme disait Coluche, il faut remuer la merde pour que l’odeur monte jusqu’au nez des mecs qui dirigent ». Pas question, toutefois, de perdre de vue qu’il est avant tout un rugbyman professionnel. Et qu’à ce titre, « ça ne me satisfait pas de perdre deux matchs d’affilée ». Avec une saison précédente si réussie, Clément Castets n’est pas sans savoir que dans le sport, le plus dur est de confirmer. « J’ai pris tellement de plaisir l’an dernier, tous les jours à l’entrainement, en match que j’ai envie que cela continue. » Pour cela, il sait qu’il doit continuer à inspirer la crainte dans l’esprit de ses adversaires : « L’an passé, il y a des matchs où l’on sentait que l’on avait 20 % d’ascendant psychologique avant même que la rencontre n’ait débuté. C’est jouissif comme sensation »