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BOUDU

Zizanie en septimanie

Pour comprendre ce qui distingue la vie politique montpelliéraine de celle de Toulouse, il suffit de relire ce qu’en disait le maire Montpellier, Philippe Saurel, dans une conversation parue dans Boudu il y a un an jour pour jour : « À Toulouse, vous êtes du genre chattemite, un peu derrière les tentures. Alors que dans le Midi, près de la Méditerranée, c’est plus frontal. On aime se dire les choses. »

Aux chattemites toulousain, les Montpelliérains opposent effectivement une campagne bien épicée, plus confuse, incertaine et spectaculaire que jamais.

En tête des sondages, Philippe Saurel, le maire sortant, personnage truculent, dissident socialiste, montpelliérain viscéral, passionné d’histoire, pragmatique et provocateur, bref, le fils spirituel du Georges Frêche, dont il fut l’adjoint.

Début janvier, pendant que tous les candidats à sa succession fourbissaient leurs armes, Saurel se faisait opérer du genou pour soigner une blessure contractée sur un terrain de foot. La liste Saurel a été tout de même déposée une semaine avant le délai légal, et le maire sortant, convalescent, est parti faire campagne en fauteuil roulant. Un sondage Ifop-Midi Libre le crédite de 19%, soit 6% de plus que son poursuivant, qui n’est autre que le milliardaire Mohed Altrad.

Ce dernier, homme d’affaires providentiel de l’Ovalie, à la fois grand copain de Bernard Laporte, propriétaire du club de Montpellier et sponsor maillot du XV de France, est un personnage inouï. Né dans le désert syrien d’une mère bédouine, il a vécu une enfance douloureuse avant d’arriver à Montpellier à 20 ans avec, dit-on, 200 francs en poche. Aujourd’hui, Mohed Altrad est à la tête d’un groupe industriel florissant, spécialisé dans la production de matériel pour le bâtiment. Avant de se lancer, le milliardaire a sollicité le soutien de LREM, des Verts et des Républicains. En vain. Ces refus ne semblent pas pénaliser sa candidature, bien au contraire, puisque les portes du deuxième tour lui sont, d’après les sondages, largement ouvertes (12%).

Derrière les deux hommes, à 11%, arrive le premier candidat soutenu par des partis traditionnels : Michaël Delafosse. Quadra, prof de collège et conseiller départemental, il est encarté PS et soutenu par PS, PC et le Parti Radical. Profil commun, parti normal, parcours classique… une anomalie dans cette folle campagne.

Dans sa roue, on trouve Rémi Gaillard, l’un des youtubeurs français les plus suivis dans le monde, à la fois pour ses caméras cachées absurdes, gores et anar, dans lesquelles il tourne les flics en bourrique, piège des passants et s’introduit dans des assemblées où personne ne l’attend. En 2002, il s’est invité à l’insu de tout le monde sur la photo officielle lors de la victoire de Lorient en Coupe de France de foot. En 2008, il est parvenu à se glisser parmi les joueurs de l’équipe de France de Volley au moment de la Marseillaise. Sa campagne est tout ce qu’il y a de plus 2.0 : pas de débat, pas de médias, ; mais la rue et les réseaux sociaux. Son antienne d’amuseur : « C’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui » répond à son slogan de candidat « Votez pour un vrai clown, votez n’importe qui. » D’après le sondage Ifop-Midi Libre, Rémi Gaillard est à 1% de se maintenir au deuxième tour.

Derrière, c’est la foire d’empoigne chez les écologistes et les insoumis. Les écolos sont déchirés entre Clotilde Ollier (9%), soutenue au départ par EELV mais bannie soudain pour sa proximité avec les Insoumis. La candidate officielle EELV est Coralie Mantion (8%), à qui il manquera sans doute les voix du dernier écolo Jean-Louis Roumegas, un ancien porte-parole d’EELV (3%).

Les insoumis, quant à eux, se chamaillent sur fond vert. D’un côté les locaux, « Insoumis de Montpellier », qui soutiennent la candidate écologiste anciennement soutenue par les Verts, Clotilde Ollier, de l’autre La France Insoumise, et sa candidate Alenka Doulain (7%).

Si l’on ajoute à ce cocktail les candidats RN et LR de rigueur (7% chacun), un candidat LREM à 5%, un LO à 1% et un UPR itou, on obtient un mélange plus explosif que le Mentos-cola.

Finalement, se parler franchement et refuser de la jouer chattemite, ça ne clarifie pas tellement le débat politique.

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