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BOUDU

Expatriés, la ruée vers l’ailleurs

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@Laurent Gonzalez


Démissionner. Vendre sa maison. Dire au revoir à sa famille et ses amis. Et prendre un vol sans retour pour New York, Kuala Lumpur ou Sydney. Seul(e), ou avec sa femme et ses trois enfants. Sur un coup de tête, ou après une décision longuement mûrie. Avec, ou sans filet de sécurité. Accepter de repartir de zéro. D’affronter les galères administratives. D’apprendre une nouvelle langue. De s’adapter à une autre culture. De parfois changer de métier. De se faire de nouveaux amis. De naviguer entre excitation et doutes. S’expatrier, c’est tout ça, et bien plus encore. « Partir, c’est un arrachement, une manière d’amputation. Rompre, c’est une violence. Dans l’expatriation, on perd nécessairement une part de soi. » Nos témoins donnent tort à l’écrivain Philippe Besson. Si leurs expériences n’ont pas toujours des allures de conte de fées, ils se disent dans l’ensemble heureux.

Portrait-robot d’un expat 1 802 382 : c’est le nombre de nos compatriotes inscrits au registre des Français établis hors de France, au 31 décembre 2018. Cette inscription n’étant pas obligatoire, les Français seraient plus de 2,5 millions à vivre hors de nos frontières. Loin des clichés, le bonheur semble bel et bien dans l’expatriation, à en croire de récents chiffres. 93 % d’entre eux se déclarent ainsi « satisfaits » de leur expatriation, selon une enquête menée en juin 2020 par la Banque transatlantique, en partenariat avec l’Union des Français de l’étranger et Opinion way. Pourquoi cette ruée vers l’ailleurs ? Les répondants évoquent une opportunité professionnelle (39 %), le désir de progresser professionnellement et/ou socialement (20 %), et de bénéficier d’une rémunération plus élevée (13 %). Au-delà du travail, c’est l’amour qui est à l’origine de leur expatriation (25 %) talonné de près par l’envie de découvrir une nouvelle culture (23 %). Témoignages de Toulousain(e)s qui ont troqué une routine bien établie pour vivre une nouvelle aventure, loin de l’Hexagone. (Souvent) pour le meilleur…

Tokyo / Julien Bonaventure, (pas du tout) lost in translation

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Julien à Tokyo @DR


Un désenchantement professionnel – « Je travaillais dans un cabinet d’assurances, je n’étais plus en phase avec mes aspirations », un échec à un concours de la fonction publique. Parfois, il n’en faut pas plus pour avoir envie de tout plaquer. « Tokyo n’arrivait pas en haut de la liste de mes envies », reconnaît pourtant Julien. Mais mon cousin y vivant, c’était l’occasion rêvée d’avoir un pied à terre, et quelqu’un pour me guider dans le labyrinthe de l’expatriation. » Aussitôt le pied posé au pays du Soleil levant, le jeune homme de 26 ans n’a qu’une obsession : maîtriser sa langue. à l’oral, ça passe encore, mais « pour mémoriser l’écriture, il faut s’accrocher ! » à raison de 4 h de cours par jour, ses efforts lui permettent de décrocher rapidement un travail. Idéal pour observer, de l’intérieur, la société japonaise…et ses différences : « J’ai été heurté par la place faite aux femmes et aux minorités. Le pays est clairement en retard sur ces sujets. Au travail, le système est rigide. C’est compliqué d’apporter ses idées, d’être entendu. à fortiori pour un étranger. » Autre différence avec le Français, « le Japonais aime dire qu’il est occupé et fatigué. Socialement, c’est valorisé. S’il se relaxe le week-end, il ne va certainement pas s’en vanter ! » Mais s’il dit avoir parfois envie de « prendre un café avec des amis, ou même de fumer une cigarette, en terrasse », activités proscrites au Japon, Julien ne ressent pas le mal du pays. Amoureux des ruelles de la capitale où il fait bon « s’aventurer pour s’arrêter au hasard dans une échoppe de ramen où c’est toujours délicieux » et du printemps, pour profiter des « magnifiques » cerisiers en fleurs, il adore par dessus tout le sanctuaire Meiji-jingū, et son grandiose torii en bois. « Si vous avez de la chance, vous pourrez tomber sur un mariage, avec les mariés et les invités en tenues traditionnelles. »

San Francisco / Pierre Madamour, il était une fois dans l’Ouest

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La famille de Pierre Madamour à San Francisco @DR


