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  • BOUDU

Antique bordel sonore – Arnaud Saura-Zieglemeyer

Comment se retrouve-t-on à étudier à la fois l’Histoire et la musique ? Je suis violoniste. Quand je suis entré en licence d’Histoire à l’université Jean Jaurès, je jouais en parallèle au Conservatoire. Et j’ai choisi, pour ma thèse, de lier Histoire et musique. Deux passions pour le prix d’une !

Que nous révèle de l’Antiquité la  musico-archéologie ? Tout le monde aime l’Histoire de l’art. Ses statues, ses mosaïques, son côté visuel. Mais quand on visite un chantier archéologique comme Pompéi, on oublie que ces cités étaient de vrais bordels sonores. C’est perceptible dans les sources littéraires, mais ça a été mis de côté. L’intérêt est apparu en 1814 avec la découverte des Hymnes d’Apollon à Delphes, que les chercheurs ont essayé de traduire en partition. Mais il manquait un aspect pratique, un instrument qu’on puisse entendre. C’est là que l’archéologie expérimentale, prisée par les Anglo-saxons, s’est développée.

Quelle place la musique occupait-elle dans l’Antiquité ? Une place très importante mais pas toujours identique. Pour chaque instrument, on essaie de déterminer son usage : comment ça fonctionne, qui le manipule, s’il appartient au contexte religieux ou domestique. Dans l’Antiquité, le double aulos (instrument à vent) par exemple, est souvent représenté près d’un autel. La musique prend alors une fonction de protection. Elle éloigne les mauvais esprits.

Boudu 58 Arnaud Saura-Zieglemeyer

Est-il difficile de reconstituer l’usage d’un instrument de musique ? Avec les 50 papyrus dont on dispose pour toute la période, il est difficile de reconstituer une partition. Ces notations musicales manquent d’informations comme le tempo, les nuances ou l’accompagnement… En plus, des instruments fragiles comme l’aulos ou la lyre ne sont plus que des fragments éparpillés en une centaine de morceaux. Pour ma thèse, j’ai choisi d’étudier le sistre, un instrument à percussions moins étudié car jugé trop simple d’utilisation et moins mélodieux. Mais cet instrument est fait de bronze ou de laiton, il a donc survécu au temps. On en a même retrouvés qui tintent encore !

Comment savoir avec précision comment on jouait du sistre ? D’abord, en étudiant l’objet en lui-même, ensuite ses représentations sur des pièces de monnaie ou des stèles. Enfin en épluchant les textes de Virgile, Ovide ou Apulée. Il existe 450 sistres antiques dans le monde, des milliers de représentations mais seulement 50 occurrences littéraires. J’ai voyagé dans une quinzaine de pays en trois ans, surtout la Grèce et l’Italie, pour travailler dans les musées et les bibliothèques. J’ai même manipulé quelques sistres, et réalisé un enregistrement. Ça fait quelque chose de jouer d’un instrument qui a 2 500 ans ! La musique hollywoodienne des péplums se rapproche-t-elle de la réalité ? Au cinéma, on entend systématiquement la gamme orientale. Toujours la même, que l’on soit dans Gladiator ou dans un film sur l’Égypte ancienne. Stéréotypes durables ! Même les clips musicaux type Dark Horse de Katy Perry choisissent des musiques type oriental parce que l’action se déroule dans un décor antique. C’est un cliché. Certains réalisateurs essaient d’utiliser des instruments reconstitués à l’aide de l’archéologie expérimentale. Un sistre apparaît dans le film Alexandre le Grand et un aulos dans le film Agora. Mais souvent, on les voit et on ne les entend pas. Il est évident que le réalisateur cherche à coller avec l’idée que le public se fait de la musique. On pourrait faire une bande son en utilisant l’archéologie expérimentale, mais je ne suis pas sûr que ça plairait !

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