Il y a des décisions qui se prennent sans une longue réflexion. Quand Laurence, la femme de Pierre, se voit proposer un poste à San Francisco, le couple décide illico de plonger dans l’aventure. « Tout a été très rapide. Nous avons vendu notre maison en quelques jours. Et nous nous sommes envolés. » Avec, dans leurs bagages, Manon, 14 ans, et Adrien, 17 ans, leurs enfants. Sur place, Pierre, en disponibilité de son propre travail à Toulouse Métropole, gère l’installation, la logistique. « On a été surpris par le coût de la vie. Le loyer, les transports, l’alimentation, l’école, la santé… Tout est horriblement cher ! Louer une maison, c’est entre 8 et 10.000$ par mois. Une simple consultation chez un généraliste, 250$. » Tiré à quatre épingles, le quartier où ils se sont installés est très « privilégié ». Niveau accueil, si le premier contact avec les locaux est très facile, il déplore la difficulté de nouer des amitiés durables dans un univers où les rapports lui paraissent intéressés : « Si vous pouvez apporter quelque chose à votre interlocuteur, il va s’intéresser à vous. Sinon ? Il vous tournera le dos ! Quand on est pauvre et malade, clairement, ce n’est pas aux Etats-Unis qu’il faut vivre. C’est l’envers du rêve américain. » Cela ne l’empêche pas de vivre intensément, avec sa famille, cette nouvelle aventure. Avec la sensation d’avoir été plongés dans une carte postale. « L’océan Pacifique, une baie onirique, des forêts de sequoias géants, le tout saupoudré d’une splendide lumière… On aura un gros pincement au cœur au moment de rentrer ! » Car oui, un retour en France est prévu, à l’été 2021. « Par nécessité, pas par choix, précise Pierre. Je dois reprendre ma carrière là où je l’ai laissée. Mais on pense déjà à repartir. S’expatrier donne des opportunités qu’on n’aurait jamais eu sinon. Mon fils, par exemple, a pu prendre des cours à LA avec les danseurs de Rihanna et Beyoncé ! »

Singapour, la possibilité d’une île

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La famille de Lanto et Amina à Singapour @DR


Ils s’appellent Lanto et Amina. Tous deux sont originaires de Toulouse. Ils ont un autre point commun : avoir posé leurs valises, avec femme (ou mari) et enfants, à Singapour. Et rejoignent ainsi une grosse communauté, celle des Français, environ 20 000 à avoir fait de la Cité du Lion leur maison. Les particularités de cette communauté ? Elle est jeune, familiale, active, et solidaire. Les nouveaux ne restent pas seuls longtemps. Sur Facebook, SingaFrog, « le Forum des Français de Singapour », fait de l’entraide une réalité quotidienne. Depuis leur installation, nos deux compatriotes apprécient particulièrement la qualité de vie, et la (haute) sécurité. « Une femme peut marcher dans la rue à 4 h du matin, elle ne sera jamais embêtée, raconte Amina Otsmane, 39 ans, à Singapour depuis un an avec son mari et leurs deux enfants. à côté d’une mosquée, on trouve une église. Un peu plus loin, un temple chinois ou indien. Ici, tout le monde vit en harmonie ». « On s’est de suite sentis à l’aise », confirme Lanto Rafilibera arrivé à Singapour avec sa femme et leurs deux filles suite à un traumatisme. « Nous vivions dans le même quartier que Mohammed Merah, et avons été témoins de l’assaut du RAID, le 22 mars 2012. On est partis deux semaines en vacances à Singapour, et on a de suite vu que cet endroit comblait notre besoin de sécurité. C’est parfois extrême -comme cet étranger qui a volé une pomme et s’est fait reconduire à la frontière-, mais force est de constater que ces peines sont dissuasives. Les gens respectent les règles. Si vous oubliez votre sac dans le taxi, le chauffeur va vous le ramener. » Les premiers pas sur l’île n’ont toutefois pas été de tout repos : « à l’arrivée, on n’avait aucun contact, ni travail, ni école pour nos deux filles. L’école internationale étant trop chère, elles ont appris l’anglais en accéléré. On a postulé à 90 écoles, et on a obtenu… une seule réponse positive ! » Ce qui lui manque de Toulouse ? « Mes vrais amis y sont tous. Et la culture gastronomique ! Le cassoulet, le foie gras… Ici, ça ne les dérange pas de boire du vin dans des gobelets en plastique, ou avec des glaçons (rires). » De son côté, Amina, pense aussi avec nostalgie à la famille et aux amis, mais aussi « à la montagne, et aux quatre saisons », dans un pays très chaud et très humide, 365 jours par an.

Cape Town / Norbert Baesa, Out of Africa

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La famille de Norbert Baesa au Cape Town @DR


à 33 ans, quand Norbert prend un billet sans retour pour la Réunion, miné par des problèmes professionnels et sentimentaux, il veut « repartir de zéro ». Un échec. « Je n’ai fait que déplacer le problème, mon couple n’y a pas résisté. Mon ex femme est rentrée à Toulouse. » Lui décide de rester et de monter une usine de conditionnement de produits surgelés, ce qui l’amène à beaucoup voyager, à la recherche de fournisseurs. à l’heure de la retraite, il décide, avec sa nouvelle femme, de s’installer en Afrique du Sud où son fils le rejoint « Les Sud-Africains sont très proches de la nature. Nous avons adopté leur mode de vie. Le Cap et sa région (les vignobles, la route des jardins…) sont superbes. J’ai fait le choix de ne plus rêver ma vie, mais de vivre mes rêves » .

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